Hugo Fregonese (1908-1987)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Jeremy Fox »

daniel gregg a écrit :
Jeremy Fox a écrit :

Franchement, ça m'étonnerait que ça te plaise ; c'est mollasson et sans grand intérêt.
:oops:

:oops: :mrgreen:
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hellrick
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par hellrick »

Bon...je sais à quoi m'attendre...

Mais je suis quand même tellement bon public avec le western que je ne me souviens pas d'être descendu en dessous d'un 5/10 (pour un film américain)
Et puis ça ne dure qu'une heure et quart :fiou:
Critiques ciné bis http://bis.cinemaland.net et asiatiques http://asia.cinemaland.net

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Profondo Rosso
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Profondo Rosso »

Quand les tambours s'arrêteront (1951)

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En 1880, les Apaches Mescaleros, à l'instigation de leur chef Vittorio, sont sur le sentier de la guerre aux abords de la frontière entre les États-Unis et le Mexique. Dans cette zone se trouve la petite ville américaine de Spanish Boot, dont le maire Joe Madden expulse le joueur professionnel Sam Leeds qui vient d'abattre, en état de légitime défense, un autre joueur. Madden expulse dans le même temps les prostituées de la ville, que Leeds parti après elles retrouve non loin de là, massacrées par les Apaches. Il revient alors à Spanish Boot pour prévenir les citoyens du danger...

Apache Drums est un des westerns les plus originaux des années 50, autant par la subtilité de son script que par ses audaces esthétiques. L'intrigue voit la petite ville de Spanish Boot menacée par les assauts des Apaches Mescaleros aux abois et que la famine pousse à des attaques sanglantes envers les hommes blancs. L'introduction nous expose cette menace tout en justifiant les raisons légitimes des indiens avant de dépeindre la communauté de Spanish Boot. Il s'y joue notamment un triangle amoureux où le joueur à la gâchette facile Sam Leeds (Stephen McNally) et le maire tout en droiture Joe Madden (Willard Parker) se disputent les faveurs de la belle Sally (Coleen Gray). Après un règlement de compte de trop, Sam fait tâche dans cette ville prospère et en quête de respectabilité dont il va être exclu par Joe dont cela arrange les affaires pour d'autres raisons. Sur le chemin du départ, Sam découvre cependant le carnage orchestré par les apaches et va revenir en ville où la tournure des évènements va lui offrir matière à rédemption.

Adapté d'un roman d'Harry Brown, Apache Drums est également la dernière production supervisée par Val Newton. Il trouve en Hugo Fregonese un partenaire aussi complémentaire que Jacques Tourneur du temps des grands films fantastiques au sein de la RKO (La Féline, Vaudou, L'Homme-léopard) dont on retrouve une surprenante variante western ici. Tout ce qui fait le sel des productions d'épouvante de Newton à travers la suggestion et le hors-champs se retrouvent dans le film de Fregonese pour dépeindre la terreur qu'inspirent les indiens. C'est une menace sourde et fantomatique tout d'abord ressentie par la nuée de cadavre laissés derrière eux par les mescaleros, puis par une nuée de fumée à l'horizon lorsque les hommes quitteront le village pour aller chercher de l'eau et enfin par le son infernal des tambour lors du long final en huis-clos. Fregonese cède par instant à l'obligation de les montrer mais la plupart du temps les entoure d'une aura surnaturelle où leur présence est diffuse et incertaine (un hurlement d'animal qui n'en est pas uns, des collines désertes mais où ils sont bel et bien terrés guettant leur proie), faisant peser une véritable chape de plomb tout au long du récit.

Face à cette opposition, la figure du héros solitaire et indestructible sera vaine. Leeds (excellent Stephen McNally) ne gagne ainsi ses galons de héros (et attirera la sympathie d spectateur) que lorsqu'il usera de ses talents pour se fondre dans la collectivité. Toute la construction du récit tend vers cette idée, chaque action individuelle sera source d'échec et de malheur, que ce soit ce jeune partant seul en éclaireur et trouvant la mort ou encore Leeds mettant en danger ses compagnons qu'il a convaincu par intérêt de sortir du village pour chercher de l'eau. Leeds l'apprendra d'abord par le révérend qu'incarne Arthur Shields qui reste en arrière avec lui pour retarder les apaches puis dans le huis-clos final servant de révélateur. Tous les personnages sont d'ailleurs concernés, délaissant rancœur, cynisme voire racisme (le révérend partageant la prière du soldat indien alors qu'il s'était montré si intolérant durant de nombreuses séquences et dialogues) pour se mettre au service de la survie mutuelle. A l'inverse et tout terrifiant qu'ils soient les indiens possèdent cette unité qui s'illustre dans la dernière partie cauchemardesque. Fregonese donne des allures quasi gothique à l'intérieur d'église où sont terrés les survivants, la photo de Charles P. Boyle jouant autant des jeux d'ombres (et n'hésitant pas à nous plonger dans les ténèbres totales le temps d'une scène ou on bascule dans la vraie épouvante) que des couleurs saturées qui donne des élans baroque aux lueurs rouges émanant de l'extérieur à travers les vitres. L'extérieur est invisible et ne s'introduit que par les intrusions constamment inattendues des indiens ou par cette incessant fracas de tambour (le titre français est particulièrement bien vu) dont les changements de rythme annonce le chaos imminent. La gestion de l'espace de Fregonese est brillante tout comme sa manière de capturer toujours dans le mouvement les réactions de chacun dans cette épreuve. Chacun fini par s'effacer et ne plus symboliser que des hommes luttant pour leurs survie, affrontant les flèches et les flammes et ce n'est qu'ainsi qu'ils finissent malgré leur infériorité à égaler l'entité indicible que représente les indiens. Et c'est forcément dans ces derniers instants qu'on peut céder au cliché de la cavalerie tant la démonstration est arrivée à son terme. Captivant, haletant et terrifiant, un grand film qui sait faire de ses limites budgétaires de série B un moteur dramatique essentiel. 5/6
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manuma
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par manuma »

