Pour faire plaisir à Flol pendant ses vacances, ouverture de topic sur ce premier long-métrage du jeune canadien Kyle Edward Ball, tourné dans sa maison natale en 7 jours pour 15.000 dollars, financé majoritairement par du crowdfunding avec du matériel emprunté à côté à la Film and Video Arts Society d'Edmonton. Les dessins animés utilisés sont quant à eux dans le domaine public. On n'est pas dans une superproduction à la Projet Blair Witch, autrement dit.
Remarqué au FanTasia de Montréal en juillet 2022, il n'arrive en France qu'un an plus tard, en septembre en VOD puis en blu-ray en octobre (après avoir bien fuité sur internet comme il se doit pour faire monter la sauce). Tabernacle de Caribou.
Le synopsis qui fait peur : Deux enfants se réveillent au milieu de la nuit pour découvrir que leurs parents ont disparu et que la maison s’est transformée en un labyrinthe cauchemardesque.
La présentation qui fait le buzz : En 2022, Skinamarink créé le buzz sur les réseaux sociaux avec la fuite de plusieurs images terrifiantes, massivement relayées sur TikTok. De fil en aiguille, le film aura droit à sa sortie salle pour devenir un véritable petit carton au box-office américain. Cette bobine d'horreur expérimentale tournée pour seulement 15 000 $ est l'œuvre du vidéaste canadien Kyle Edward Ball. Il y poursuit son exploration artistique du cauchemar (entamée sur sa chaîne YouTube Bitesized Nightmares) par le prisme d'une horreur atmosphérique très personnelle : une mise en scène de la terreur inédite entre épuration totale, statismes frustrants et déambulations interminables. Bienvenue dans un labyrinthe infernal sculpté dans vos angoisses les plus profondes, une backroom dont vous ne pourrez vous extirper... The House ne cherche pas le frisson facile, sa quête est celle d'une terreur qui ronge, insidieuse et durable, venant bouleverser les acquis sur la peur au cinéma. Source : Shadowz
La présentation festivalière : Avec son premier long métrage, SKINAMARINK, le réalisateur Kyle Edward Ball nous fait vivre une de ces interminables nuits d’enfance grâce à sa vision expressionniste et expérimentale de l’horreur. Deux enfants se réveillent pendant la nuit et s’aperçoivent que leur père a disparu, et que les fenêtres et les portes se sont volatilisées. Alors qu’ils décident d’attendre que les adultes reviennent, ils se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls, qu’une voix d’enfant les appelle.
Vous souvenez-vous de vous être réveillé en pleine nuit quand vous étiez enfant et d’avoir entendu le son crépitant d’un vieux téléviseur? Dans SKINAMARINK, ces souvenirs deviennent la toile de fond de terribles inventions de l’esprit et le paysage d’incidents de plus en plus troublants. Bien que sa structure et son esthétique soient expérimentales, le film de Kyle Edward Ball ne perd jamais de vue ses enfants protagonistes. Leurs voix, distantes, comme s’ils pataugeaient dans l’eau, ondulent dans l’espace sombre, texturé. L’approche minimaliste unique maintient la plupart des personnages hors de l’écran, leurs voix et le son portant une grande partie de l’action. Le fait de se concentrer sur le banal, sur les plafonniers, les portes et les couloirs, permet de capter un sentiment profond d’inquiétude à mesure que l’ordinaire devient de plus en plus horrible. Loin du film d’horreur traditionnel, SKINAMARINK a le don de vous donner la chair de poule et vous faire revivre les plus grandes peurs de votre enfance. Source : Fantasia (traduction: Stéphanie Cusson)
Le vidéaste cite parmi ses influences Chantal Akerman, Stan Brakhage, Maya Deren, Stanley Kubrick et David Lynch, mais aussi le Black Christmas de Bob Clark (ne partez pas). Plus de détails avec cette interview chez Fangoria pour les anglophones.
