Le carton liminaire nous prévient d'emblée : comme dans 20% des affaires criminelles, l'assassinat de Clara ne sera pas élucidé. Pas de révélation finale, pas de rebondissement tardif quant à l'identité du meurtrier.
Les ultimes convulsions de l'enquête verront les policiers tenaillés par doute. Hantés par cette affaire irrésolue. Par le visage des suspects. Par le souvenir de Clara, jeune femme de 21 ans aspergée d'alcool et brûlée vive au sortir d'une fête avec sa meilleure amie. Chairs calcinées, chairs recroquevillées sur le secret de la nuit du 12.
Funeste nuit dont ne restera qu'un autel dédié à la mémoire de Clara. Autel sur lequel on trouvera un t-shirt taché de sang, amorce d'une piste qui se révèlera, comme toutes les autres, incertaine.
Une femme brûle et des hommes contemplent, hagards, leur propre impuissance.
Le capitaine Vivès (Bastien Bouillon, impeccable dans sa quête d'une vérité qui se dérobe sans cesse) et Marceau (Bouli Lanners, qui trimballe sa silhouette massive et sa trogne d'ourson mal réveillé) interrogent sans relâche, fouillent dans la vie intime de la victime. Font du surplace. Tournent en rond. À l'image de cette piste circulaire que Vivès arpente en vélo, leitmotiv nocturne obsédant.
Dominik Moll réalise un grand polar, d'une précision chirurgicale. Un film qui déroule sa mécanique implacable, observant au microscope comment la recherche de la vérité contamine des vies. Celle de policiers abdiquant toute vie privée. Celle des proches qui finiront par s'accrocher à un souvenir pour oublier l'innommable.
Déchirante séquence où Vivès annonce la mort de sa fille à une mère dont la colère est la seule réponse face à l'indicible. Une mère qui ne se résignera pas, à l'image d'une des dernières séquences, bouleversante, où elle titube dans la nuit profonde avec son mari, une bougie à la main. Terrassée par le chagrin. Sur les lieux du crime, près d'un banc devenu sanctuaire.
Dominik Moll, de fausses pistes en chausse-trappes, sonde un mystère et ses métastases. Un drame où chacun sera confronté à sa part d'ombre.
Un film douloureux, lancinant comme le souvenir.
Un film magistral.