UNTAMED FRONTIER (1952)

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Proposant sur ses 78 petites minutes une intrigue relativement dense, mêlant le drame familial « soap opératique » à la grande Histoire, celle du combat pour la terre entre grands éleveurs et émigrants (que relatera également trente ans plus tard le Heaven’s gate de Cimino, dans lequel on retrouve d’ailleurs Joseph Cotten), Untamed frontier s’annonçait assez bien sur le papier. Aussi m’attendais-je à quelque chose d’une peu plus pertinent que ce western bis routinier aux personnages grossièrement dessinés, survolant en outre l’aspect le plus intéressant du son sujet (le conflit migrants / propriétaires terriens). Réalisation plutôt amorphe, acteurs sous-exploités, scénario sans envergure : l’ensemble est suffisamment court pour ne pas virer à l’expérience déplaisante. Mais disons que j’espérais mieux de la part de Fregonese.
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Jeremy Fox
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Jeremy Fox »

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Passage interdit (Untamed Frontier , 1952) de Hugo Fregonese
UNIVERSAL


Avec Joseph Cotten, Shelley Winters, Scott Brady, Fess Parker, Suzan Ball, Lee Van Cleef, David Janssen, Minor Watson
Scénario : Gerald Drayson Adams, John & Gwen Bagni
Musique : Hans J. Salter
Photographie : Charles P. Boyle
Une production Leonard Goldstein pour la Universal


Sortie USA : 23 juillet 1952

Pour ceux qui avaient vu et apprécié Quand les tambours s'arrêteront (Apache Drums) l'année précédente, le rendez-vous avec le nouveau western Universal réalisé par Hugo Fregonese devait être attendu avec une grande impatience. J'imagine la déception à l'arrivée car non seulement l'exploit n'a pas été renouvelé mais le cinéaste a probablement signé le western le moins captivant du studio depuis au moins le début de la décennie. Cependant, grâce surtout au talent de plasticien du cinéaste, Untamed Frontier peut encore se laisser regarder avec plaisir. Car si son scénario se révèle bien médiocre, Fregonese n'a pas perdu la main concernant son sens de la composition, des cadrages et des éclairages, aidé en cela par l'excellent chef-opérateur Charles P. Boyle (Tomahawk de George Sherman et évidemment déjà Apache Drums entre autres). Mais avant d'y revenir un peu plus en détail, voyons de quoi nous parle ce western qui, au vu de son intrigue, devrait vous en rappeler un autre beaucoup plus célèbre, et ce, à juste titre !

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L'histoire se déroule au Texas vers la fin du 19ème siècle. "Vous n'avez pas le droit d'entraver le progrès !" Un journaliste informe Matt Denbow (Minor Watson) que s'il n'ouvre pas un passage au travers de ses terres pour que les immigrants puissent les franchir afin d'atteindre les libres pâturages cédés par le gouvernement, il le dénoncera dans les pages de son journal local. Mais, entêté comme ce n'est pas permis, le patriarche ne veut rien entendre et fait garder 24/24 heures les limites de son domaine par les vaqueros commandés par son fils, Glenn (Joseph Cotten) et son neveu, Kirk (Scott Brady). Mais lors d'une soirée dansante, alors qu'il était sorti flirter avec Jane (Shelley Winters), une serveuse, Kirk tue le prétendant de cette dernière, l'arme du 'fiancé' lui ayant été subtilisé auparavant afin qu'il n'ait aucune chance de pouvoir se défendre. Kirk étant accusé de meurtre, la honte risque de retomber sur la famille si un procès devait avoir lieu et qu'il ne puisse pas se disculper. Jane étant le seul témoin du drame, l'avocat véreux de la famille conseille que l'on célèbre le plus rapidement possible un mariage entre Kirk et Jane, la loi américaine précisant qu'une épouse ne peut en aucun cas témoigner contre son mari. C'est ce qui se passe, la naïve Jane croyant dur comme fer que Kirk l'a prise pour femme par amour. Lorsqu'elle découvre le pot aux roses, il est déjà trop tard. N'empêche qu'elle se met à haïr son époux et à tomber sous le charme de son cousin Glenn, homme d'une grande noblesse. Les relations familiales au sein du ranch Denbow commencent sacrément à s'effriter d'autant que Jane s'affronte avec son beau-père dont elle ne supporte pas la dureté et l'égoïsme...

