John Cassavetes (1929-1989)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Jeremy Fox
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Jeremy Fox »

Rick Blaine a écrit : :D
J'avoue avoir eu peur quand je t'ai vu remonter le topic Cassavetes, me voilà rassuré. :mrgreen:
Ce film est si émouvant, bouleversant !
Tiens d'ailleurs pensez vous que je pourrais apprécier d'autres de ses films sachant que j'étais resté totalement hermétique à Husbands et Meurtre d'un bookmaker chinois ? A retenter d'ailleurs à l'occasion.
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Alexandre Angel
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Alexandre Angel »

Je trouve prodigieuse la séquence du début où toute l'équipe de Peter Falk (avec beaucoup de noirs) est réunie autour d'un plat de pates improvisé, avec Gena Rowlands qui met tout le monde mal à l'aise.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Jeremy Fox
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit :Je trouve prodigieuse la séquence du début où toute l'équipe de Peter Falk (avec beaucoup de noirs) est réunie autour d'un plat de pates improvisé, avec Gena Rowlands qui met tout le monde mal à l'aise.
Oui ; tout comme le diner familial final.
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Alexandre Angel
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Alexandre Angel »

Jeremy Fox a écrit :Tiens d'ailleurs pensez vous que je pourrais apprécier d'autres de ses films sachant que j'étais resté totalement hermétique à Husbands et Meurtre d'un bookmaker chinois ? A retenter d'ailleurs à l'occasion.
J'allais te dire de les retenter parce que sinon, on fait vite le tour du propriétaire. Moi, il faudrait que je retente Faces. Mais Une Femme sous influence est sans doute son chef d'œuvre.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Jeremy Fox
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Jeremy Fox »

Alexandre Angel a écrit :
Jeremy Fox a écrit :Tiens d'ailleurs pensez vous que je pourrais apprécier d'autres de ses films sachant que j'étais resté totalement hermétique à Husbands et Meurtre d'un bookmaker chinois ? A retenter d'ailleurs à l'occasion.
J'allais te dire de les retenter parce que sinon, on fait vite le tour du propriétaire. Moi, il faudrait que je retente Faces. Mais Une Femme sous influence est sans doute son chef d'œuvre.
Oui en revoyant le top des forumeurs, ça semble être celui qui arriverait au sommet.
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Sybille »

J'aime beaucoup Une femme sous influence, mais je place Opening night vraiment très haut ! Sinon, il faudrait que je revois Love streams, qui m'avait semblé intéressant quoiqu'un peu fatiguant.
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Alexandre Angel
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Alexandre Angel »

Sybille a écrit :J'aime beaucoup Une femme sous influence, mais je place Opening night vraiment très haut ! Sinon, il faudrait que je revois Love streams, qui m'avait semblé intéressant quoiqu'un peu fatiguant.
Moi aussi, autre sommet.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Rick Blaine
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Rick Blaine »

Jeremy Fox a écrit :
Rick Blaine a écrit ::D
J'avoue avoir eu peur quand je t'ai vu remonter le topic Cassavetes, me voilà rassuré. :mrgreen:
Ce film est si émouvant, bouleversant !
Tiens d'ailleurs pensez vous que je pourrais apprécier d'autres de ses films sachant que j'étais resté totalement hermétique à Husbands et Meurtre d'un bookmaker chinois ? A retenter d'ailleurs à l'occasion.
Essaye Faces peut-être. :wink:
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Jack Carter »

Jeremy Fox a écrit :
Rick Blaine a écrit : :D
J'avoue avoir eu peur quand je t'ai vu remonter le topic Cassavetes, me voilà rassuré. :mrgreen:
Ce film est si émouvant, bouleversant !
Tiens d'ailleurs pensez vous que je pourrais apprécier d'autres de ses films sachant que j'étais resté totalement hermétique à Husbands et Meurtre d'un bookmaker chinois ?
Love Streams (qui finira tres haut dans mes decouvertes 2016)
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Alexandre Angel
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Alexandre Angel »

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Personnalisons.