Des images qui bougent (un peu) :
Bande-annonce sous-titrée :
Bande-annonce originale un peu plus longue :
Une scène coupée :
(pour une question de droits, sans doute)
Je vous épargne toutes les vidéos qui circulent sur YouTube, mais vous n'échapperez pas à un multi-quote.
Ni au gif de la fille qui fait le ménage :
reuno a écrit : ↑1 déc. 22, 08:08 Skinamarink (Kyle Edward & Kyle Ball) 3/6
-magik- a écrit : ↑7 févr. 23, 14:16Skinamarink : 4/10
Encore un film où c'est au spectateur de combler les trous. Des pistes intéressantes mais un poil trop expérimental pour moi (01h40 de plans sur des tiroirs de commode, des coins de murs et de la moquette, c'est trop pour moi).
Outerlimits a écrit : ↑2 août 23, 13:10
The house (Skinamarink) : 6/10
Flol a écrit : ↑8 août 23, 20:42
Je ne sais plus s’il est prévu qu’il sorte par ici en salles ou ailleurs, mais dans le doute (et aussi histoire de le mettre en avant) :
Skinamarink (retitré chez nous en tout pourri The House) : 8/10
Il est rare de tomber sur une œuvre cinématographique (surtout apparentée au genre horreur/fantastique) où l’on se dit : « bon Dieu, je crois n’avoir jamais vu ça ».
C’est pourtant ce que je me suis dit face à ce pur concentré d’horreur cauchemardesque, jouant en permanence sur la peur de l’indicible, de la pénombre et des petites étrangetés d’objets du quotidien devenus des machines d’angoisse.
Tout ça en filmant, le plus souvent en plans fixes (il faut donc être psychologiquement et physiquement un minimum préparé), des pans de murs, des plafonds, un écran de télé affichant quasi en permanence de vieux cartoons (dont les accompagnements musicaux deviennent, dans ce contexte totalement anxiogène, de véritables ritournelles infernales), des coins de chambres, de la moquette…une maison familiale a priori normale donc, mais où ont visiblement été abandonnés deux jeunes enfants, livrés à eux-mêmes.
Mais la question étant : sont-ils véritablement seuls ? Et l’autre question étant surtout : mais ma parole, ça fait combien de temps que j’ai pas flippé comme ça ?!
En fait, tout ça m’a beaucoup fait penser à l’univers musical de The Caretaker, artiste ayant décidé d’explorer le thème de la folie, de l’oubli et de la perte de repères - soit une sorte d’allégorie musicale en plusieurs tomes sur la maladie d’Alzheimer, en gros. Et ce, via une idée absolument brillante : utiliser de vieux tubes orchestraux des années 30 au son qui grésille, puis les distordre et en tirer des boucles obsédantes et répétitives amenant tout doucement l’auditeur vers un état proche de la transe métaphysique, voire du profond malaise (oui oui).
Autant d’éléments que j’ai donc retrouvés dans ce Skinamarink qui m’a fasciné de bout en bout, en plus de m’avoir mis dans un état de tension permanent, ponctué de quelques-uns des jumpscares les plus terrifiants que j’ai vus de ma vie (moi qui pourtant déteste ça d’habitude).
Je ne sais absolument pas à quoi va ressembler la suite de la carrière de Kyle Edward Ball, mais ce qui est certain, c’est que je vais la suivre de très très près.
Dunn a écrit : ↑11 août 23, 13:12
Oui flol a adoré. Mais il est bon public en film d'horreur... Moins ceux d'aujourd'hui tout de même. J'attends d'autres avis.
Flol a écrit : ↑11 août 23, 14:12
...je me répète : c’est vraiment une expérience radicale à ne pas mettre devant tous les yeux. Il vaut mieux se renseigner un minimum sur le projet avant de s’y plonger.
Je peux tout à fait comprendre le rejet (globalement, la réception critique est assez mitigée), mais si on est prêt et réceptif au dispositif, il y a vraiment de quoi être impressionnant par l’audace de cet objet filmique.
tchi-tcha constructif comme toujours a écrit : ↑11 août 23, 14:15
Ah bon ? Ce n'est déjà plus La Main le nouveau phénomène horrifique du moment ?
