La Mort aux Trousses (Alfred Hitchcock - 1959)
Publié : 6 août 16, 13:50
Rendez-vous compte qu’un aucun topic n’existait pour ce classique ultra-révéré et multi-analysé (ou alors j’ai la berlue).
Johnny Doe a écrit :North by Northwest
Revu après un avis mitigée il doit y avoir 3-4 ans. Apparement la vision d'autres films de Hitch n'a pas alteré mon jugement. Même si je lui reconnais un Cary Grant fantastique et pince sans rire, l'epoustouflante maîtrise Hitchcockienne, je trouve la seconde partie particulièrement lassante et plus d'une fois longuette. Enfin il y a plus d'un très bon moment, mais j'ai toujours beaucoup de mal avec ce Hitch.
Jordan White a écrit :C'est peut-être mon Hitchcock préféré ( je n'ai pas encore vu ses premiers films ). Je ne vois presque rien à en dire car il ne semble souffrir que de très rares défauts, et encore c'est pour pinailler. Le film regorge en plus de moments de bravoure tous plus fous les uns que les autres. Peut-être suis-je moins attiré par le charme de Eve Saint-Marie que par celui de Tippi Hedren, ou mieux celui de Kim Novak, mais ce film est une perle.
johell a écrit :
LA MORT AUX TROUSSES (North By Northwest) de Alfred Hitchcock (1959)
Le publiciste Roger Tornhill se retrouve par erreur dans la peau d'un espion. Pris entre une mystérieuse organisation qui cherche à le supprimer et la police qui le poursuit, Tornhill est dans une situation bien inconfortable. Il fuit à travers les Etats-Unis et part à la recherche d'une vérité qui se révèlera très surprenante.
Grand classique du cinéma par le Maître Alfred Hitchcock, LA MORT AUX TROUSSES a déjà plus de 50 ans d'âge et reste un spectacle toujours aussi excitant. Cary Grant est absolument parfait dans le rôle d'un homme que l'on prend pour quelqu'un d'autre... C'est le début d'une grande aventure riche en rebondissements. Hitchcock dévoile avec parcimonie les détails souvent surprenants de son histoire et captive son audience avec des fabuleuses séquences à suspense mais aussi de très belles scènes avec ses comédiens comme cette magnifique rencontre dans un train avec la séduisante Eva Marie Saint. Un spectacle formidable qui regorge également de gros morceaux de bravoure aujourd'hui encore très célèbres comme l'attaque de l'avion sans oublier le final au Mont Rushmore qui clôt brillamment une gigantesque et tonique course poursuite à travers les Etats-Unis. On a beau connaître le film par coeur, c'est toujours un plaisir de le voir et revoir, la maestria d'Hitchcock nous accroche de la première à la dernière image. Un pur régal de cinéma!
Nestor Almendros a écrit :Revu hier LA MORT AUX TROUSSES (1959).
Excellent exemple (peut-être le meilleur?) d'un scénario qui dynamise son récit par ses propres scènes, qui rebondit sur leurs contenus pour rajouter de la tension dans les suivantes, laissant la logique de côté pour se concentrer principalement sur la manipulation du spectateur (chère à Hitchcock) et le flot ininterrompu de séquences d'anthologie. Rarement on aura été aussi conquis par une histoire aux enjeux si obscurs mais aux mécanismes si implacables et efficaces. Hitchcock trouve peut-être ici la meilleure illustration de sa thématique préférée sur l'individu qui se retrouve seul dans un monde hostile, l'innoncent accusé à tort, le quidam pris pour un autre.
C'est aussi l'occasion pour Cary Grant de cabotiner comme il sait si bien le faire dans le registre de la comédie, le film est souvent très amusant, ajoutant des qualités à une histoire à suspense déjà réussie. Pour Eva Marie Saint, si l'on regrette d'abord que ce ne soit pas une Grace Kelly ou consors, plus glamour, ce choix de casting est finalement plutôt bien vu: c'est un personnage au sex-appeal évident mais qui reste froid, distant, pendant tout le film. Son physique un peu dur, moins lisse, apporte une certaine noirceur qui aurait certainement manqué à d'autres actrices plus attirantes.