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Vous l'aurez peut-être deviné ?! L'intrigue ressemble par de nombreux points à celle de Duel au soleil de King Vidor. En gros, Scott Brady reprend le rôle de Gregory Peck, Joseph Cotten se contente de rejouer le sien et, en lieu et place de Lionel Barrymore nous trouvons l'insipide Minor Watson. Seulement, alors que le scénario de Duel in the Sun dégageait une formidable puissance dramatique, il n'en est rien concernant celui du western de Fregonese ; et c'est là que le bât blesse avant tout. Les trois scénaristes semblent ne pas s'être souciés de la progression dramatique justement, commençant leur travail de la plus intéressante des manières pour paraître laisser tomber toute velléité de raccrocher l'attention du spectateur une fois la séquence du mariage bouclée. Bref, ça débutait de façon très convaincante avec des personnages semblant plutôt bien croqués mais tout s'écroulait par la suite, le 'monolithisme' de chacun ressortant d'une manière assez caricaturale. Et puis, quelle manque d'imagination lorsqu'il s'agit de faire mourir les 'Bad Guy', Scott Brady et Minor Watson, tous deux étant expédiés Ad Patres comme pour s'en débarrasser au plus vite et dans une indifférence à peu près totale. Des leçons d'écriture qui se perdent parfois !

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Comment de toute manière aurions nous pu être ému par ces séquences étant donné que les personnages sont dénués d'humanité et que du coup nous nous sentons incapables d'éprouver pour eux ne serait-ce qu'une seconde d'empathie ! Alors que Lionel Barrymore dans le film de Vidor trouvait parfois grâce à nos yeux, devenait touchant le temps de quelques minutes grâce à de petits détails, à un jeu plus nuancé qu'il n'y paraissait, celui qu'interprète sans conviction Minor Watson ne s'avère être (n'ayons pas peur des mots en l'occurrence) qu'un vulgaire 'facho' sans une once de bonté et qui ne semble obnubilé que par une seule chose, à ce qu'aucun émigrant ne vienne fouler ses terres ! Que son épouse regrette ne pas avoir d'amis à cause de la sale réputation de la famille ne le touche pas le moins du monde. Il en va de même pour le personnage de Glenn ; si Scott Brady (excellent second rôle jusqu'à présent) s'avère assez réjouissant au début dans la peau de cet homme fanfaron et roublard, n'ayant pas l'habitude de se retrouver si important au sein d'une intrigue, a tendance par la suite à cabotiner un peu plus que de mesure. Son Glenn n'en demeure pas moins le personnage le plus intéressant du film (le plus rutilant et 'picaresque' aussi avec ses chemises à paillettes brillantes et son sourire carnassier), celui qu'interprète Joseph Cotten étant bien trop lisse et ne sachant pas sur quel pied danser vis à vis de celui que tient Shelley Winters ; un personnage à priori trop riche pour ses encore frêles épaules, tout d'abord naïve arriviste (ce mélange est-il d'ailleurs bien crédible ?) puis se transformant en altruiste révoltée guère plus vraisemblable. Le personnage mystérieux qu'incarne Suzan Ball pour son premier rôle au cinéma, plus fouillé, aurait pu faire son effet ; en l'état, il ne passionne guère plus que les autres même si le visage de la comédienne retient sacrément l'attention.

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Bref, le semi-ratage de ce film provient pour une grande partie de son scénario (qui démarrait plutôt bien mais qui devient de plus en plus languissant et de moins en moins captivant au fur et à mesure de son avancée), de la mauvaise caractérisation de ses protagonistes et d'un casting bien trop 'vert' pour pouvoir assumer une telle tragédie familiale. Il reste néanmoins une bonne idée de départ (avec notamment ce 'piège' ourdi pour faire tomber Jane dans les rets de Kirk), quelques images assez vigoureuses comme l'utilisation du fouet par Minor Watson pour se faire respecter, la description intéressante de ce Cattle Baron entravant le progrès par pur égoïsme, et une mise en scène plutôt soignée de Hugo Fregonsese. A ce propos, on trouve un bon nombre de superbes plans (sur les visages notamment), de belles contre plongées, de magnifiques contre jour sur les cow-boys gardant les clôtures de barbelés. C'est vraiment assez plaisant pour la rétine. Malheureusement, alors qu'Universal s'était fait jusqu'à présent un point d'honneur à ne pas utiliser de transparences, nous en trouvons quelques unes bien gratinées au sein de ce Passage Interdit ; cela tendrait-il à prouver le manque d'implication de l'équipe de tournage ?

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Dans le même style, outre Duel au soleil de King Vidor et The Furies de Anthony Mann évidemment nettement supérieurs, il y avait eu un autre 'précédent' mettant en scène les rivalités entre deux membres d'une même famille, en l'occurrence deux frères ; il s'agissait du sympathique La Vallée de la vengeance (Vengeance Valley) de Richard Thorpe bien plus fouillé psychologiquement parlant. Un questionnement néanmoins intéressant sur la fin d'une époque, celle des ranchers tout puissants, une histoire pas plus bête qu'une autre, un drame familial qui aurait pu être prenant si les scénaristes avaient eu un tant soi peu le sens du tragique et de la progression dramatique. La tension étant presque constamment au plus bas, on ne peut que regarder tout ceci d'un œil amusé mais sans vraiment s'y passionner. Pas spécialement mauvais, juste raté et surtout anecdotique !
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par manuma »

Jeremy Fox a écrit :Pas mieux
J'ai lu ta critique dans la foulée et, effectivement, il y a deux, trois séquences en extérieurs joliment photographiées (notamment, la scène finale). Mais c'est à peu près tout...