(le monde d'aujourd'hui va beaucoup trop vite)
Demi-Lune a écrit : ↑11 août 23, 15:16
J'ai récupéré le film (et suis très impatient de le découvrir) mais je me demande s'il n'y a pas un souci au niveau du son. La première scène est une séquence de conversation, au fond du couloir, entre l'enfant et un adulte, mais leur échange est quasiment inaudible. Est-ce que c'est normal, c'est un parti-pris du réalisateur au même titre que les cadrages au niveau du sol ? Ça te l'avait fait aussi, ou est-ce qu'on est censé assister à une conversation parfaitement écoutable ?
Flol a écrit : ↑11 août 23, 17:00
Je crois que c’est tout à fait voulu par le réalisateur. Sur la version que j’ai vue, les dialogues étaient le plus souvent sous-titrés.
-magik- a écrit : ↑11 août 23, 18:03
Je l’ai vu il y a quelques mois ce Skinamarink. Et même si je salue l’audace de faire un film qui ressemble à une vieille VHS en train de rendre l’âme, j’ai été rapidement fatigué par tout ces plans fixes filmant la moquette ou un coin de commode.
TheGentlemanBat a écrit : ↑12 août 23, 11:03
Avant même de l'avoir vu, j'ai soudain très peur de succomber au même syndrome Flol évoquant des critiques mitigées, je viens d'ailleurs de zieuter ce qu'on en disait et vu les notes, comme ça arrive parfois, j'ai l'impression que c'est le genre de film où soit on adore ("15 000 dollars canadiens de budget et c'est l'un des films les plus flippants de ces dernières années. Atmosphérique, mystérieux, une totale réussite"), soit on déteste ("une branlette filmique lénifiante, filmée avec le cul et où l'on s'emmerde prodigieusement").
Amarcord a écrit : ↑12 août 23, 16:31
Quel est l’interêt de sous-titrer une conversation que le réalisateur « veut » inaudible ? Ça ne va pas à l’encontre de son souhait, ces sous-titres ?
Flol a écrit : ↑12 août 23, 15:49
Mais arrêtez de discuter et voyez-le.
TheGentlemanBat a écrit : ↑12 août 23, 17:47
Hey relax ! (y'a Lavax ! #réf2vieux ). Comme Demi-Lune, je viens tout juste de le récupérer et j'ai encore quelques visionnages sur Prime donc ça attendra sans doute le retour de vacances (je regarderai ça sur mon Mac, dans le noir le plus complet et les écouteurs vissés sur les oreilles histoire d'optimiser mes chances de vivre une expérience sensorielle unique).
Flol a écrit : ↑12 août 23, 19:58
Et c’est exactement comme ça qu’il faut le découvrir.
Flol a écrit : ↑27 août 11, 21:24
Je suis né la même année que Shining...
Je pense ne plus être un jeune con depuis quelques années déjà, par contre je sens que je deviens de plus en plus un vieux con.
Flol a écrit : ↑14 nov. 09, 12:59Shining, Barry Lyndon et 2001 sont des films fabuleux
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 08:00
par -magik-
La bande-annonce est mieux que le film.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 09:00
par Dunn
Si c'est comme paranormal activity Au secours.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 09:11
par tenia
Pas du tout.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 10:01
par Demi-Lune
Amarcord a écrit : ↑12 août 23, 16:31
Quel est l’interêt de sous-titrer une conversation que le réalisateur « veut » inaudible ? Ça ne va pas à l’encontre de son souhait, ces sous-titres ?
Le réalisateur s'en explique dans plusieurs interviews : https://www.fangoria.com/original/skina ... wn-horror/ Il y a aussi ces moments où il y a une utilisation parcimonieuse des gros sons qui est très choquante, et puis il y a d'autres moments où il y a un minimum de son, mais il y a des sous-titres. Comment avez-vous décidé quoi sous-titrer et ce que vous vouliez que le spectateur entende ou lis ?