Ce n'est pas mon Hitchcock préféré probablement parce que je le connais trop (trop souvent visionné) et que j'y suis moins surpris. (C'est pour cela que je dose drastiquement les visionnages de VERTIGO que je connais assez mal et dont je savoure chaque redécouverte). Mais LA MORT AUX TROUSSES reste un spectacle si parfait qu'on ne peut que l'admirer malgré tout. Et le master HD du blu-ray Warner renforce cet impact: image absolument parfaite, peu de grain, définition très bonne, belles couleurs (la robe rouge d'Eva Marie Saint). Pourvu que la future édition HD de VERTIGO soit de cet accabit.
Concernant les bonus (sans stf, bravo ) j'ai plutôt apprecié les 2 docs récents sur les analyses du film et du cinéma d'Hitchcock (bien qu'on ne parle que de la dizaine de films édités par Warner et pas des autres). Je déplore surtout un zoom des images 4/3 originales pour tenir dans un cadre 16/9: et qui dit zoom dit image floue, c'est assez désagréable sur la durée...
Alligator a écrit :North by Northwest (La mort aux trousses) (Alfred Hitchcock, 1959) :
http://alligatographe.blogspot.com/2011 ... hwest.html
La mort aux trousses est un film merveilleux, avec plein d'étoiles pour mes yeux. Un de mes films préférés. Il s'avère souvent difficile de bien exprimer ce que l'on ressent pour un film aussi important de son panthéon mais je pourrais résumer en évoquant sa séduction : je suis tombé amoureux d'un beau film, hâbleur, élégant, bien gaulé et drôle.
Gardons-nous de faire accroire que toute cette beauté sophistiquée émane uniquement de Cary Grant. Certes, des qualificatifs énumérés, beaucoup se marient justement au bonhomme, mais le film a bien d'autres jolies courbes à faire valoir à mes yeux gourmands.
Mais restons sur Cary Grant et la distribution qui l'entoure : ils forment une équipe superbement performante. Ce n'est guère étonnant, Alfred Hitchcock ayant toujours su choisir ses comédiens avec soin. Cary Grant fait partie de ses acteurs favoris. Au moment d'aborder le tournage de "La mort aux trousses", il en sont déjà à 3 films ensemble. C'est un comédien particulier, capable de jouer le séducteur tout en faisant le clown, ce qu'il ne manque pas de faire ici. Aidé d'un physique dégingandé, sa stature lui donne des airs un peu gauches, charmants. En 1959, il a 55 ans et une incroyable carrière derrière lui. On sent d'ailleurs que sa filmographie et son expérience notamment dans la "screw-ball comedy" où l'assise des dialogues percutants confère aux acteurs une rapidité comique doublée d'une réjouissante assurance, lui permettent d'alterner les registres comiques, romantiques et aventureux avec une facilité plus que déconcertante. Je parlais de merveilleux tout à l'heure, en voilà un sacré exemple. Ce comédien est admirable de naturel tout en parvenant à conserver un œil rieur et espiègle très enfantin. Débordant de jeunesse, je ne crois pas que les gros plans plus ou moins floutés ou le haut degré de bronzage aient été vraiment nécessaires pour cacher son âge relativement élevé.
A ses côtés, Eva Marie Saint élabore un jeu plus direct, extrêmement féminin, de cette féminité qu'Hitchcock savait mieux que quiconque glorifier l'image, des poses un peu rigides en apparence, presque froides en parfait contraste avec des personnalités "calientes". La blonde glaciale cachant sous sa coiffure travaillée et ses tailleurs serrés un tempérament vorace, une sexualité de femme libérée qui fascinait tant sir Alfred. Eve Kendall n'est pas qu'un cœur à prendre.
La discussion au wagon-restaurant entre Roger Thornhill et elle est une des scènes les plus torrides qu'il m'ait été donné de voir. Elle garde cependant une forme extrêmement élégante et policée, sainte nitouche. Le jeu des regards, la délicatesse des gestes nous aspirent la salive, gloups. Toute en sous-entendus salaces, l'érotisme dans son acception la plus stricte, éclabousse l'écran, humecte les mots.