J'ai découvert dans le même temps son Apache drums. Je ne m'étais pas renseigné dessus au préalable et la surprise n'en a été que plus agréable. J'ai beaucoup aimé ce contraste, remarquablement souligné par la mise en scène, entre le passage dans le désert et celui situé dans l'église. Dans les deux cas, le danger et la peur sont omniprésents, mais alimentés par un cadre de nature diamétralement opposée (les grands espaces dans le premier cas, l'enfermement dans le second). C'est rudement bien pensé. Par ailleurs, le quasi fantastique dernier tiers du film m'a furieusement fait penser à l'Assaut de Carpenter (la situation en général, le personnage principal). Bref, j'adhère à tous les propos enthousiastes concernant ce titre.
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Kevin95 »

MAN IN THE ATTIC (Hugo Fregonese, 1953)

Petite déception.
Cette relecture du mythe de Jack l'éventreur s'avère correcte mais force est de reconnaitre que venant d'un cinéaste dont je lis sur le forum le plus grand bien et avec au casting cette crapule de Jack Palance, j’espérais tout même plus qu'un film noir de série (ce qui est malheureusement le cas de ce Man in the Attic). Le ton léger avec lequel le metteur en scène traite les personnages secondaires et le visuel "figé" de l'Angleterre du 19eme siècle n'aide pas le film à décoller et à exposer la peinture d'une société décadente dans laquelle circule une peur diffuse et constante. Reste heureusement deux trois séquences fort réussites comme ce très beau plan sur ces mains trempées dans la Tamise et évidemment le grand Palance, ici dans ses jeunes années et qui pour interpréter le célèbre tueur, joue essentiellement de la machoire (il faut le voir articuler difficilement ses répliques, gestuel le rendant aussi pathétique que terrifiant).
Le final aux accents mélodramatiques réussit en bout de course à faire du film de Fregonese un thriller agréable mais pas inoubliable j'en ai peur.
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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Jeremy Fox
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Jeremy Fox »

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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Jeremy Fox »

Le western du WE : Le Vagabond et les lutins
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par John Holden »

C'est quoi ce titre français ?! :lol:
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Jeremy Fox
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Jeremy Fox »

John Holden a écrit :C'est quoi ce titre français ?! :lol:

Effectivement, ça ne donnerait pas spécialement envie :mrgreen:
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Re: My six Convicts - Mes six forçats

Message par kiemavel »

