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Re: Discutons d'Eisenstein

Publié : 6 avr. 12, 17:19
par Anorya
Strum a écrit :
Le temps scellé selon Tarkovski, c'est donc le temps capturé et ressenti dans sa durée par le plan, et non par le montage.
Tout à fait.
Et c'est pourquoi je regrette que cet ouvrage passionnant soit traduit par temps scellé et non temps sculpté, bien justement. ;)

Demi-Lune a écrit : Pour ma punition, deux Tarkovski ce mois-ci.
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Mais pourquoi ? Pourquoi Seigneur Dieu m'inflige-je un châtiment si cruel ? :mrgreen:
Mais c'est pas non plus le bûcher un Tarkovski...
Si ? :oops:

Strum a écrit :
Strum a écrit :Ou pour le dire autrement, Ivan le Terrible, c'est excitant, Andreï Roublev, c'est planant. :mrgreen:
Et pour conclure en m'autocitant, si tu préfères Tarkovski à Eisenstein, Anorya, cours voir Colonel Blimp de Powell & Pressburger, qui vient de ressortir au cinéma dans une sublime version restaurée (+ possiblement quelques minutes inédites) mettant à l'amende le dvd actuel et ses couleurs parfois un peu palies, et qui est un des plus beaux film sur le temps qui passe et sur la durée qui soient.
C'est prévu, je suis en pleine rétrospective Powell/Pressburger en ce moment. Je sens que ce film ne pourra que me plaire.
Et puis Anton Walbrook, très hâte de retrouver cet acteur qui m'avait déjà beaucoup plu dans La ronde et complètement subjugué hier soir lors de mon visionnage des Chaussons rouges.

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 6 avr. 12, 17:40
par riqueuniee
Anton Walbrook est une fois de plus excellent dans Colonel Blimp, dans un registre (entre comédie et émotion) très différent de celui de sonrôle dans les chaussons rouges.
Entre Powell/Pressburger, Tarkovski et Eisenstein, je ne choisis pas :je prends les trois.

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 13 juil. 12, 18:48
par Demi-Lune
La Grève (1925)

Eisenstein est rentré illico dans mon panthéon de cinéastes favoris en seulement trois films, et ce n'est pas La Grève qui viendra contredire ce coup de foudre. Ce premier long est déjà un étalage, d'un aboutissement ahurissant, de tout ce qui fait du style d'Eisenstein l'un des plus époustouflants et influents du Cinéma: expressivité des gros plans, recherches visuelles signifiantes, montage dramatique. Il y a trop d'idées géniales dans ce film pour qu'elles soient toutes énumérées : citons simplement ces espions aux surnoms d'animaux qui sont visuellement identifiés comme tels, ou cette encre déversée sur le plan de l'usine qui coule comme une inéluctable traînée de sang. Du langage cinématographique à l'état pur, qui me conforte dans mon idée que le muet soviétique avait très précocement atteint une forme de perfection dans l'expression filmique. Des histoires fortes d'abord racontées par la seule force des images et de leur juxtaposition rythmique, propulsées par une bande musicale très dramatique. Comme précédemment chez ce réalisateur, je trouve personnellement que le discours propagandiste cherche moins à marteler servilement et bêtement une idéologie, qu'à édifier grâce à une dramaturgie purement imagée, d'une puissance exceptionnelle. Par exemple, la scène où les gros patrons se rassemblent et se gaussent des revendications salariales, atteint son but d'édification peut-être pas tant par l'attitude révoltante des dirigeants capitalistes (une grosse caricature bien poilante et assumée comme telle) que par la manière dont Eisenstein construit en images le rapport de force avec les ouvriers : le découpage, qui va du salon enfumé aux ouvriers pris en tenaille par les forces montées, crée un décalage émotionnel. Les verres d'alcool, le presse-citron métaphorique, bref le confort princier du patronat, sont des images juxtaposées à celle d'une situation d'oppression et ce décalage provoque un effet instinctif chez le spectateur : celui de l'empathie pour le prolétariat. Voici comment, par des moyens purement cinématographiques et très habiles, Eisenstein fait de la pédagogie finaude pour les masses, tout en satisfaisant les autorités commanditaires qui espéraient peut-être un fond idéologique plus affirmé, plus martelé. Vous me direz que l'effet émotionnel et édificateur du montage, c'est le b.a-ba, mais il y a une telle évidence dans l'art d'Eisenstein que ce b.a-ba requinque profondément. Après, je dirais que La Grève reste un peu en-dessous du Cuirassé Potemkine et Octobre qui sont encore plus rodés et virtuoses, mais il y a tant d'images mémorables... et c'est un film truffé de gags ! C'est vraiment très amusant, c'est étonnant. En fait je regrette surtout le parallèle final et métaphorique entre le carnage et le dépeçage gore d'une vache bien vivante ; c'est, pour des raisons stylistiques de montage propre à Eisenstein, certes beaucoup plus "beau", "culotté" et "édifiant" que la scène ridicule de L'année des treize lunes de Fassbinder, mais le problème moral reste le même.

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 13 juil. 12, 19:17
par Filiba
Merci! ça donne envie de le voir.

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 16 juil. 12, 16:57
par Flol
Vu 2 films de Eisenstein (Alexander Nevsky et Le Cuirassé Potemkine), avec à chaque fois le même avis : impressionné par leur aspect formel, mais complètement saoulé par le fond propagandiste.
Pas du tout envie d'en voir d'autres, à vrai dire...