Les sous-titres apparaissent à l'origine dans le script parce que je voulais les expérimenter. Je l'ai vu un peu dans l'horreur analogique sur Internet. Je pensais que ce serait bien de jouer avec des scènes où l'on pouvait entendre les gens parler, mais c'était si silencieux que nous ne pouvions les comprendre qu'avec des sous-titres. Et puis quand je suis arrivé au montage, il y avait certaines scènes où, rétrospectivement, une scène était sous-titrée à l'origine mais la façon dont ils disaient quelque chose sonnait bien alors nous avons gardé l'audio. C'était un petit processus amusant.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 11:19
par Flol
Dunn a écrit : ↑13 août 23, 09:00
Si c'est comme paranormal activity Au secours.
Tu ne peux pas plus te tromper.
Mais je peux déjà être certain d’une chose : zemat, G.T.O. et toi allez détester.
Et merci tchi-tcha pour l’ouverture du topic, très certainement l’un des futurs grands succès de l’année.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 11:44
par Alibabass
Solide les influences du réalisateurs.
Une question malgré tout, Skinamarink c'est du cinéma du trop plein ou du trop vide dans les éléments sonores et visuels ?
J'ai rien vu, rien lu, rien entendu, c'est comme les films de Peter Tscherkassky, il faut en savoir le moins pour prendre une gifle en plus.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 15:55
par Flol
Tu as parfaitement raison. Et je ne répondrai donc pas à ta question.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 17:26
par tchi-tcha
Flol a écrit : ↑13 août 23, 15:55
...je ne répondrai donc pas à ta question.
Dis plutôt que tu n'as pas pas trop compris la question, hein...
Que Skinamarink se soit transformé en phénomène via TikTok, ça ne me surprend même pas. Des vidéos "bizarres" de 30 secondes pour faire flipper les ados, c'est pile le format et le public de cette application. Le buzz qui s'ensuit n'a rien de nouveau (de Paranormal Activity au récent Barbenheimer, je ne cherche plus à comprendre depuis longtemps).
Sauf que, du peu que j'ai vu de son film et de sa chaîne YouTube, j'ai l'impression que Kyle Edward Ball est d'abord un jeune réalisateur expérimental. Davantage le profil d'un vidéaste d'avant-garde dont les installations sont présentées dans des expositions qu'un réalisateur d'horreur à micro-budget.
Le gars cite d'abord Chantal Akerman et Stan Brakhage comme influences avant Black Christmas, tout de même. Pas sûr qu'on tienne là un nouveau John Carpenter ou un nouveau Sam Raimi, le phénomène TikTok m'a surtout l'air de reposer sur un malentendu.
Ou alors on classe Eraserhead de Lynch et L'Ange de Patrick Bokanowski dans la catégorie horreur/fantastique eux aussi ?
Après, sur un malentendu, pourquoi pas.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 19:08
par Flol
Et c’est la raison pour laquelle ça me semble être la meilleure décision, que de ne pas l’avoir sorti en salles. J’imagine la horde d’ados se rendant au ciné dans l’espoir d’assister à un rise de sensations fortes à la Conjuring…pour se retrouver face à des plans fixes de 3mn sur un pan de mur avec du son qui grésille.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 19:45
par Thaddeus
Flol a écrit : ↑13 août 23, 19:08
Et c’est la raison pour laquelle ça me semble être la meilleure décision, que de ne pas l’avoir sorti en salles. J’imagine la horde d’ados se rendant au ciné dans l’espoir d’assister à un rise de sensations fortes à la Conjuring…pour se retrouver face à des plans fixes de 3mn sur un pan de mur avec du son qui grésille.
J'ai du mal à adhérer à cet argument. Afin de ne pas déstabiliser les attentes d'une partie du public, il faut donc empêcher un autre public de découvrir, s'il le souhaite, certains films en salle ?
C'est en effet la meilleure politique pour ne découvrir sur grand écran que des films bien lisses, prévisibles et formatés. L'idée que la variété de l'offre en salles doit être sacrifiée afin de ne pas déranger les habitudes du public, pardon mais je ne parviens pas à la digérer.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 21:14
par Flol
Je suis bien d’accord sur le principe, mais c’est presque un film trop expérimental pour être découvert en salle au milieu d’autres personnes. Je déconne pas, je pense vraiment que les conditions idéales, pour ce film en particulier, c’est : seul, dans le noir, sur un écran d’ordi et le casque dans les oreilles.