Pour bien construire son héros, le film se devait de lui mettre dans les pattes un méchant aussi classieux. Qui pouvait aussi bien relever ce défi que l'aristocratique James Mason? Avec sa voix mielleuse mais chargée de menaces, envoûtante, il propose un personnage crédible de "séductueur", énamouré capable de la pire vengeance, de la plus extrême froideur à l'heure de balancer sa nénette du haut des cieux.
Tout aussi glacial meurtrier que ne l'est le chef des espions, Leo G. Carroll avec ses lunettes en écailles et son air renfrogné, le comédien joue de son physique banal, un brin pépère, conventionnel, incarnant le papy qu'on imagine gâteau et sait faire preuve d'un tempérament sévère, voire injuste, ce qui a don de renforcer les liens du couple Thornhill/Kendall, tous seuls face au monde hostile, amoureux partout et contre tous.
Le scénario, à l'image des aventures qu'Hitchcock a souvent raconté dans le passé que ce soit sur "The lady vanishes" ou "The 39 steps", mêle la romance au film d'espionnage et développe un récit très dynamique évoluant sur le thème ô combien porteur de mouvements et d'action : le voyage. Le périple que subit Roger O. Thornhill est vieux comme "L'odyssée", il est mythologique. Il est si ancré dans le temps que le film semble se minéraliser peu à peu, dans la poussière jaune d'une campagne sèche et déserte jusqu'aux rochers blanchâtres et escarpés du Mont Rushmore en passant par le marron terreux de la statuette antique contenant les microfilms qui tiennent de McGuffin, ce fameux prétexte à la con dont tout le monde se fout sauf les personnages.
Ce film là est fabuleux parce qu'il tient debout et sautille crânement sur un autel à la gloire de l'Homme dans toute sa complexité, avec son animalité, sa sexualité, sa richesse d'émotions et de sensations. Cary Grant est à la fois Ulysse, Roméo et James Bond, peut-être même pourrait-on l'appeler Adam arrachant Eve au serpent?
Pour finir de m'assoter, Alfred Hitchcock concocte un spectacle visuel épatant. Le travail sur la photographie, les cadrages et les décors est tout simplement exceptionnel. Voir ce film en blu-ray est une expérience inoubliable. Les couleurs éclatent, la beauté des plans renverse. J'ai pris un pied pas possible!
Et puis cette mise en scène! Alfred Hitchcock est un type incroyable, tout bonnement génial : comment peut-on imaginer cette scène d'anthologie sur la route désertique, ce découpage de l'action, dans l'espace et dans le temps? Absolument divine, cette séquence est en soi une des plus belles scènes de cinéma.
Quand on voit comment Eva Marie Saint et Cary Grant se tournent autour, basculent, chavirent, se tenant plus par la tête que par les mains, bien mises en évidence pourtant, amoureux poings liés, dans cette autre scène admirable, dans une sorte de prélude tactile où ils se préparent à l'amour, l'émoi qui les bouleverse invite à parler, se dévorer du regard et des lèvres, tournoyer sans cesse, au rythme de la chamade qui les envahit, dans une danse enivrée qu'Hitchcock a déjà filmée dans "Notorious".
Dans des décors de matte-painting ou construits en studio, sur un somptueux Technicolor, les personnages courent de péril en péril, tenant les spectateurs en haleine. Le fameux suspense d'Hitchcock n'aboutit peut-être pas aux sommets que le maître a atteint par ailleurs, cependant l'altitude est très élevée.
La musique de Bernard Hermann, au style facilement identifiable, apporte en soutien plein d'originalité et de saveur à l'entreprise. Hermann est un de ces compositeurs dont les œuvres se suffisent à elles-mêmes. Vous pouvez écouter du Bernard Hermann indépendamment des films qu'il a mis en musique, néanmoins la bande qu'il propose ici se marie d'une manière très appropriée à l'histoire, ses enjeux, ses rebondissements et surtout les émotions par lesquelles les héros passent.
Voilà pourquoi je tombe à chaque visionnage en pâmoison, ravi, kidnappé, enfant nappé dans un coulis de bonbons à la fraise, enfant happé par un spectacle grandiose et profond. "La mort aux trousses", tu permets que je t'appelle "La mort"? "La mort", je t'aime.