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 16 juil. 12, 17:00
par Boubakar
Ratatouille a écrit :Vu 2 films de Eisenstein (Alexander Nevsky et Le Cuirassé Potemkine), avec à chaque fois le même avis : impressionné par leur aspect formel, mais complètement saoulé par le fond propagandiste.
Pas du tout envie d'en voir d'autres, à vrai dire...
Pareil (même si l'avis de Demi-Lune concernant La grêve donne envie).

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 16 juil. 12, 17:46
par Watkinssien
Ratatouille a écrit :Vu 2 films de Eisenstein (Alexander Nevsky et Le Cuirassé Potemkine), avec à chaque fois le même avis : impressionné par leur aspect formel, mais complètement saoulé par le fond propagandiste.
Pas du tout envie d'en voir d'autres, à vrai dire...
Je te conseille de voir Ivan le Terrible qui transcende (encore mieux, car c'est déjà le cas pour les deux films cités) la propagande pour délivrer une oeuvre beaucoup plus audacieuse politiquement...

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 17 juil. 12, 14:13
par julien
Oui mais formellement Ivan le Terrible il est beaucoup moins intéressant. Plus théâtral dans sa mise en scène.

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 17 juil. 12, 19:31
par Watkinssien
julien a écrit :Oui mais formellement Ivan le Terrible il est beaucoup moins intéressant. Plus théâtral dans sa mise en scène.
Je ne pense pas pour ma part... Le film a quand même des cadres cinématographiques à tomber par terre et son utilisation du montage (qui participe essentiellement de la mise en scène d'Eisenstein) est toujours vivace...

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Sans parler des gros plans :

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Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 18 juil. 12, 13:58
par julien
Il y a des choses intéressantes c'est évident ; et effectivement l'utilisation des gros plans est souvent judicieuse. La séquence d'ouverture lors du sacre d'Yvan, avec les plans serrés sur la tronche des Boyards et des ambassadeurs, qui ruminent en contrechamps, c'est absolument génial ; mais après des réussites formelles telles qu'Alexandre Nevski ou La ligne générale, je trouve que ça reste assez décevant. C'est souvent un peu trop pachydermique. A mon avis il a tellement voulu soigner son cadre et sa lumière, qu'il en a un peu oublié la dimension rythmique qui fonctionnait si bien dans ses précédents films mais bon difficile aussi de se faire une idée globale de l'oeuvre puisqu' Einsenstein n'a jamais pu tourner la troisième partie.

Je crois aussi qu'Orson Welles, pour d'autres raisons, n'appréciait pas du tout ce film. Tu confirmes ?

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 29 juin 15, 21:15
par wontolla
Après avoir vu Eisenstein In Guanajuato de Peter Greenaway, j'aimerais découvrir le cinéma d'Eisenstein.
Quelle édition DVD (voire BD) avec VO ST Fr pouvez-vous me conseiller ?
Merci.

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 30 juin 15, 12:16
par -Kaonashi-
wontolla a écrit :Après avoir vu Eisenstein In Guanajuato de Peter Greenaway, j'aimerais découvrir le cinéma d'Eisenstein.
Quelle édition DVD (voire BD) avec VO ST Fr pouvez-vous me conseiller ?
Merci.
Je crois qu'il n'y a pas l'embarras du choix en VOSTFR, malheureusement.
À vérifier : il me semble que tout est chez films sans frontière uniquement, à part Le Cuirassé Potemkine qui est aussi chez MK2 (vu l'éditeur, j'ai envie de croire que la copie est différente et meilleure).

Très envie de voir le film de Greenaway. Avec lui au moins on est sûr d'être surpris (en bien ou moins bien), et j'adore la (courte) filmo d'Eisenstein.

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 30 juin 15, 12:17
par Jack Carter
-Kaonashi Yupa- a écrit :
wontolla a écrit :Après avoir vu Eisenstein In Guanajuato de Peter Greenaway, j'aimerais découvrir le cinéma d'Eisenstein.
Quelle édition DVD (voire BD) avec VO ST Fr pouvez-vous me conseiller ?
Merci.
Je crois qu'il n'y a pas l'embarras du choix en VOSTFR, malheureusement.
À vérifier : il me semble que tout est chez films sans frontière uniquement, à part Le Cuirassé Potemkine qui est aussi chez MK2 (vu l'éditeur, j'ai envie de croire que la copie est différente et meilleure).

Très envie de voir le film de Greenaway. Avec lui au moins on est sûr d'être surpris (en bien ou moins bien), et j'adore la (courte) filmo d'Eisenstein.
La Greve est chez Carlotta sinon :wink:

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 30 juin 15, 12:34
par -Kaonashi-
Jack Carter a écrit :La Greve est chez Carlotta sinon :wink:
:o
La fiche amazon indique "nouveau master restauré". Je vais vérifier ça...

Re: Serguei Eisenstein (1898-1948)

Publié : 30 juin 15, 12:38
par Jack Carter
-Kaonashi Yupa- a écrit :
Jack Carter a écrit :La Greve est chez Carlotta sinon :wink:
:o
La fiche amazon indique "nouveau master restauré". Je vais vérifier ça...
je pense que ça doit etre le cas car sorti en collaboration avec la Cinematheque de Toulouse :wink: