Holly Golightly a écrit :Eyes Wide Shut est typiquement le genre de film dont il est difficile de parler après l'avoir vu, surtout quand il s'agit d'une réaction à chaud (j'ai vu le film hier soir, il faut encore que je le digère). C'est un film trop particulier pour ne pas rester troublé à sa vision. C'est un film que j'aime vraiment beaucoup (c'est déjà bien de savoir ça, étant donné le caractère tellement singulier de EWS !), mais qui m'a tout de même laissée fort perplexe. J'essaie d'assembler les pièces du puzzle dans ma tête, et là, je vais essayer d'assembler des mots pour tenter (je dis bien tenter) de dire ce que m'inspire le film (si tant est que je le sache...)
Une des premières constations qui me vient à l'esprit, c'est que si l'on considère ce film, basiquement, bêtement, objectivement, eh bien, il devrait être terriblement mauvais. Seulement voilà, c'est M. Kubrick qui tient les rênes, alors tout change. Les acteurs, par exemple, surjouent : des "hum" tout le temps, des mains qui bougent caricaturalement, des yeux vides, on a connu Cruise et surtout Kidman bien plus inspirés. Dans n'importe quel autre film, un tel jeu serait insupportable : ici, les acteurs semblent tout simplement géniaux.
La photo, dans un autre film, pourrait évoquer un mauvais téléfilm ;dans EWS, elle est poétique, diffuse, rendant l'image constamment fascinante.
Le scénario (reconnaissons que l'histoire n'est pas vraiment accessible au 1° abord) ennuierait, agacerait n'importe quel spectateur avec un autre film ; cette "errance" semblerait incompréhensible et guère passionnante. Or, EWS est l'un des films les plus envoûtants qu'il m'ait été donné de voir : fascinant de bout en bout. Avec Kubrick, le spectateur s'abandonne et embarque sans résistance dans ce voyage émotionnel chaud et glaçant, un voyage qui le dépasse et dont jamais il ne sait dire s'il s'agit d'un rêve ou d'un cauchemar (j'ai eu la même impression, en moins poussée, avec
Full Metal Jacket, celle d'être complètement ailleurs). EWS est une sorte de jeu des paradoxes (je dois être la seule à me comprendre là
).
De même, une autre chose qui me paraît contribuer à l'apect particulier du film, c'est que par bien des aspects, on semble loin d'un autre film de Kubrick, de ses récurrences visuelles par exemple. Pas de grands espaces vides, froids, géométrisés, voire symétriques ; l'emploi de la musique (qui est peut-être ce que je trouve de plus génial dans l'ensemble des films de Kubrick) joue beaucoup sur l'effet de contraste que dans les précédents films du maîtres (je pense particulièrement à
Dr Folamour ou à
Full Metal Jacket).
Autre chose : il me semble avoir détecté des influences de (l'immense) Max Ophuls, même si j'ai du mal à les définir (l'aspect "ronde" [
La Ronde de Ophuls est d'ailleurs tirée de Schnitzler, je crois], certains personnages [le séducteur hongrois], et, c'est plus flou, l'élégance du film), alors que ce qui me frappe beaucoup à chaque vision d'un Kubrick, c'est la complète autonomie de son univers tant visuel que thématique.
Et en même temps, aucun doute, on est totalement dans un film de Kubrick, notamment par les thèmes abordés, et surtout le malaise toujours présent dans ce film, et dans tous ses films.
Quand le film est sorti, il a été beaucoup critiqué (et complètement incompris, comme chaque film de Kubrick, je crois...), ce qui est compréhensible étant donné son aspect perturbant, dérangeant, déconcertant. Mais ce qui est plus surprenant, à mon sens, ce sont les critiques concernant l'aspect visuel du film : daté, téléfilmesque, pas inspiré, pas kubrickien... alors que personnellement, j'y vois surtout une volonté du grand Stanley de se renouveler, encore et toujours, en passant notamment par son esthétique. Et le résultat est très émouvant...
Je n'ai pas vu tous les films de Kubrick, EWS n'est pas et ne sera pas mon Kubrick préféré ; mais je trouve que c'est son plus humain. Il a livré comme testament son film le plus énigmatique et le plus limpide...
Pff, c'est dur de parler de ce film. Aidez-moi, j'y vois pas très clair là ! Bill, viens me guider !
PS : une constation basique et pas pertinente : Nicole Kidman est la plus belle femme du monde. J'a-DO-re sa robe de soirée, et j'a-DO-re Nicole dans sa robe de soirée, et c'est improbable, impossible, que belle comme elle est à ce moment-là,
un seul bonhomme vienne la draguer