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A la fin des années 30, le docteur Wilson, un jeune psychologue sans expérience du milieu carcéral, arrive à la prison de Harbour pour y mener des séries de tests psychologiques sur les prisonniers afin d’évaluer leurs aptitudes, améliorer leur condition de détention et favoriser leur réinsertion. Ce nouveau programme suscite le scepticisme du directeur de la prison qui souhaite même profiter de ces tests pour être tenu informé des désordres psychologiques qui pourraient être détectés et que lui soit transmis toutes informations susceptibles de prévenir les révoltes de prisonniers ou leurs projets d’évasion ce que refuse de faire le « doc » lequel a, de toute façon, bien des difficultés à se faire seulement accepter par des prisonniers qui refusent de participer à son programme. Il réussit finalement à intéresser Connie, un ex perceur de coffres supérieurement intelligent mais c'est quand le dangereux et influent Punch Pinero s'engage dans l'équipe qu'il entraine avec lui 4 nouveaux détenus à venir épauler le psychologue dans son travail malgré les méfiances mutuelles …
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Adapté d’un récit autobiographique de Donald Powell Wilson intitulé "Mes six condamnés : les trois années d'un psychologue à Fort Leavenworth », best seller à sa sortie, My Six Convicts apporte une nouvelle fois la preuve que, dans ses meilleurs jours, son réalisateur Hugo Fregonese aura, à son époque, réussi à livrer quelques films totalement à contre courant des films du genre abordé, ici le film carcéral. Mais l’originalité de celui ci est probablement du aussi à son producteur Stanley Kramer. Quand celui ci découvrit que le livre de Wilson avait été partiellement écrit par la scénariste Eve O'Dell et que plusieurs incidents y avaient été inventés (notamment la tentative d’évasion -presque- finale), il décida d’abandonner l’idée de réaliser l’adaptation dans le ton documentaire qu’il avait envisagé.
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Et de fait, tout en traitant sérieusement son sujet et en y mettant quelques ingrédients attendus : le caïd de la cour de prison, les conflits entre le psychologue progressiste et les gardiens, etc... et de la violence : intimidation entre forçats, bagarre, révolte et tentative d'évasion, Fregonese édulcore tous ces moments et les contrebalance de manière inattendue par des séquences d'émotion subtiles et surprenantes et même énormément d'humour. Même si, au récit autobiographique, ont été ajouté quelques séquences dramatiques (surtout dans le final), il évite donc toutes les scènes chocs attendues et donc les émotions fortes un peu faciles. Ici pas de « choc » entre monde extérieur et prison (pas de famille, de petite amie libre, de visite au parloir, d’avocat, etc …). Pas plus que de « choc » entre le Warden (directeur), et ses gardiens, et les prisonniers. Les uns et les autres resteront au second plan, le seul personnage secondaire jouant un rôle non négligeable sera le médecin chef interprété par Régis Toomey … et comme la plupart des médecins, ce n’est pas un sadique (les exceptions dans la vraie vie ne le sont pas volontairement en général).
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Très vite, il devient évident que Fregonese n'a pas de grandes propositions à faire pour transformer l’univers carcéral et, par exemple, on ne saura presque rien des fameux tests et de leur utilité. Son sujet c'est l'apprentissage de l'humanité ou son réapprentissage chez des hommes au lourd passé et condamnés à de lourdes peines. Il montre comment peut surgir la confiance, l'amitié et l'humanité dans un univers carcéral peu propice à faire émerger ce miracle qui survient parfois entre les hommes. Mais c'est un processus lent, fait de retours en arrière et de mises à l'épreuve. Le récit se concentre donc sur la relation étroite et croissante entre un psychiatre qui est le narrateur des petits évènements qui surviennent et des comportements qu'il observe chez ses 6 assistants, ces six personnes qui vont apprendre à rendre leur vie derrière les barreaux non seulement plus tolérable, mais aussi productive, et à transmettre ainsi leur nouvelle vision de la vie à leurs co-détenus. Nous découvrons progressivement leur personnalité ...
On découvre d'abord le roublard Connie (Millard Mitchell), un ancien cambrioleur, assez dur pour être le seul à tenir tête au "parrain" de la cour mais aussi assez rusé pour sentir combien ce poste auprès du psy pourrait être une bonne planque. C'est du moins sa motivation première. "Punch" Pinero (Gilbert Roland), le gangster endurci qui règne en maitre sur les détenus. Kopac (Jay Adler), le petit employé de bureau qui avait piqué dans la caisse. Neurasthénique, dépressif et se disant "bon à rien, raté pour tout", il sera incapable de s'adapter à la vie au dehors, finira par réintégrer la prison et sera un loser jusqu'au bout.
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On remarque un peu moins les autres mais ils auront tous leur(s) grande(s) scène(s). Dawson (Harry Morgan), le tueur psychopathe, l'aura, son moment, dans le final. Blivens Scott (Marshall Thompson), le jeune homme alcoolique … qui va profiter de la planque pour y abriter une fabrique d'alcool. Randall (Alf Kjellin), le jeune homme si souvent incarcéré qu'en 10 ans de mariage il a très peu vécu avec sa femme ... et à qui ses camarades organisent une nuit d'amour avec sa femme. Idée saugrenue, hautement irréelle … mais séquence sublime dans un film qui en compte bien d'autres : la sortie de Connie qui se voit offrir la possibilité de sortir de prison pour ouvrir un coffre … pour la 1ère fois de sa vie à la demande des banquiers. Même Wilson, le psy (interprété par l'assez terne John Beal) aura une séquence assez spectaculaire et très émouvante quand, par une très intelligente intervention, il réussira à calmer un début de rébellion alors que les gardiens étaient tout près d'intervenir pour la mater violement.
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Jusqu'au bout, les séquences d'émotion, de violence et même d'humour, d'une drôlerie jamais forcées car toujours insérées pour montrer le degré croissant d'humanisation survenant chez les détenus, s'enchainent sans que tous ces changements de ton ne posent de problème au spectateur, au moins à celui qui s'exprime, y compris dans un final une nouvelle fois inattendue et à la fois drôle, émouvant et, pour le coup, pas complètement irréaliste.
Bref … Pas le plus "naturaliste" des films de prison mais une merveille de film et le meilleur Fregonese que j'ai vu. Seule contrariété : la partition un peu tapageuse de Tiomkin

Si Millard Mitchell a remporté un Golden Globe pour sa performance dans le film, Gilbert Roland ou Jay Adler, tout aussi exceptionnels - vraiment - auraient pu eux aussi remporter le prix. Vu en vost.
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Le film apparait et disparait sur YouTube avec la possibilité d'adjoindre un sous titrage en anglais très fiable pour peu que le son soit correct. Par contre, le texte s'enchaine sans ponctuations mais c'est une belle aide pour ceux qui ne maitrisent pas suffisamment l'anglais.
Bonner
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Re:

Message par Bonner »

Jeremy Fox a écrit :
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Le Raid (The Raid, 1954) de Hugo Fregonese
PANORAMIC PRODUCTION


Avec Van Heflin, Anne Bancroft, Richard Boone, Lee Marvin, Peter Graves, James Best, Claude Akins
Scénario : Sydney Boehm
Musique : Roy Webb
Photographie : Lucien Ballard (Technicolor 1.37)
Un film produit par Robert L. Jacks & Leonard Goldstein pour la Panoramic Production distribué par la 20th Century Fox


