Inzest in Vaduz (Benjamin Kirschner - 1982)
Publié : 1 avr. 22, 06:47
Fleuron du cinéma liechtensteinois, Inzest in Vaduz, titré également Oben am jungen Rhein, est un film remarquable primé à Locarno en 1982.
Réalisé par Benjamin Kirschner (qui s’était déjà fait remarquer, paraît -il, comme réalisateur à la télévision liechtensteinoise), il dresse un portrait acerbe de la société liechtensteinoise en proie à une lutte des classes que le taux de chômage du pays, le plus bas de l’Espace Économique Européen, ne pouvait laisser imaginer.
Inzest in Vaduz est également et surtout un poignant mélodrame qui raconte l’amour platonique et impossible entre Klaus (Hans Knappknecht, impénétrable) un riche et jeune fermier de l’Oberland, région méridionale et montagnarde du Liechtenstein, et Brigitt (Inge Dummerkopf, tout aussi impénétrable quoique délicieuse), patineuse désargentée de l’Unterland, la région Nord, beaucoup plus basse (la symbolique est un tantinet grossière) en tant que plaine alluviale du Rhin.
Fréquentant tous deux le Musée des Beaux Arts du Liechtenstein, car ils sont esthètes et passionnés de peinture, ils découvrent la terrible réalité : ils sont frères et sœurs.
Brigitt étant le fruit de l’union illégitime entre la mère de Klaus et un ancien SS qui avait trouvé refuge au Liechtenstein, à la fin de la Seconde Guerre Mondiale (il convient de préciser que le Liechtenstein est un des rares pays à avoir refusé de livrer à l’Armée Rouge ses réfugiés ayant servi dans l’armée allemande).
Le titre est mensonger, et fonctionne, de ce fait, comme un leurre, dans la mesure où d’inceste il n’y aura point: la passion, réelle, qui unit les deux personnages, se maintenant, jusqu’au bout, dans le plus total affect platonique. Enfin presque, car survient en fin de parcours une entorse bouleversante, que je ne révélerai pas, à ce principe.
Photographié de manière extrêmement sensible par le grand directeur de la photo liechtensteinois Steffan Dieterbach, Inzest in Vaduz superpose avec talent étalage obscène de la richesse de la Principauté avec la description sans concession des taudis de l’Unterland, régulièrement inondés par le Rhin. Kirscher en profite également pour brocarder au vitriol, le milieu ecclésiastique liechtensteinois.
Le film a bénéficié de certains moyens et l’intérieur du Musée des Beaux-Arts de Vaduz, la capitale, a été partiellement reconstitué en Angleterre, aux studios de Pinewood (notamment pour le plan montrant Brigitt se rendre aux toilettes du musée), le film ayant été co-produit par l’Autriche et la Grande Bretagne.
Le film n’est malheureusement pas sorti chez nous mais les comptes-rendus de festivals de l’année 82 (Cannes également pour la Semaine de la Critique) ne se sont pas trompés sur les qualités exceptionnelles d’un film placé sous le signe du drame sociétal et d’un lyrisme magnifié par des plans de nature et de montagne souvent stupéfiants de beauté.
On peut préciser que Kirschner a réalisé un autre film, lui aussi inédit chez nous, Die Frau in Lehm (La Femme en argile, littéralement), polar se situant dans les bas-fonds de Vaduz, qui n’eut pas le succès critique du précédent.
Pour les curieux, Inzest in Vaduz est visible en replay sur TV Liechten jusqu’au 15 avril.