La toute première vision de Husbands fut un choc.
C'était en 1986 et il s'agissait d'une reprise que, à tort ou à raison, j'avais perçue comme une sorte de quasi-sortie pour un peu tout le monde.
Le film, de 1970, avait du sortir chez nous en 72 mais restait enfoui, comme en jachère. En 86, j'avais 20 ans et n'avais rien vu de Cassavetes alors que je connaissais bien l'acteur et avais été impressionné par les extraits d' Une Femme sous influence en 75, dont Peter Falk faisait la promo chez Michel Drucker qui brandissait, devant les caméras, l'imper de Colombo avec un air chafouin. J'avais, d'autre part, failli voir Gloria en 80 et, en 84-85, avais repéré que Love Streams faisait la couverture des Cahiers du Cinéma peu de temps avant que je ne m'abonne.
Voilà pour la petite histoire.

Donc Husbands était repris et la galaxie cinéphile française était en état d'alerte.

Tout avait commencé par la diffusion sur FR3, en ce mois de novembre 1986, d'un numéro de Cinéma, Cinémas, l'émission culte de Claude Ventura, qui passait l'extrait où Archie, Gus et Harry (Peter Falk, John Cassavetes et Ben Gazzara) obligent, fin murgés, une pauvre bougresse coincée à chanter du mieux qu'elle peut (et elle ne peut pas grand chose) lors d'une beuverie collective donnée à la mémoire d'un quatrième larron, que nous ne verrons qu'en photo, et dont on assiste aux obsèques dès que le film commence.

L'extrait, en lui-même, m'attirait au film correspondant à la façon du plus fiable des rabatteurs. Nous n'avions même pas notre mot à dire : il fallait que cela soit vu séance tenante.
En cette année 1986, deux œuvres de cinéma avaient concouru à instiller un goût du large que nous ne pouvions voir venir : la première sortait (Maine Océan, de Jacques Rozier) et la seconde était reprise (Husbands).
Deux films libres, torrentiels, bateaux-ivres naviguant en territoire sauvage, non défriché.

Husbands avait beau sentir l'haleine de chacal, la clope, la bibine et même le vomi (Cassavetes, hurlant comme dans un film d'horreur Universal en apercevant un peu de gerbe sur Ben Gazzara), c'est pourtant bien le fait de se sentir oxygéné qui prévalait en sortant de la salle.
Alors est-ce le fait d'avoir vu ça à 20 ans? Sans doute un peu car c'est l'âge des premières beuveries, innocentes, euphorisantes, jubilatoires. Voir cela retranscrit avec un tel réalisme (une scène, la fameuse, en particulier) dispensait un effet de réel, mêlé de soif de culture cinéphilique, totalement non reproductible.
Comme suggéré plus haut, Husbands faisait figure de film-manifeste pour les jeunes cinéphiles des années 80, d'étendard stylistique flottant à mi-chemin entre points de repère déjà intégrés (le Nouvel Hollywood) et cap sur l'inconnu (de Cassavetes à Joao Cesar Monteiro, c'est tout un fleuve, pas toujours tranquille, que l'on aura parcouru).

Alors que reste-il de Husbands?
Certes la stupéfaction s'est quelque peu dissoute.
Mais l'essentiel est sauf : une phénoménale étanchéité au vieillissement.
Pourquoi phénoménale? Parce qu'Husbands n'est pas qu'un beau film qui vieillit bien, il est une œuvre qui porte en elle une telle indifférence à l'air du temps (1970, donc) que les conjectures pour l'expliquer se bousculent au portillon : modernité behavioriste du Nouvel Hollywood, indépendance d'un cinéma libre, affranchi non seulement des studios mais également des injonctions sociétales.

Mais surtout, et là réside probablement la grande originalité de l'œuvre, le conditionnement "sous vide" qui préserve le film de toute altération en est également le sujet.
Husbands est probablement le plus beau film jamais fait sur la quarantaine masculine, entre infantilisme et responsabilisation. Le plus beau parce que réalisé au cœur d'une époque emblématique.
Nous devrions voir des hippies, des coupes afro, saisir au vol des bribes de psychédélisme...Or, excepté quelques coupes (féminines) et deux ou trois rouflaquettes baladées par des garçons d'étage, nous ne verrons rien d'autres que des mecs encore jeunes dont on sent qu'ils n'ont jamais trainé devant un concert de Jefferson Airplane. Ce qui correspond à une certaine vérité sociologique et générationnelle.
Gus, Archie et Harry ont les cheveux courts, portent des manteaux noirs sévères et font péter smoking et nœuds pap' lorsqu'il s'agit d'aller flamber au casino.
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La beauté particulière d'Husbands vient de la façon dont s'orchestre le largage d'amarre auquel nous sommes conviés. Toujours borderline, jamais mélodramatique, la dérive charnelle et éthylique des trois mâles s'effectue au sein d'une manière de barnum filmique porteur d'une étrangeté très caractéristique.

