Le viol du vampire
L’opus inaugural des longs métrages fantastiques de Jean Rollin sort en mai 68. Le réalisateur lui-même reconnaît l’amateurisme du film. C’est foutraque, bricolé, du cinéma expérimental et avant-gardiste très inspiré de l’œuvre de Franju, avec son merveilleux feuilletonesque et son onirisme. La bande-son très free-jazz accentue le coté improvisé du film. Avec un remarquable sens de la topographie et une identité déjà très affirmée, le cinéaste tire le meilleur parti de ses décors (plage, cimetières, caveaux..) et organise une poignée de scènes topiques qu'il retravaillera (rarement avec un tel brio) dans la suite de son œuvre. C’est passionnant, même avec ses limites.
5/6
La vampire nue
Où Rollin approfondit la conquête d'un univers à nul autre pareil. Certaines séquences du film, surtout au début, atteignent à la pure scène onirique, et c’en est totalement fascinant. Surtout lorsque les images s'accompagnent d’une très belle bande son free jazz. D’autres séquences sont par contre visiblement des pastiches de Romero, Bava ou autres grands maîtres du fantastique héméglobineux, et auxquels le réalisateur se frotte sans rougir… Le tout baigne dans l’esprit libertaire et l’utopisme éperdu post-soixante-huitards. Généralement bien plus apprécié que son grand frère, le film en est assurément plus abouti et moins hasardeux, et restera à jamais hanté par la présence et la beauté époustouflante de Caroline Cartier, véritable icône qui aurait pu faire une grande carrière dans le cinéma..
5/6
Lèvres de sang
La présence de Jean-Loup Philippe dans le rôle principal apporte un peu de relief à l'ensemble mais nous sommes cette fois bien loin des précédentes réussites "rolliniennes". Les actrices sont pour ainsi dire mauvaises et tortillent du cul durant tout le long-métrage en se baladant à moitié à poil entre le cimetière du coin et les ruines d'une cité crépusculaire. Le film a beau tenter de dissimuler ses béances avec toutes les rustines qu'il trouve, l'amateurisme de l'interprétation et le manque cruel de moyens n'aboutissent qu'à une sorte de parodie mi-rigolote mi-navrante sur les motifs habituels du surréalisme, du vampirisme et de l'érotisme. Le titre était pourtant prometteur, mais l'ensemble ne convainc qu'à moitié (en étant gentil), et tire le meilleur dans les scènes nocturnes aux alentours du Trocadéro et dans son final sur la plage dieppoise du côté de Pourville. Rollin est capable du meilleur comme du pire, ici c'est clairement la deuxième catégorie.
2/6
La nuit des traquées
Encore un film de seconde zone mais Rollin parvient à créer une atmosphère languissante, intrigante et mystérieuse ; il délaisse ici ses châteaux et autres lieux gothiques pour le grisâtre et la froideur des tours urbaines. Comme à son habitude, Rollin n'a pas son pareil pour instaurer une atmosphère particulière, allié à son manque évident de moyen qu'à un côté singulier dans sa direction d'acteurs ; il s'agit pourtant, de l'un de ses films les plus techniquement aboutis. Les décors très épurés et le lieu de tournage (les tours de la Défense) dégagent une atmosphère très clinique, à la limite d'une terreur qui ne dit jamais son nom. Glaçant ! Certes l'oeuvre est très loin d'être parfaite, constamment parsemée d'instants saugrenus, mais Brigitte Lahaie dans le rôle principal s'en tire très bien.
3/6
Les deux orphelines vampires
Avec cette dominante bleutée où l'on se croirait presque dans un appareil UV solarium pour bronzer. Pas grand chose à tirer de cette énième variante qui fait partie de ce que Rollin a réalisé de plus mauvais - du moins, parmi les quelques films (ils sont peu nombreux) que j'ai vu à ce jour. Manifestement et comme souvent, le budget n'a pas permis des effets spéciaux top niveau mais l'insolite, le surréalisme et la structure jour/nuit font très mauvais ménage et forment un grotesque cocktail aux abords du petit cimetière d'Epinay-Champlâtreux. Une belle photographie toutefois (c'est la moindre des choses ici), une histoire hilarante (dans un orphelinat, deux jeunes filles aveugles se transforment en nuit en vampire) et une musique hypnotique (tout le passage dans la crypte souterraine est particulièrement réussi) constituent les maigres atouts du film! Le reste est du pur Rollin avec carte blanche à tous les seconds plans pour surjouer leurs personnages. Triste fin de carrière.
2/6
Mon top :
1.
La vampire nue (1969)
2.
Le viol du vampire (1968)
3.
La nuit des traquées (1980)
4.
Lèvres de sang (1975)
5.
Les deux orphelines vampires (1997)
Personnalité totalement atypique que Jean Rollin dans le cinéma français : héraut d'un fantastique le plus souvent méprisé, il a oeuvré avec un mélange d'audace, de naïveté et de totale inconscience, une forme de poésie dans le ridicule aussi, qui en fait une sorte de Brisseau
bis. Sans négliger le nawakisme (et la nullité) complètes de certains de ses films, il faut quand même lui accorder quelques très belles réussites.
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