J’aimerais évidemment que le plus de monde possible ait l’opportunité de découvrir ce film, mais quand je vois les réactions de 90% des commentaires sur la page FB de Shadowz, ça me conforte dans mon opinion qu’une trèèèèès large partie du public (et en particulier celui friand d’un cinéma de genre plus traditionnel) n’est pas prêt pour un film pareil.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 21:29
par Demi-Lune
Le phénomène Skinamarink sur TikTok, c'est quand même un sacré hold-up accompli par le réal : celui d'avoir amené tout un jeune public à découvrir une forme de cinéma radicalement différente de ce à quoi il est accoutumé — avoir rendu in du pur ciné expérimental qui ne dépareillerait pas dans un musée d'art contemporain ou dans une installation chelou de la Biennale de Venise. C'est beaucoup plus aride et underground que Le projet Blair Witch auquel il est comparé. C'est un peu comme si Sleep d'Andy Warhol devenait numéro 1 des tendances sur Twitter, en fait. Je ne suis pas sûr que le réal s'attendait à un truc pareil, le gars doit se sentir un peu dépassé... J'espère que cette exposition médiatique ne le fera pas conclure un pacte faustien avec le système hollywoodien qui l'éloignera de ses ambitions et de ses vraies racines d'avant-garde. Il cite le patronage de Brakhage, Maya Deren, Lynch (celui d'Inland Empire j'imagine) ou Chantal Ackerman pour son film, mais de mon côté, le travail sur la matière de l'image (granuleuse, floue, plongée dans la pénombre, animée de fourmillements qui semblent la doter d'une vie microbique) comme toile de recherche texturée et première vectrice de malaise m'a d'abord fait penser à du Philippe Grandrieux. Ce travail sur l'image et son agencement, mais aussi sur le son, comme une toile malaxée par un plasticien, c'est vraiment ce qui va rendre le film inoubliable dans le même temps que cela le condamnera à être rejeté par beaucoup. En effet, je vois en Skinamarink un espèce de geste artistique un peu suicidaire combattant la tentation du figuratif, comme s'il s'agissait de revenir à une forme d'essence de la peur, viscérale, remontant à l'enfance, et uniquement représentable dans les limites de ce que le souvenir d'un cauchemar peut permettre : tout est flou, indistinct, profondément dérangeant parce que semblant venir d'ailleurs. Comme les cassettes vidéo de Lost highway et de Ring. Rarement la peur du noir et de ce qui s'y terre potentiellement aura été encapsulée de la sorte sur une pellicule. Cela donne un système de mise en scène soustrayant le champ de vision habituel du spectateur pour une construction presque cubiste, toute en dialogue de cadrages conceptuels ou de boucles (visuelles et sonores) à l'intérieur même d'un plan. Le système se raye lui-même parfois, en optant pour quelques plans subjectifs qui sont d'autant plus malaisants pour la contradiction qu'ils provoquent. La proposition est vraiment originale et remarquable, et pour être tout à fait transparent, m'a plongé dans un abîme d'angoisse que je n'avais pas éprouvé devant un film d'épouvante depuis des années. On dira que j'en fais des caisses, et cela générera peut-être des déceptions à l'arrivée, mais pour moi le réal est parvenu à formaliser quelque chose de l'ordre de la fréquence interdite. Je ne saurais mieux l'expliquer. Skinamarink ratiboise les prises confortables de la narration traditionnelle pour ne laisser au spectateur que le vertige d'un labyrinthe sans issue. Très dérangeant, dans le bon sens du terme.
Re: The House / Skinamarink (Kyle Edward Ball - 2022)
Publié : 13 août 23, 21:41
par Flol
Je suis content. (même si j’ai le sentiment que tu en parles tellement mieux que moi…)