L'Impératrice Rouge (Josef von Sternberg - 1934)
Publié : 5 nov. 22, 20:06
The Eye Of Doom a écrit : ↑31 oct. 04, 23:46L'impératrice rouge est evidement leur film le plus emblématique, le plus extravagant, le plus beau plastiquement : incontournable. C'est Mankievicz qui racontait (peut etre dans "all about Mankievicz" , je ne me souvient plus, on pourra verifier dans son coffret à paraitre sous peu) qu'on était venu le chercher un matin car Sternberg etait devenu fou... En guise de document de travail pour le tournage, Sternberg avait donné à toute l'équipe du film : acteur, decorateur, assistants divers, ... le script du film ecrit non stop sans ponctuation ni retour à la ligne : totalement illisible ! Mankievicz est allé tenter de le raisonner et lui proposer de mettre au moins des points en fin de phrase. Sternberg aurait repondu qu'il voyait ce bloc brut de mots comme sa palette dans laquelle il irait piocher les scènes et les "couleurs" de son film... Le film est à cette image : fou, genial et peut etre trop jusque boutiste. Plastiquement stupéfiant.
Strum a écrit : ↑3 mars 06, 18:54Excellent film, au démarrage un peu lent cependant. Si le jeu de Marlene Dietrich a vieilli, surtout dans la première partie du film, la mise en scène de Sternberg demeure étonnante, alternant les travelling aérieux savants et les travellings arrières à partir de plans moyens révélant des compositions quasi picturales au fur à mesure que la caméra s'éloigne, procédé repris des années plus tard et de manière un peu systématique par Kubrick dans Barry Lindon. La profusion de fondu- enchainés propre à l'époque est très efficace, et masque habilement, associé à des moment de montage rapide, le fait que même dans ses plans les plus larges (sauf pour un travellling latéral de paysage au début), le film est entièrement tourné en studio. Le travail sur les décors est fabuleux et plonge le film dans une vision fantasmée et baroque de la Russie tsariste et de ses souverains malades. Sternberg n'atteint toutefois pas dans la composition de ses plans la beauté théatrale des images qu'Eisenstein nous donnera à voir plusieurs années après dans son génial Ivan Le Terrible.
Nestor Almendros a écrit : ↑12 mai 06, 12:06Découvert pour de bon ce réalisateur (j'avais tenté il y a quelques années SHANGAI GESTURE mais sans succès, la copie était surement trop mauvaise - j'ai mon petit confort...) avec ce film qui est globalement très intéressant.
On flirte souvent avec le cinéma muet, surtout dans les jeux de regard: dans la première partie Dietrich est juvénile et son regard émerveillé est prenant, comme celui du tsar complètement benet. On appuie visuellement l'indentité du personnage. Ainsi quand Dietrich sera devenue plus mature, plus femme, son regard sera séducteur. Autre aspect de ce cinéma ancien: les personnages sont très simplifiés, j'oserais preque dire "caricaturaux": Dietrich est au début la jeune innocente, son futur mari est présenté comme idiot (il en a l'air visuellement donc, mais ça ne s'arrange pas par la suite), la future maitresse de celui-ci n'est pas non plus présenté sous un bon côté, le conseiller militaire apparait tout de suite comme un mâle viril et idéal masculin. Le jeu des acteurs est un peu outré.
Tous ces détails passent quand même très bien, c'était l'époque dirons nous. En revanche je reste un peu sur ma faim quant à la compréhension du décor du palais: rempli de statues religieuses à l'aspect presque dégénéré, elles crééent une ambiance dérangeante, un peu comme si elles symbolisaient la dégénéréscence de ce système (la famille royale est inculte, illétrée, et se moque du devenir du peuple).
Visuellement c'est très luxueux. J'accroche un peu moins sur les décors mais j'ai beaucoup aimé les costumes par exemple. Et lorsque Dietrich devient séductrice c'est extrêmement efficace: la mise en scène, les lumières (), le jeu avec les drapés, les étoffes transparentes marquent les esprits. Dietrich y est d'ailleurs extrêment sensuelle et belle, tout simplement.