Sortie USA : 04 août 1954

The Raid est le troisième et dernier western américain du cinéaste originaire d’Argentine, Hugo Fregonese. Le suivant, il le tournera dix ans plus tard en Yougoslavie ; ce sera une une coproduction allemano-franco-italo-yougoslave, l’un des films de la franchise Winnetou adaptée des romans de l’écrivain Karl May : Les Cavaliers rouges (Old Shatterhand) avec Lex Barker et Pierre Brice. Autant dire que nous ne serons alors plus du tout dans la même veine que celle de ses westerns des années 50 ; cependant ça ne nous étonne guère de la part d’un réalisateur à la filmographie aussi surprenante et éclectique (y compris qualitativement parlant). D’ailleurs, bien avant ça, les spectateurs américains de 1954 avaient déjà dû se demander si, avec The Raid, Fregonese retrouverait la qualité de Quand les tambours s’arrêteront (Apache Drums) ou s’il allait perpétuer la fadeur de Passage interdit (Untamed Frontier). Ne laissons pas trainer le suspense plus longtemps : The Raid n’est pas loin de se situer au niveau de son premier western, la perfection plastique (due en grande partie à Val Lewton) et l’intensité dramatique en moins. Bref, néanmoins un excellent film de série B qui n’était jamais sorti en France, sa première diffusion dans notre pays ayant eu lieu par l’intermédiaire de l’émission de télévision ‘La dernière séance’ présentée par Eddy Mitchell, produite par Gérard Jourd’hui et Patrick Brion ; émission qui, rappelons le, fut à l’origine pour beaucoup d’entre nous de leur amour pour le cinéma de genre hollywoodien. En tout cas, Patrick Brion nous dit que la diffusion de ce film alors rarissime fut récompensé par un beau succès d'audience.

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"Ceci est une histoire vraie. Elle commence la nuit du 26 Septembre 1864 dans une prison de l'Union à Plattsburgh dans l'État du Vermont, non loin de la frontière canadienne." Un petit groupe d’officier sudiste, commandé par le Major Neal Benton (Van Heflin), s’en évade. Les sept soldats ont pour mission de s’infiltrer à St. Albans, petite bourgade Yankee située juste de l’autre côté de la frontière, pour en préparer la mise à sac. L’objectif à atteindre, délivré lors d’une réunion au sommet par le Colonel Tucker (Paul Cavanagh), est de disperser les troupes nordistes trop concentrés au Sud autour d’un Général Lee aux abois et de piller l’or contenu dans les trois banques de la ville, manne financière qui permettrait d’alimenter les caisses de la cause confédérée. Benton se fait passer pour un homme d’affaire canadien et vient se faire héberger dans une pension où il doit côtoyer quotidiennement un officier nordiste ayant perdu un bras lors des combats, le Capitaine Lionel Foster (Richard Boone). Avant le jour J, afin de conserver l'anonymat (condition sine qua non pour la réussite des opérations), il devra tempérer les ardeurs meurtrières de certains de ses hommes, et notamment du lieutenant Keating (Lee Marvin). Il éprouve désormais quelques scrupules à mener à bien sa mission de dévastation d’autant qu’il s’est pris d’amitié pour les habitants de la ville et est tombé sous le charme de la veuve qui l’héberge, Katie Bishop (Anne Bancroft) et de son tout jeune fills (Tommy Rettig). Il n'en rêve pas moins dans le même temps de se venger des destructions par les Tuniques Bleues de Savannah et Chatanooga où sa famille s’était faite décimer…

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L’histoire signée Sydney Boehm est donc tirée d’un fait historique réel s’étant déroulé à la fin de la Guerre de Sécession, au moment où la Confédération commençait dangereusement à perdre du terrain, acculée par l’armée américaine et à court d’argent pour poursuivre décemment le combat. Un petit groupe de soldats évadés d’une prison canadienne avait donc été envoyé en mission pour incendier une ville du Vermont, s’emparer de tout l’or de ses banques afin de le reverser dans les caisses de l’armée du Général Lee. Très confiant dans le succès de ces pillages prémédités, ils comptaient même ensuite faire de même dans toutes les autres bourgades alentour. Dans la réalité, seul St. Albans en aura fait les frais sans même que cette attaque n'ait quasiment occasionné de mort ni même d’habitations détruites (même si ce fut planifié ainsi) alors que le western de Fregonese se termine par une mise à sac de la ville à l'aide de bouteilles de nitroglycérine occasionnant l’incendie des principaux bâtiments. Il n'y eut pas non plus comme dans le film de troupe unioniste venue se reposer le temps de quelques journées alors que les espions sudistes étaient prêt à mettre en marche leur attaque. Même si les auteurs ont refusé presque tout spectaculaire, le dernier quart d’heure l’est bel et bien, mais avec les moyens du bord qui semblent ici avoir été très modestes. Si le dépouillement sied bien avec l’atmosphère créée par le cinéaste et son scénariste, il est évident qu’ils n’ont de toute manière pas eu le choix, le film ayant été tourné pour une toute petite compagnie, la mal nommée Panoramic Production, The Raid ayant été filmé en format carré alors même que le Cinémascope commençait à fleurir un peu partout ; deuxième paradoxe, le studio distributeur du film, la 20th Century Fox, était justement à l’origine du nouveau format panoramique.

