Je crois au contraire que l'une des marques de Fincher est la recherche des signes, symboles et métaphores qu'usent les personnages pour correspondre (de manière autiste, psychotique, pédante...) avec le corps social, afin de comprendre la raison de leurs actions. En ce sens oui, Prisoners me semble être dans cette mouvance. Après, oui, c'est peut-être parfois surligné (les répétitives suppliques et apostrophes religieuses, la recréation d'un Guantánamo et le conflit moral associé...), mais ça ne m'a jamais sorti du film. Les apparitions mécaniques des antagonistes à intervalles réguliers et la parcimonie un peu forcée avec laquelle les informations de premier ordre sont dévoilées me semblent plus gênantes.Thaddeus a écrit :La référence à Fincher et à Seven évoquée plus tôt (avec tout le trip autour des motivations des meurtriers, cette espèce de cabale moralisatrice, cette fascination gourmande pour le Péché) est tout à fait symptomatique de cette mouvance. Il faut faire SIGNIFIANT. Personnellement, je trouve ça un peu plombant.
J'étais prêt à adorer ce film par principe exclusivement. Sujet adulte, traitement posé, casting prometteur. Sauf que Jackman et Bello sont malheureusement un peu limités dans ce qu'on leur a demandé je trouve, ils jouent un peu toujours la même note, là où Terrence Howard ou Jake Gyllenhall développent une palette plus étendue. Melissa Léo est désormais cataloguée, comme un Stellan Skarsgard féminin. Dès qu'elle apparaît dans un film, on sait qu'elle jouera soit une bitch soit une psychotique. Ça ne manque pas. Mais Gyllenhall est vraiment bien lui, avec ce que je perçois être un jeu hommage à Andy Garcia, période Internal Affairs / Jennifer 8, avec cette froideur de surface qui ne demande qu'à exploser. Mine de rien, c'est quand même un film où personne n'est épargné. Quelle galerie de gens professionnellement incapables, socialement inaptes, psychologiquement instables!
En fait, ce qui m'a le plus déçu reste la mécanique scénaristique du dernier acte, où effectivement il faut tout expliquer. Entre les nombreux trous de l'intrigue, et cette gêne que l'on ressent des créateurs à hollywoodiser pareille histoire par les ficelles du thriller, on ne sait plus trop sur quel pied danser. Les disparitions d'enfants ne donnent que rarement de tels résultats, et sur un traitement assez proche, je trouve le Eastwood de Mystic River et Changeling plus juste en terme de tonalité, moins pute.
Tout cela donne un bon film, qui n'ennuie jamais sur ses 2h33, régulièrement impressionnant (la photo de Deakins effectivement intouchable), et fascinant de par le masochisme du traitement de son Amérique. C'est déjà bien.