Je regrette quand même que le discours soit si simplifié, qu'on ne nous montre jamais le point de vue du peuple (sinon qu'il se fait assassiner et qu'il est la victime du tsar) et surtout j'aurais bien aimé connaitre l'éprès du film, à savoir si cette impératrice était vraiment différente, ce qu'elle a fait. Ici on reste toujours du côté de la séduction (quand elle part de chez elle, avec le conseiller. Je n'ai pas vraiment ressenti la prise de conscience, la manipulation qu'elle exerce sur ses conquêtes qui la servirront à prendre le pouvoir.
Le master est très beau. C'est simple, pour un film de cette époque c'est le paradis. Belle définiton, compression invisible.
Ben Castellano a écrit : ↑2 mars 07, 21:52 Je viens de découvrir mon premier Sternberg avec L'Impératrice Rouge. Et je trouve que c'est un film tout bonnement dingue, par sa mise en scène constemment inspirée et inventive (des mouvements de caméras remarquables tout du long, dans les scènes de cérémonies ou de banquets), mais aussi son humour, ses dialogues enlevés et pleins de sous entendus, son erotismes, ses poussées presque trash (le début!).. Les passages dialogués mettant en valeur des acteurs qui se régalent (autant Marlène que les seconds rôles tous succulents) succèdent à des grands moments de cinéma parfois basés sur le montage, qui fonctionnent presque comme des etranges envolées encore issues du cinéma muet mais qui s'expriment avec harmonie. Les séquence des bougies, j'aurai presque envie de donner ça comme définition flash du cinéma. Sofia Coppola s'est encore bien servie pour sa récente Marie Antoinette finalement. Un film incroyable, d'une rare vivacité, constemment enthousiasmant! Si pleins d'autres films du réal sont de ce niveau je crois que je vais me régaler!
Cathy a écrit : ↑7 sept. 07, 10:27Je n'avais jamais vu ce film que pourtant je possède depuis des années, et j'ai bien eu tort. De la collaboration Von Sternberg/Dietrich, je n'avais vu que l'ange bleu, il y a longtemps, à l'époque j'avais beaucoup aimé, mais depuis j'ai du mal avec.
Mairs revenons à cette impératrice. Quel chef d'oeuvre, quelle superbe mise en scène, quel traitement de l'image. Certes nous sommes dans une reconstitution baroque de la Russie des Tsars avec une musique décalée Mendelssohn, Tchaïkovsky (qui me fait penser que Sofia Coppola n'a rien inventé avec Marie-Antoinette), mais comment ne pas craquer devant tant de beautés visuelles, et l'audace de certains plans, Marlène et sa robe transparente, les scènes de séduction très évocatrices, les décors grandioses avec ces icones gigantesques.
Evidemment il y a un côté film muet fort présent dans les cartons réguliers, le jeu de Pierre, tsar complètement taré, certains plans de Marlène Dietrich, mais franchement cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un film aussi plastiquement beau, aussi génialement mis en scène. Je sais quelle scène retenir tant chaque plan fourmille de détails. Il y a une modernité de la mise en scène absolue, comme le mariage et cette union en gros plan des mains, la chute du médaillon, la vision de Marlène à travers cette gaze noire, les violences suggerées, etc.
De plus le DVD est particulièrement bien restauré et le noir et blanc éclatant. Sans doute suis-je trop superlative, mais cela faisait longtemps que je n'avais pas été aussi enthousiasmée par un film. Tout cela donne envie de découvrir d'une part les autres collaborations Dietrich/Sternberg, mais aussi l'histoire de la véritable Catherine II.
Joe Wilson a écrit : ↑25 janv. 10, 19:16Un film construit dans la démesure, d'un baroque tour à tour flamboyant et grotesque. Sternberg dévoile une Russie fantasmée, les protagonistes semblant en permanence happés par la grandiloquence des décors et la créativité de sa mise en scène. Le jeu de Marlene Dietrich gagne en nuances au fur et à mesure que le fil de l'histoire se noue, et son portrait de Catherine II est souvent fascinant, entre séduction hypnotisante et fausse innocence juvénile.
Seul regret, un sentiment de trop-plein qui vient parfois gêner la vision...une attention telle à la composition d'un univers que la trame du récit devient hésitante. Pas convaincu non plus par l'interprétation de Sam Jaffe, saisissante dans son apparition (tel un cauchemar), mais perdant en intensité dans la durée.