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Petite production pour un film assez classique d’aspect voire même quasi théâtral tellement certains décors paraissent nus (celui du hall de la gare par exemple). Ce qui ne nuit en rien à sa vision car, comme je le disais juste avant, les auteurs ont avant tout insisté sur l’écriture, l’aspect visuel passant ici au second plan à l’inverse du premier western de son auteur, Apache Drums. Beaucoup parlent d'originalité à propos de l'intrigue de The Raid déjà par le fait de nous montrer des 'héros' sudistes ; c'est assez mal connaître l'histoire du genre comme le précise Bertrand Tavernier lors de sa présentation du film, critiquant avec un peu de condescendance 'les internautes incultes' (sic !) ; seulement, avec tout le respect que je lui dois et avec toute l'admiration que je lui porte, quand la seconde d'après il affirme quasiment le contraire, à savoir que le cinéma hollywoodien (et plus précisément le western) a été majoritairement pro-sudiste, me semble tout aussi (voire même plus) grossièrement exagéré. A mon humble avis, la balance est assez équilibrée à ce sujet, Fort Bravo étant sorti peu de temps avant pour contredire les premiers alors que d'un autre côté tout un pan du western militaire avait fait des 'soldats bleus' ses héros. Qu'il y ait eu de détestables Carpetbaggers dans une multitude de westerns ne change rien à l'affaire ; des profiteurs de guerre, il y en eut dans tous les conflits et à l'intérieur de tous les camps ; les unionistes ayant été vainqueurs, il s'avère logique que les profiteurs soient venus du Nord. Repensez à Thunder over the Plains (la Trahison du Capitaine Porter) de André de Toth : que Randolph Scott, commandant d'une garnison de tuniques bleues, prenne partie pour ceux qui luttaient contre ces profiteurs n'en faisait pas moins un honorable héros ne reniant pas ses convictions pour autant. Les auteurs sont souvent lucides quant à la situation de l'après-guerre et les conséquences fâcheuses pour les perdants (il y eut toute cette vague de western mettant en scène les hors la loi célèbres, la plupart étant passés du mauvais côté de la barrière pour au départ lutter contre les injustices amenées suite à la défaite des états confédérés) mais ce n'est pas pour autant qu'ils récusent la cause et les convictions du Nord.

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Bref, à mon avis, rien à l'époque de 'politiquement incorrect' ni de très courageux à faire des confédérés les personnages principaux d'un western d'autant plus que Sydney Boehm refuse tout manichéisme et que le personnage le plus haïssable porte justement l'uniforme gris. Il s'agit de celui joué par un étonnant Lee Marvin, le Lieutenant Keating, un va-t-en guerre qui ne pense en arrivant en ville qu'au tas de cendres que représenteront bientôt tout ces beaux bâtiments, qu'aux civils qu'il va pouvoir s'amuser à tuer. Un véritable sociopathe qui met constamment en danger la mission et qui par ce fait est pour une grande part à l'origine de la montée de la tension et du suspense tout au long du film, Van Heflin ayant constamment à le surveiller afin qu'il ne dévoile pas inopportunément leurs véritables identités aux habitants de la ville. La séquence dans l'église au cours de laquelle Lee Marvin, éméché, se prend la tête entre les mains avant de péter un plomb doit tout au comédien qui prouvait une fois encore qu'il était au cinéma, l'un des 'Bad Guy' les plus inquiétants de l'époque. A l'inverse, c'est Richard Boone qui se voit octroyer le protagoniste le plus attachant du film, celui d'un célèbre officier nordiste, un vétéran mis sur la touche après avoir perdu son bras. D'autant plus attachant (et à partir de maintenant, ceux que les spoilers dérangent devraient directement passer au paragraphe suivant) qu'on nous le présentait de prime abord comme un homme acerbe et peu sympathique, prônant la destruction pure et simple des ennemis. On se rendra compte qu'en fait de héros de la guerre, il avait cherché lui même à se blesser (sans nécessairement vouloir devenir manchot) afin de fuir le front et ses combats meurtriers. Son sacrifice final lui fera retrouver le respect et la dignité qu'il pensait avoir perdu et l'on peut dire que c'est le seul personnage qui sortira véritablement grandi de cette histoire.

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Car , si l'on pensait que l'officier sudiste joué par Van Heflin allait pouvoir trouver une échappatoire non violente à sa mission après être tombé sous le charme d'une veuve 'ennemie' et s'être pris d'affection pour le fils de cette dernière, il n'en sera rien : même s'il est troublé par les conséquences de ses actions à venir, les scrupules qu'il pouvait avoir seront balayés d'un revers de main dès lors que l'opération aura été mise en branle. Alors que le doute et les hésitations s'étaient emparés de sa conscience, alors que cette dernière entamait une âpre lutte entre ses sentiments et son devoir, il finira par choisir tout en ayant pleinement conscience de ce qu’il perd en suivant la voie du patriotisme ; son dernier regard attristé sur la ville qu’il quitte en 'tortionnaire' nous fait penser que l'autre alternative délaissée (la vie de famille) va le hanter un bon bout de temps. Une fin assez amère à l’image de ce film empreint dune belle dignité qui en définitive nous montre sous un jour inhabituel les absurdités d’une guerre civile ; pas nécessairement l’horreur physique mais également l’horreur morale ; comment un même peuple peut-il se déchirer de la sorte, peut concevoir une telle haine pour son voisin alors que peu de choses les séparent finalement …

