Farnaby a écrit :Wuwei a écrit :
je reprends uniquement cette partie de phrase (j'en suis navré) et je réponds rapidement (j'en suis navré également).
Mais il me semble qu'il est difficile d'aborder le sujet tel que le fait Thoret car nous sommes tous enclins à préférer telle époque (souvent celle de notre jeunesse et de la découverte) et.ou à en idéaliser d'autres, et que cela s'ajoute tout un tas de conditionnements complexes (parce que même si on met de côté les aspects sociaux, culturels et personnels, il n'en reste pas moins que le biais de confirmation de nos gentils cerveaux nous incite à voir et à retenir uniquement ce qui nous arrange) qui pourrissent souvent ce type de réflexions et de discussions.
Il me semble toujours tendancieux (car complexe) de vouloir coller des grilles de lectures et d'analyses généralistes sur l'évolution des arts et de la consommation, on en revient toujours à vouloir à tout prix "gagner" ou à devoir soutenir des positions paradoxales (comme Thoret) car trop vastes (son documentaire "we blew it" le montre bien, c'est trop et pas assez à la fois). Pour prendre un exemple rapide (et donc biaisé) pour les gens qui ont connu l'explosion musicale des années 60', ce fut l'époque où tout passait par la musique, la majorité des messages culturels semblaient avoir trouvés un véhicule adéquat, les beatles (et tous les autres) écrasaient et révolutionnaient tout, de fait de nos jours (et depuis pas mal d'années) tout semble aseptisé car la musique n'a plus le même poids social qu'avant, ça ne déplace plus autant des foules, ça provoque moins d'hystéries, la musique doit sembler fade ou indigeste... alors que l'on a jamais autant produit de musique et jamais eu autant de proposition de groupes, de courants...
...
bref, j'ai repris cette phrase, car elle renvoie (à mon sens) aux biais dont je parlais plus haut... on ne peut pas dire que les gamins ne font pas de fautes aujourd'hui mais lire des lettres de Poilus, ça permet de relativiser sur "le temps d'avant où tout le monde maîtrisé les accords du participe passé" ^^
Mais je suis d’accord avec ce paragraphe sur les biais, la complexité des sentiments qui modifient la perception etc. etc. Cela ne change strictement rien au fait qu’il devrait être possible de dire que c’était mieux avant quand objectivement, c’est le cas. D’ailleurs pourquoi peut-on dire sans que personne ne proteste que la médecine est bien meilleure maintenant qu’avant, mais pas que l’orthographe était bien mieux avant ? Parce que l’histoire ne va que dans le sens du progrès ? Toujours ? Pour tout ? Ou bien faut-il réfléchir, analyser, discriminer, et se rendre compte qu’elle peut selon les cas, domaines, champs, avancer « bien » ou avancer « mal » ? (Je ne répondrai pas sur l’orthographe : il ne sert à rien de dire que le ciel est bleu s’il est bleu, tant pis pour ceux qui veulent le voir rose. Peut-être un professeur d’université ici pourra-t-il prendre ma relève et parler de l’évolution de l’orthographe des copies entre 1970 et 2019 par exemple ? Ou un professeur de mathématique à propos du calcul ?).
Tout ce que je pointais, c’est l’espèce de tabou qui frappe la phrase « c’était mieux avant », tabou aussi stupide (mais passionnant du point de vue de l’histoire des idées et notamment de l’idéologie gauchiste) que son pendant, la croyance que tout était effectivement mieux avant.
Tout ce que je disais à Thoret, c’est « Vas-y, n’aie pas peur, si tu penses que le cinéma, ou seulement la critique de cinéma, était mieux avant, dis-le, prononce la phrase tabou. Ce ne sera pas forcément la vérité (même si personnellement je le pense aussi), mais ce sera l’expression simple et vraie de ta pensée, et tu ne devrais pas t’en priver à cause d’un réflexe stupide (de gauche) qui est peut-être par ailleurs une stratégie d’autoprotection pour ne pas avoir à remettre en cause tes croyances, toute ton idéologie politique. »
Nous sommes globalement d'accord.
le seul truc, c'est que pouvoir dire "c'était mieux avant" revient (souvent, pas toujours) à "on ne peut plus rien dire" car on compare des émotions, des ressentis face à des situations que l'on ne parvient pas à juger, jauger objectivement.
Dès lors, la croyance par procuration fonctionne à plein.
Lorsque je discute avec mes collègues de droite, la "théorie du cliquet" (en gros, le progressisme prend pour indéboulonnable tout acquis et il est impossible de revenir en arrière... comme avec un cliquet) et sur toutes les lèvres, alors que pour mes collègues de gauche, nous sommes envahis par la parole d'éditorialiste réac' qui ne cessent de nous expliquer que c'était mieux avant.
de fait pour les deux "le ciel est bleu" et c'est celui des autres qui est rose.
sur l'orthographe, comme je le disais ailleurs, j'ai repris Lettres y'a peu, je fréquente beaucoup d'universitaires dans le domaine (des profs de lettres mais aussi et surtout beaucoup de linguistes), sinon vous pouvez vous rapporter au bouquin (récent) "le français est à nous" qui reprend pas mal d'antiennes sur la langue française et sur les idéologies qui la traversent.
Après, il existe plusieurs facteurs (si on suppose que les élèves ont les mêmes capacités cognitives, ce dont je ne doute pas), le temps d'écran n'est pas le même (je ne pense pas que les écrans abrutissent, mais ils fatiguent beaucoup et un cerveau de gamin apprend vite et beaucoup -plus que celui d'un adulte- mais il aussi besoin de repos, les écrans avant l'école "épuisent" la capacité d'apprentissage et idem le soir), le nombre d'heures de français a diminué drastiquement car on cherche aussi à faire des mômes des "bilingues" dès le plus jeune âge, de fait moins de français et plus d'anglais (ou autre) ça n'aide pas forcément, on s'arc-boute aussi sur "avant y'avait pas de fautes" comme un mythe à atteindre et sur "l'orthographe > tout le reste" (notamment la rhétorique), ce qui entraine une vision portée sur "la dictée > tout le reste".
En fait, pour être à la fois formateur et étudiant, ce qui m'inquiète ce ne sont pas les fautes (tout le monde en fait) mais le phénomène des "normo-lecteurs" mais mauvais "compreneurs", c'est-à-dire des élèves capables de lire un texte mais pas d'en comprendre la complexité (ou les consignes ou les implicites) sans en être forcément conscient (on retrouve la même chose à l'écrit avec, en plus des fautes, une mauvaise gestion de la rhétorique et de l'enchaînement des idées).
D'autant , qu'à mon sens, il en va de plus en plus de même concernant les médias visuels.