Federico a écrit :... et vide/remplit le verre de Grant au mépris de toute continuité. C'est dire si toute l'équipe (réalisateur, script, accessoiriste, monteur...) était troublée.Alligator a écrit :North by Northwest (La mort aux trousses) (Alfred Hitchcock, 1959) :
La discussion au wagon-restaurant entre Roger Thornhill et elle est une des scènes les plus torrides qu'il m'ait été donné de voir. Elle garde cependant une forme extrêmement élégante et policée, sainte nitouche. Le jeu des regards, la délicatesse des gestes nous aspirent la salive, gloups. Toute en sous-entendus salaces, l'érotisme dans son acception la plus stricte, éclabousse l'écran, humecte les mots.
J'isole ce bout de phrase juste pour sauter sur le fait que ce film est parsemé de circonstances aussi improbables qu'absurdes et irréalistes mais - par le génie d'Hitchcock - reste un festival incomparable, une leçon à la fois de ce qu'il ne faudrait jamais faire dans les détails et de ce qu'il faudrait parvenir à égaler pour le tout. Et si ce jeu enfantin passe, même avec le spectateur le plus pointilleux ou cartésien, c'est aussi en partie grâce à Cary Grant qui a gardé ce côté d'éternel grand gamin (aspect renforcé dans les séquences où il est question de sa môman).Alligator a écrit : Ce film là est fabuleux parce qu'il tient debout et sautille crânement sur un autel à la gloire de l'Homme dans toute sa complexité, avec son animalité, sa sexualité, sa richesse d'émotions et de sensations. Cary Grant est à la fois Ulysse, Roméo et James Bond, peut-être même pourrait-on l'appeler Adam arrachant Eve au serpent ?
Oui, c'est le grand panard. Et récemment à la radio, j'ai été ravi d'entendre je ne sais plus qui évoquer le plan qui pour moi est le summum de cette séquence d'anthologie : juste après l'explosion du camion, quand on voit, filmés en légère contre-plongée, la rangée des spectateurs de l'accident. Une composition picturale (que le très graphiste Hitchcock a peut-être d'ailleurs empruntée à un tableau) et qui donne tort au Fritz Lang Méprisant le Cinémascope.Alligator a écrit : Pour finir de m'assoter, Alfred Hitchcock concocte un spectacle visuel épatant. Le travail sur la photographie, les cadrages et les décors est tout simplement exceptionnel. Voir ce film en blu-ray est une expérience inoubliable. Les couleurs éclatent, la beauté des plans renverse. J'ai pris un pied pas possible!
Et puis cette mise en scène! Alfred Hitchcock est un type incroyable, tout bonnement génial : comment peut-on imaginer cette scène d'anthologie sur la route désertique, ce découpage de l'action, dans l'espace et dans le temps? Absolument divine, cette séquence est en soi une des plus belles scènes de cinéma.
semmelweis a écrit :J'ai eu l'occasion de faire découvrir North by Northwest à ma copine.Si je devais dire une chose sur ce métrage ,c'est à quel point Hitchcock a un style d'une fluidité impressionnante.Au fond ,je crois que c'est ce qui caracterise l'oeuvre hitchcockienne,tous ses films me paraissent accessibles.En effet, durant la scène de l'avion ou du mont Rushmore,j'ai l'impression d'imaginer le metteur en scène avoir refléchi murement ces plans à l'avance.Hitchcock est accessible au plus grand monde à mes yeux car il est celui qui a introduit une certaine modernité dans le cinéma mondial.A l'image d'un Kubrick, tout le monde a été influencé par Hitch.Pourquoi?Peut etre parce que sa mise en scène va à l'essentiel, qu'elle prend le chemin de la simplicité comme un enfant qui déssinerait son premier storyboard.C'est sans doute stupide et prétentieux ce que je raconte.Mais cela m'a sauté aux yeux lors de cette revision.North by northwest contient tous les ingrédients des films d'aventure des 50 dernières années mais transcendés pour en faire un pur régal.Cary Grant est somptueux en grand enfant (les scènes avec sa mère sont très droles),James mason inquiétant en méchant.Je ne peux empecher de faire un parallèle avec les premiers James Bond (que je suis en train de revoir) et aussi dans les Indy.Hicth a crée le film d'action actuel avant les autres.Tout Hollywood devrait lui etre reconnaissant.
