Re: Shining (Stanley Kubrick - 1980)
Publié : 8 nov. 19, 13:55
Est-ce que Vachaud trouve le film de Kubrick aussi "sensible" que celui de Flanagan?
Oui. Peut être que Vachaud en parle mais pour Kubrick, si on en croit le témoignage de Diane Johnson, un des thèmes du film était la haine du père envers son fils...G.T.O a écrit :Vachaud tient dans cette conférence une thèse sur le sens caché dans Shining, qui en expulse quasiment toute la dimension fantastique, réduisant celui-ci à un contre-champ symptomatique de violence paternelle, et de sa répétition..
Pour lui, Dany serait de nouveau victime de son père. Pas de fantôme de vieille dans la chambre 237. Prenant appui sur deux scènes, la première où dans la chambre parentale, Dany demande à son père fatigué assis sur le lit, si il ne veut pas lui faire du mal à lui et à sa mère, et celle de la visite, par Jack, de la chambre 237, Vachaud explique que Shining raconterait de manière implicite, une agression d'un fils par son père, et donc par là, traiterait d'un thème kubrickien récurrent d'enfants molestés. La fin de la première scène se terminerait par une agression que nous ne voyons pas. Suivie de la scène où l'on voit Dany jouer dans le couloir, la fameuse balle roulant sur le tapis, et entrer dans la chambre 237. Et la deuxième scène choisie, celle où Hallorann allongé sur son lit, reçoit les images de la visite de la chambre 237, qui serait en fait qu'un signal de détresse et métaphorique de Dany pour le prévenir du drame. D'où aussi, toujours selon Vachaud, le fait que Jack dise à Wendy qu'il n'ait rien vu dans la chambre, et qu'il suggère que Dany s'est blessé tout seul.
Si on en croit un de ses tweet il a apprécié le film.mannhunter a écrit :Est-ce que Vachaud trouve le film de Kubrick aussi "sensible" que celui de Flanagan?
Etait-ce présent dans le bouquin de Stephen King?Jack Griffin a écrit :un des thèmes du film était la haine du père envers son fils...
Il défend la première heure et demie du film qu'il juge "sensible".Jack Griffin a écrit :Si on en croit un de ses tweet il a apprécié le film.
Non pas vraiment. Dans le bouquin, Jack Torrance est plus une victime. Il a bien un passé d'alcoolique et a déjà été violent avec Dany mais King nous montre qu'il se fait manipuler par les fantômes de l'Overlook et subit clairement une possession (un peu comme Ewan McGregor dans le Flanagan!). On nous montre même Jack dans un dernier sursaut sacrificiel exprimé son amour envers sa famille.* C'est ce dont je me souviens.mannhunter a écrit :Etait-ce présent dans le bouquin de Stephen King?Jack Griffin a écrit :un des thèmes du film était la haine du père envers son fils...
Jack Griffin a écrit :
Oui. Peut être que Vachaud en parle mais pour Kubrick, si on en croit le témoignage de Diane Johnson, un des thèmes du film était la haine du père envers son fils...
Et une des images les plus effrayantes et émouvantes du film est celle de Dany suçant son pouce, marques de strangulation au cou, avec sa mère le prenant par les épaules et essayant de savoir ce qui s'est passé. C'est le point de basculement du film.
Rick Deckard a écrit :Mais à part l’inexplicable évasion de Jack de la réserve, on pourrait retirer tous les éléments fantastiques, les visions, pour ne garder que la descente dans la folie de Jack, et ça fonctionnerait toujours. Parce que le Shining du titre (l’enfant-lumière comme il était écrit sur les affiches françaises) est finalement plutôt secondaire, la folie de Jack (et l’interprétation de Nicholson) finissant par remplir tout le film.
on pourrait peut-être aussi parler d'une forme d'hallucination collective qui touche tous les personnages du récit.Watkinssien a écrit :Et il ne faut pas oublier que le personnage de la mère voit des apparitions vers le dernier tiers du film et elles sont sacrément marquantes.
mannhunter a écrit :on pourrait peut-être aussi parler d'une forme d'hallucination collective qui touche tous les personnages du récit.Watkinssien a écrit :Et il ne faut pas oublier que le personnage de la mère voit des apparitions vers le dernier tiers du film et elles sont sacrément marquantes.
Tout à fait, et cela se passait exactement comme ça dans Rosemary' Baby qu'admirait Kubrick.Michel2 a écrit :Et dans les entretiens qu'il a accordé à Michel Ciment et qui sont publiés en appendice de Kubrick, le Grand Homme lui-même ne remet pas en question l'existence du surnaturel dans l'histoire.
Citation à l'appui : "Mon interprétation de l'histoire est qu'elle est réelle : il y a vraiment des revenants ; Grady lui a vraiment parlé et il a vraiment été dans cet endroit auparavant. Pour l'intérêt de l'histoire, je considère que tout est vrai".