L'impératrice rouge reste cependant un film unique dans son ambiance exubérante et fantomatique.
Miss Nobody a écrit :« L'impératrice Rouge », sixième des sept collaborations entre Josef Von Sternberg et sa muse Marlène Dietrich, retrace les débuts de celle qu'on surnommera « La Grande Catherine » mais qui fut d'abord une petite princesse prussienne, épouse malheureuse de l'héritier de l'Empire de Russie...
L'histoire (la petite et la grande) y sont néanmoins très simplifiés: on a du mal à percevoir tous les rouages des prises de pouvoirs successives, tout comme on passe quelque peu à côté des réelles qualités de Catherine II (outre son charme et son appétit sexuel bien sûr)... Mais si le scénario passe totalement au second plan, c'est pour mieux être englouti par la mise en scène démentielle de Von Sternberg qui réalise une nouvelle fois une oeuvre esthétique, luxuriante et baroque, avec des décors imposants (tout à fait inauthentiques) et des costumes magnifiques (les robes à panier de Marlène sont de toute beauté notamment). Et plus encore que dans d'autres de ses films, « L'impératrice Rouge » foisonne de trouvailles visuelles: surimpressions, effets de voilages, fondus multiples ou décadrages déroutants...
L'outrance est définitivement le maître mot de cette oeuvre où chaque plan semble prêt à déborder de son cadre tant il est chargé de sculptures, bougies, babioles, ou bien de figurants. L'extravagance sternbergienne inonde jusqu'aux interprétations des personnages, notamment celle du Grand Duc qui, de jeune homme légèrement attardé et cruel, se meut en Nosferatu de pacotille. Il est vrai que les liaisons consanguines de l'époque faisait parfois naître de petits monstres, mais le trait est tout de même un peu trop appuyé ici.
L'interprétation de Marlène Dietrich, quant à elle, est inégale. En jeune fille innocente par exemple, malgré son visage sur-poudré et ses boucles blondes qui lui donnent l'air d'une poupée de porcelaine, elle n'est pas crédible pour un sou. Elle surjoue l'émerveillement et la naïveté, avec une bouche sans cesse béate, et une puérilité exaspérante (notons que Catherine est alors censée avoir 15 ans et que Marlène, âgée de 33 ans, lui en donne plutôt 12). A mesure que le film avance et que son personnage vieillit, son jeu prend néanmoins de l'ampleur et on finit par reconnaître la star: hautaine, majestueuse et séductrice.
En 1934, l'ombre du muet plane encore sur le cinéma et le film est un digne héritier de cette époque révolue. Si l'on peut regretter les trop nombreux cartons explicatifs ou le jeu vieilli des acteurs, on saura en revanche apprécier la profusion de scènes grandioses et sans parole, qui permettent de mieux profiter des fastueux décors.
Finalement, « L'impératrice Rouge » est un film d'auteur avant l'heure. Tout y est le fruit d'une grande liberté: Sternberg s'approprie l'Histoire, réinvente la Russie et bafoue la censure hollywoodienne naissante (déjà sous la coupe du code Hays, le propos libertin du film n'est nullement atténué, pas plus que les scènes de torture et de barbarie). Il livre une oeuvre déraisonnable et personnelle, que l'on peut voir revoir aujourd'hui avec curiosité ou émerveillement.
Rick Blaine a écrit : ↑12 juin 11, 11:05 L'arrivée du Code (très récente, le certificat du film est le numéro 16) change la donne, plus de chanteuse ou de prostituée pour Dietrich, mais Catherine II. Un changement probablement salutaire, Dietrich ayant fait le tour du rôle dans les cinq films précédents. Le film commence sur les chapeaux de roues et avec beaucoup de drôlerie, et au final, malgré un léger temps mort au milieu du film, ne quittera jamais ce rythme. Ce tourbillon d'humour, d'amour, qui se conclut par la charge époustouflant des chevaux de l'armée portant Catherine II au pouvoir, est un film fort réjouissant. Soulignons la performance de Sam Jaffe, extrêmement convaincant dans son interprétation de l'un des abrutis les plus marquants de l'histoire du cinéma. Excellent.