Meme si Vertigo et Psycho me touchent plus , je ne peux que saluer le plaisr que m'a procuré Hicthcock.Et si je ne partage pas nécessairement les memes obsessions que le maitre du suspense,j'ai l'impression d'apprendre milles choses sur la mise en scène en voyant ses films.On ne peut nier que Hitchcock est entré dans l'inconscient du cinéma mondial, à l'image d'un Kubrick, d'un Bergman ou d'un Kurosawa.Une revision superbe avec un Blu ray qui l'est tout autant.
allen john a écrit :North by Northwest (Alfred Hitchcock, 1959)
Shakespeare, dans Hamlet (Acte II, sc. II) nous gratifie d'une allusion à Hitchcock: Hamlet définit sa folie par la désorientation géographique, I am but mad north-northwest. Le barde avait nécessairement vu le film, ou alors cette introduction absurde n'est ici que pour souligner à quel point il est vain de vouloir à tout prix renvoyer à Shakespeare lorsqu'on a Hitchcock entre les mains. Et si effectivement le titre etait une allusion consciente à Hamlet, quelle importance, réellement? North by northwest est sans doute, pour reprendre la formule chère à Hitchcock, d'abord et avant tout une "tranche de gateau", un film, à consommer avec plaisir. Et peut-être un peu plus, aussi.... Un opéra de celluloid dans sa forme la plus parfaite, la plus classique.
Profondo Rosso a écrit :La Mort aux trousses (1959)
Le publiciste Roger Thornhill se retrouve par erreur dans la peau d'un espion. Pris entre une mystérieuse organisation qui cherche à le supprimer et la police qui le poursuit, Thornhill est dans une situation bien inconfortable. Il fuit à travers les Etats-Unis et part à la recherche d'une vérité qui se révèlera très surprenante.
Après l'échec commercial de Vertigo (1958) et avant de faire sa révolution avec le glaçant Psychose (1960), Alfred Hitchcock s'offrait avec North by Northwest à la fois un condensé et une apogée du thriller "hitchcockien" tel qu'il avait contribué à le définir. Tout le projet naît d'ailleurs de cette idée de livrer le Hitchcock ultime et définitif, le réalisateur collaborant au départ avec le scénariste Ernest Lehman sur une adaptation du roman de Hammond Innes The Wreck of the Mary Deare (finalement réalisé par Michael Anderson avec Gary Cooper sous le titre Cargaison dangereuse en vf). Lehman peu inspiré avoue à Hitchcock qu'il piétine sur le script mais ce dernier satisfait de leur travail en commun lui propose de travailler sur une autre histoire à l'insu de la MGM à laquelle ils proposeront le nouveau scénario entamé. Lehman a ainsi l'ambition de signer "the Hitchcock picture to end all Hitchcock pictures". Plutôt qu'un script classique, Lehman doit au départ broder son intrigue autour de morceaux de bravoure rêvé d'Hitchcock vers laquelle la future intrigue devra mener, une approche moderne qui fera des émules (les 2 premiers Indiana Jones se sont fait de la même manière). On trouvera tout d'abord l'idée d'un meurtre commis aux Nations Unies et le fameux final sur le Mont Rushmore auxquels s'ajoutera le périlleux rendez-vous en rase campagne où le héros sera pourchassé par un avion. Sur ses bases Lehman écrira une brillante histoire d'espionnage qui constitue un digest parfait de grande réussites Hitchcockienne passée : l'innocent accusé à tort pourchassé et cherchant à prouver son innocence (Les 39 Marches, Le Faux coupable, La Loi du silence et bien d'autres...), l'espionne fragile plongée dans la fosse aux lions (Les Enchaînés), sans parler des péripéties renvoyant à des œuvres antérieures (l'alternance suspense/séduction dans le train façon Une femme disparait, le découpage du vertigineux final renvoyant autant à Vertigo qu'à La Cinquième colonne entre autres).
