G.T.O a écrit :Et, là aussi catastrophe, la qualité d'écriture, la subtilité, complexité, ne sont pas au rendez-vous. John Turturro, faire-valoir d'un film, qui n'a, visiblement, pas besoin de lui, est embarrassant. Moretti est inexistant dans le rôle du frère pour ne pas dire transparent. Et, quant à l'héroïne du film, Margherita Buy, elle se démène comme elle peut pour faire vivre ce rôle de mère-fille-réalisatrice.
Si je puis me permettre, je crois que tu te méprends sur la portée de ce que tu énumères à juste titre (ce que tu pointes est avéré).
Je pense que
Mia Madre est un film qui, quoiqu'il ne soit pas déprimant (c'est mon avis), est complètement déprimé. Tout ce qui tourne autour du film dans le film est placé sous le sceau de la fadeur, du piétinement, du renoncement. Ne surtout pas y chercher du réalisme : on baigne dans une sorte de cloaque moral dénué de tout lyrisme, de toute exaltation (ce qui n'exclut pas l'humour). La grande force de Moretti, ici, est de se livrer à un exercice particulièrement casse-gueule, qui consiste à brouiller les attentes du spectateur, à les ankyloser pour mieux le faire glisser dans une rêverie qui serre le cœur. Dès les premiers plans quelque chose cloche, à dessein : cette manifestation d'ouvriers que répriment des CRS, on ne connait qu'elle et en plus elle sonne faux. Normal, c'est le tournage d'un film. Mais le hiatus se poursuit : c'est quoi ce film d'un autre temps (on dirait un pastiche de
La Classe ouvrière va au Paradis) tourné en 2015? C'est qui cette réalisatrice dont on se dit à plusieurs reprises qu'elle s'est trompée de boulot? Et ce comédien américain, cabotin, pas foutu de retenir son texte? Et ce frère qui est (oui, tu peux le dire) transparent à un point tel qu'on croit avoir perdu notre Nanni Moretti? Tout cela fait quand même beaucoup pour ne pas avoir été voulu, pensé par l'auteur, pour mieux préparer le spectateur à ces glissements oniriques dignes de Dino Buzzati, pour mieux l'inciter à trouver l'antidote à ce monde atone dans ses propres replis hantés par le spectre d'une mère amoureuse des langues mortes.