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Van Heflin interprète ce rôle pas facile avec justesse et sobriété, touchant même dans ses relations avec le jeune Tommy Rettig (Rivière sans retour). On peut d’ailleurs ici louer les choix de l’acteur, l’un des rares avec Alan Ladd qui, dans le domaine du western, aura quasiment fait un parcours sans faute. Ils s’étaient d’ailleurs tous deux retrouvés dans Shane de George Stevens mais avant ça, Van Heflin nous avait déjà fait forte impression dans le Tomahawk de George Sherman après avoir fait une petite apparition dans La Piste de Santa Fe de Michael Curtiz. A ses côtés, son bras droit interprété par un jeune Peter Graves, futur héros de la série ‘Mission impossible’, une Anne Bancroft peu reconnaissable dont on regrette que Sydney Boehm n’ait pas pris plus de temps pour enrichir son personnage qui, malgré son importance au sein de l’intrigue, manque un peu d’épaisseur, un Lee Marvin qui dévore l’écran dès qu’il est devant la caméra et enfin un Richard Boone qui obtient ici peut-être le rôle le plus intéressant du film. Beau casting pour une histoire très bien écrite par un ancien journaliste qui aura surtout été célébré dans le domaine du film noir pour entre autres des petites pépites du genre telles La Rue de la mort (Side Street) d’Anthony Mann, Le Mystère de la plage perdue (Mystery Street) de John Sturges, Midi gare centrale (Union Station) de Rudolph Maté, Règlements de compte (The Big Heat) de Fritz Lang ou encore Les Inconnus dans la ville (Violent Saturday) de Richard Fleischer l’année suivant The Raid. D’ailleurs dans ces deux derniers films, Sydney Boehm s’amusera à planter son action dans le décor d’une petite ville tranquille où la violence va finir par exploser. Ici, une bourgade qui vit au rythme des évènements de la lointaine guerre civile, les nouvelles du front étant annoncées quotidiennement par la cloche de l’église invitant les citoyens à venir lire les dernières dépêches, l’avancée du Général Sherman et sa destruction des places fortes confédérées.

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Une progression dramatique implacable, la tension ne cessant de croître au fur et à mesure de l’avancée du film. Sachant la date fixée par les Sudistes pour le saccage de la ville, chaque journée débutant par l’affichage du nouveau jour, nous savons que l’échéance est proche et même si nous ne souhaitons pas l’éclatement de la violence, nous avons dans le même temps envie que les plans de Van Heflin réussissent ! Quant nous assistons à l’arrivée inopinée d’une patrouille yankee en ville le jour même choisi par les ennemis pour lancer les opérations, nous sommes aussi dépités que ces derniers. Une belle preuve de la grande qualité d’un scénario qui ne laisse rien au hasard. Dommage qu’il lui manque juste un peu d’âme, qu’il soit un peu trop froid et sec et que la psychologie des personnages n'ait pas été encore plus riche ; auquel cas contraire nous aurions pu nous approcher du chef-d’œuvre. En l’état, il s’agit déjà d’une très belle réussite que ce huis-clos urbain incisif et assez dense qui ne tombe quasiment jamais dans la facilité du pathos, du sentimentalisme ou du manichéisme, décrivant les deux camps avec nuance et les protagonistes avec intelligence, renforçant ainsi la crédibilité des situations. Sydney Boehm flirte également avec la romance sans jamais s’y complaire, les deux ‘amoureux’ n’ayant même pas l’occasion d’échanger un baiser.

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La mise en scène est à l’image de l’intrigue et sert parfaitement son propos : sobre, dépouillée, discrète et refusant tout spectaculaire. La caméra est constamment à hauteur d’hommes, la virtuosité que l’on pouvait trouver dans Apache Drums, la recherche plastique qui était la principale qualité de l’ennuyeux Untamed Frontier, étant expressément absentes de The Raid sans que ça ne soit gênant, étant avant tout un western où l’accent a été mis sur l’écriture et l’interprétation. De bons dialogues, une efficace partition signée Roy Webb viennent renforcer la qualité d'un film efficacement découpé et dont le message très noble est de nous montrer les conséquences sur le plan humain d'une guerre civile fratricide qui déchire deux camps dont les membres n'ont finalement qu'assez peu de divergences.
The Raid est une pure bombe atomique et sa diffusion à la tv dans les 80s a été une claque. Perso je le trouve 100000 fois plus intéressant que "Les tambours". C'est un "western" punk et destructeur sous ses oripeaux classiques.
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Alexandre Angel
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Alexandre Angel »

Bonner a écrit :The Raid est une pure bombe atomique et sa diffusion à la tv dans les 80s a été une claque. Perso je le trouve 100000 fois plus intéressant que "Les tambours".
Cette manie de mettre en opposition deux films, qui sont, comme par hasard, largement considérés par les amateurs comme les meilleurs films de leur réalisateur.
L'un est une "bombe atomique", l'autre est 100000 fois moins intéressant...
J'aurais beau mourir et renaître plusieurs fois de suite que je ne comprendrais jamais.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Jeremy Fox
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Re: Hugo Fregonese (1908-1987)

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit :
Bonner a écrit :The Raid est une pure bombe atomique et sa diffusion à la tv dans les 80s a été une claque. Perso je le trouve 100000 fois plus intéressant que "Les tambours".
Cette manie de mettre en opposition deux films, qui sont, comme par hasard, largement considérés par les amateurs comme les meilleurs films de leur réalisateur.
L'un est une "bombe atomique", l'autre est 100000 fois moins intéressant...
J'aurais beau mourir et renaître plusieurs fois de suite que je ne comprendrais jamais.
:uhuh:
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