Diane Johnson dit évidemment la même chose dans l'interview d'elle qui figure dans le Dossier Positif consacré à Kubrick : "Nous avons décidé que ce ne seraient pas seulement des fantômes sortis de l'esprit dément de Jack. Et cependant les gens ont vu les choses comme ça, sous cet éclairage. Vous étiez prêt à croire aux fantômes, mais vous ne vouliez pas qu'ils ouvrent les portes ? Je n'aime pas cela non plus et nous en avions discuté avec Kubrick. En un sens, il était très rationnel là-dessus : il disait que s'il y avait des fantômes, ils pouvaient bien ouvrir des portes, c'est tout à fait logique ! Il ne voulait pas que seul Jack voie les fantômes, il voulait qu'ils aient une présence matérielle, qu'ils ne soient pas seulement une illusion."
La thèse de Vachaud est certes très séduisante, mais outre qu'elle est démentie par Kubrick et sa co-scénariste eux-mêmes, je la trouve réductrice dans le sens où elle ramène la complexité du film à une simple construction psychanalytique oedipienne - "tout ceci n'était qu'un mécanisme de déni face à la violence taboue du père". Or ce qui confère à The Shining sa puissance et son aptitude à déranger, c'est justement le sentiment de vertige identitaire induit par le brouillage de la perception de ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas. Ca ne veut pas dire que l'aspect oedipien soit un contre-sens - il est incontestablement présent dans le film - mais The Shining n'est pas réductible à ce seul aspect et comme le dit Kubrick plus haut, l'histoire est bien plus intéressante s'il y a présence avérée d'un surnaturel qui défie toute explication rationnelle.
La conférence de Vachaud est bien, je n'ai pas trouvé qu'il expulsait toute dimension fantastique. Il ne réduit pas non plus le film à une illustration de la violence paternelle mais parle aussi de la violence sur laquelle s'est bâti l’Amérique. Il explore des pistes (pas toutes) et démythifie aussi un peu le côté démiurge de Kubrick. C'est surtout un cinéaste qui procédait par tâtonnement, laissait venir à lui de l'imprévu et en conséquence, remettait sans cesse son ouvrage sur le métier. C'est ce qui l'aurait épuisé selon Vachaud.G.T.O a écrit :
Vachaud tient dans cette conférence une thèse sur le sens caché dans Shining, qui en expulse quasiment toute la dimension fantastique, réduisant celui-ci à un contre-champ symptomatique de violence paternelle, et de sa répétition.
L'interprétation exclusive de Vachaud est discutable car elle se fonde sur l'idée que Kubrick, n'aimant pas le genre, aurait bâti son film avant tout comme un drame psychologique dénué de dimension fantastique, si ce n'est à défaut. Ici réduit à un vaste contre-champ psychanalytique, pures visions mentales des personnages. Aussi, est-ce pourquoi le film traiterait-il le fantastique avec dilettantisme, comme la scène de l'intervention de Grady ou bien encore les apparitions de Wendy, comme des erreurs de Kubrick, voire des concessions illogiques, venant contredire la cohérence dramatique du drame psychologique. N'englobant pas le film entier, son idée de double narration reste valide localement, à quelques scènes. Après concernant ses interprétations politiques, sur la répétition de la violence comme acte fondateur des Etats-unis, c'est pas mal mais franchement pas nouveau, voire extrapolé. Car le film ne livre aucune thèse anthropologique de la violence, mimesis girardienne, préférant évoquer une malédiction et alimenter un discours sur la répétition de la violence, comme une sorte de cycle. Plus embarrassant reste ses remarques sur la récurrence des motifs visuels comme la figure pyramidale, que l'on retrouverait apparemment ici jusqu'à Eyes Wide Shut en passant par l'affiche d'Orange Mécanique (sic !). Il a raison de se moquer des interprétations farfelues de Room 237; il n'en est jamais très loin.Jack Griffin a écrit :La conférence de Vachaud est bien, je n'ai pas trouvé qu'il expulsait toute dimension fantastique. Il ne réduit pas non plus le film à une illustration de la violence paternelle mais parle aussi de la violence sur laquelle s'est bâti l’Amérique. Il explore des pistes (pas toutes) et démythifie aussi un peu le côté démiurge de Kubrick. C'est surtout un cinéaste qui procédait par tâtonnement, laissait venir à lui de l'imprévu et en conséquence, remettait sans cesse son ouvrage sur le métier. C'est ce qui l'aurait épuisé selon Vachaud.G.T.O a écrit :
Vachaud tient dans cette conférence une thèse sur le sens caché dans Shining, qui en expulse quasiment toute la dimension fantastique, réduisant celui-ci à un contre-champ symptomatique de violence paternelle, et de sa répétition.