Elle n'existe évidemment pas, mais une virtuelle musique foraine pourrait accompagner ces images à la fois euphoriques et nauséeuses, tanguantes, homériques et pourtant vaseuses.

Cette étrangeté traverse ici ou là l'œuvre de John Cassavetes : dans Meurtre d'un bookmaker chinois, dans Love Streams.

Ici, c'est le débordement qui la matérialise, le trop-plein (d'alcool, de cigarettes, d'ivresse), son évacuation (lorsqu'on dégueule dans les chiottes), l'étirement des séquences, l'apparition de freaks (la cougar monstrueuse qui drague Peter Falk au casino) et le rapport vaporeux à l'itinérance qui annonce l'esprit de certains Jarmusch. Quelle idée prodigieuse de modernité que de nous faire passer d'un quasi lendemain de cuite à une virée à Londres où Gus, Archie et Harry flamberont, dragueront et baiseront loin de bobonne et des kids.
Pour l'exotisme, on repassera.
D'autant que de Londres, nous ne verrons que des chambres d'hôtel, un casino et une rue sous la pluie.

Surtout, nous assistons en direct à la rencontre de trois magnifiques acteurs dont l'amitié quasi-animale qui les lie crève l'écran.
Car John Cassavetes, cinéaste parmi les plus libres qui aient jamais existés, crée les conditions propices au lâcher-prise, à l'épanouissement du comédien du fin fond de ses entrailles vers ce point de rupture où il pourrait se mettre en danger.

Rien à craindre pourtant lorsque règnent une confiance et une chaleur humaine que Cassavetes, funambule bienveillant, savait entretenir au sein de son théâtre, son cirque et sa petite famille.

Husbands est le lieu de tous ces paris, de toutes ces audaces, faites d' images lourdes et pourtant aériennes, swinguantes, de gros plans à la beauté étrange et obscène.

Tout ce qui nous avait tellement ébloui il y a plus de trente ans.
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Dernière modification par Alexandre Angel le 5 avr. 19, 13:14, modifié 1 fois.
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Jeremy Fox »

Superbe texte ... qui m'aurait presque donné envie d'y retourner... Mais non, le calvaire fut vraiment trop pénible :oops: Mais vraiment si jamais l'envie me reviens un jour, je me souviendrais de revenir te lire avant ou après le visionnage.
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Jack Griffin
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Jack Griffin »

Oui très chouette texte Alexandre
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Watkinssien »

Jeremy Fox a écrit :Superbe texte ... qui m'aurait presque donné envie d'y retourner... Mais non, le calvaire fut vraiment trop pénible :oops: Mais vraiment si jamais l'envie me reviens un jour, je me souviendrais de revenir te lire avant ou après le visionnage.
Bonne initiative. Le plus beau Cassavetes pour ma part.
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Rick Blaine
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Rick Blaine »

Très beau texte Alexandre.

Husbands ne peut pas être victime de vieillissement, il traite si bien des valeurs intangibles de la camaraderie, de l'amitié qu'il ne pourra jamais viellir (comme, dans un tout autre registre formel mais avec un fond proche le Vincent, François, Paul et les autres de Sautet).
Marrant, j'ai vu le week-end dernier un petit doc diffusé par Arte sur Falk qui m'a donné envie de revoir le film, j'ai d'ailleurs cherché et retrouvé le DVD, et là tu en parles. Ce sont des signes, il faut que je le revois.
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Alexandre Angel
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Re: John Cassavetes (1929-1989)

Message par Alexandre Angel »

Rick Blaine a écrit : Marrant, j'ai vu le week-end dernier un petit doc diffusé par Arte sur Falk qui m'a donné envie de revoir le film, j'ai d'ailleurs cherché et retrouvé le DVD, et là tu en parles. Ce sont des signes, il faut que je le revois.
J'aime bien ces histoires de "signes". Je m'en sers souvent pour prioriser des idées de (re)visions. En tous cas merci aux gens pour ces gentils retours et j'en profite pout corriger une coquille :) .
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