Tout cela tournerait au vide auto référentiel si ces personnages et situations archétypaux du Maître du Suspense n'étaient si brillamment incarnés. Cary Grant en quidam plongé dans la tourmente est absolument parfait de charme, d'aisance et de bagout avec cette maturité en plus estompant son côté clownesque et en faisant un solide héros d'action (Ian Fleming pensait à lui en créant le personnage de James Bond -la série devant énormément à La Mort aux trousses au passage- et lui proposera même le rôle que Grant refusera car s'estimant trop vieux). Suave et menaçant, James Mason en dépit d'une présence espacée est un méchant mémorable formidablement secondé de Martin Landau, bras armé glacial et possiblement amoureux de son patron comme le suggérera subtilement un dialogue. Quant à Hitchcock, il allie l'assurance du vieux briscard sûr de sa force et de ses effets avec la fraîcheur des premières fois. Le sens du rythme est bluffant (Les 39 marches la frénésie en moins, voir l'a longue attente lourde de menace avant l'attaque d'avion) avec un montage percutant mettant bien en valeur une intrigue rebondissant avec inventivité d'une situation, d'un cadre à un autre et faisant ainsi ressentir cette écriture faite autour de moments forts tout en parvenant toujours à les justifier et à les rendre impliquant émotionnellement.
Ce miracle s'accomplit grandement grâce au personnage d'Eva Marie Saint, pivot émotionnel du récit. Hitchcock en fait une de ses blondes glaciales et séductrices typique lors de l'échange dans le train, les dialogues à double sens, les regards provocants et assurés laissent place à des scènes à l'élégante sensualité où la complicité avec Grant est palpable (tout en laissant une délicieuse ambiguïté sur la nature de la nuit commune pour l'encombrant Code Hays). Cette froideur calculée s'effrite progressivement grâce à la prestation subtile de l'actrice où un geste, une moue ou un regard trahira la duplicité, le regret et les sentiments naissants (les retrouvailles dans la chambre d'hôtel, la scène de vente aux enchères). La figure de la blonde séductrice devient ainsi peu à peu incarnée et poignante dans son destin cruel (révélé par un brillant rebondissement), le personnage reflétant en fait le film entier. L'horlogerie suisse à suspense savamment calculée devient une histoire d'amour aussi belle que celle des Enchaînés, le fugitif Cary Grant ne cavale plus seulement pour nourrir le simple plaisir de la péripétie et l'haletante séquence du Mont Rushmore ne s'admire pas seulement pour sa virtuosité (maîtrise du matte painting, découpage au cordeau, décor studio impressionnant) mais parce que l'on vibre pour les personnages. Hitchcock l'a bien compris, ne s'embarrassant pas d'explications et d'un épilogue superflu pour seulement réunir son couple par une merveille d'ellipse finale et une ultime provocation avec cet ultime plan train s'engouffrant dans un tunnel dont le sens n'aura échappé à personne. Après nous avoir offert son thriller classique définitif, le Maître de Suspense allait pouvoir nous secouer dans une approche plus novatrice avec le plus rugueux Psychose. 6/6
Jeremy Fox a écrit :La Mort aux trousses (North by Northwest) - 1959
Revu hier soir pour la n-ième fois, cette fois en salle au travers sa dernière restauration 4K. Pas grand chose à ajouter avec tout ce qui a déjà été dit ici et là. C'est effectivement un modèle de mise en scène, de découpage, Eva-Marie Saint est magnifique, Cary Grant égal à lui-même, James Mason impérial, les séquences d'anthologie se succèdent, ma préférence allant toujours à cette longue scène à mi-film dans le train entre New York et Chicago, mélange de suspense et de sensualité le tout saupoudré d'énormément d'humour. Parmi les petits points négatifs, quelques plans en studio moyennement raccords et j'ai à une ou deux reprises été gêné par l'utilisation de la musique, ayant trouvé que dans certaines séquences mouvementées elle était vraiment assourdissante et pas nécessairement en correspondance avec les images ; mais dans l'ensemble il s'agit bien évidemment d'une grande partition de Bernard Herrmann. Bref, arrêtons de chipoter : du grand cinéma.