Re: La Vie d'Adèle (Abdellatif Kechiche - 2013)
Publié : 17 mars 14, 10:43
Justement : que penses-tu du film ? (que je n'ai pas encore vu)Roy Neary a écrit :Bon, je sens que je m'éloigne un peu du sujet là...
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Justement : que penses-tu du film ? (que je n'ai pas encore vu)Roy Neary a écrit :Bon, je sens que je m'éloigne un peu du sujet là...
Si je n'apprécie guère les formules superlatives ("le plus grand film depuis...", "la plus belle histoire..."), j'apprécie qu'une presse fasse preuve d'enthousiasme. C'est me semble-t-il ce qu'il s'est passé avec le film de Kechiche, qui a généré à Cannes un mouvement passionné d'ordre purement émotionnel que je comprends tout à fait puisque je l'ai éprouvé moi-même à la vision du film. Il est évident que notre appréciation dépend en partie de notre ressenti face au film, et qu'une telle réaction critique me semble plus compréhensible que toi, qui éprouve de grosses réserves à son égard. Mais dirais-tu la même chose de There will be blood, accueilli il y a six ans avec tambours et trompettes par une presse (américaine, notamment) qui y voyait un chef-d'oeuvre absolu dès sa sortie, quasiment le plus grand film depuis Citizen Kane ?Gounou a écrit :Mais tu n'as pas à avoir "de mal" puisque ce n'est pas ledit film vénéré que je peux trouver suspect, mais la façon dont on s.empresse de sortir les grands mots sans recul ni nuance.
Tu as trouvé quelques exemples qui ressembleraient effectivement à une bonne pioche mais j'ai dans l'idée, et détrompe-moi si tu en as le temps et l'envie, qu'on voit plus souvent (et de plus en plus souvent) le cas inverse, comme le reflet d'une attente fébrile et nerveuse de consécration rapide et totale, un besoin de grandeur qui précède le film et son vieillissement toujours intéressant, essentiel même.
Je comprends ce que tu veux dire, et je suis d'accord avec toi, mais de mon côté je pense vraiment qu'il existe des films - rares et précieux - qui méritent tous les suffrages, et dont l'importance "devrait" créer une adhésion unanime, pleine et sans retenue. Et je ne considère pas ces films comme tributaires d'un consensus mou, plutôt comme des classiques instantanés. Ces films, ce sont notamment les quelques-uns que j'ai cité au-dessus.Contrairement à toi, quand il s'agit de prendre le pouls d'une masse hétéroclite, je suis plus intrigué et stimulé par la passion... Mais dans les deux sens. Ça me semble plus "normal".
Mais l'accueil unanime de ce film (et de bien d'autres que je n'ai pas apprécié) n'a rien de "suspect" à mes yeux. Il témoigne simplement d'un écart entre mon jugement et celui de la critique, écart que je suis prêt à assumer en défendant ardemment ma position, c'est tout.Watkinssien a écrit :Gravity ?
Je te crois volontiers, mais mon exemple était mal choisi. J'ai cité des films récents qui à leur sortie ont provoqué un enthousiasme unanime qui me semble justifié et absolument pas suspect. C'est la formule de Gounou, "l'unanimité est suspecte par définition", que j'ai du mal à comprendre.xave44 a écrit :A sa sortie La Grande Illusion fut plus que clivant...20 ans plus tard il faisait l'unanimité.
J'aurais peut-être dû dire que je n'y crois pas, qu'elle ne me communique pas grand chose si ce n'est un mouvement de foule (qui peut-être un élan communicatif, oui... Mais après...?). Y compris d'ailleurs pour There Will Be Blood, film clivant, grower par essence et pas moins intéressant pour autant, bien au contraire !Thaddeus a écrit :C'est la formule de Gounou, "l'unanimité est suspecte par définition", que j'ai du mal à comprendre.
La formule est maladroite je te l'accorde.Thaddeus a écrit : C'est la formule de Gounou, "l'unanimité est suspecte par définition", que j'ai du mal à comprendre.
Le sens de ma remarque était moins une déception que tout simplement, une remarque (j'ai beaucoup aimé ce film, mais j'ai malgré tout quelques réserves, je ne suis pas déçu des réactions plus réservées).Gounou a écrit :J'aurais peut-être dû dire que je n'y crois pas, qu'elle ne me communique pas grand chose si ce n'est un mouvement de foule (qui peut-être un élan communicatif, oui... Mais après...?). Y compris d'ailleurs pour There Will Be Blood, film clivant, grower par essence et pas moins intéressant pour autant, bien au contraire !
Mon propos initial est une réaction tout à fait personnel et déconnectée du film de Kechiche à une remarque de cinephage quant à la "drôle" de différence d'accueil du film sur classik. Elle traduit sans doute une décéption pour les adorateurs du film de voir que cette unanimité initiale s'effrite au fil des messages, que l'idole redescend à une échelle humaine... Mais de mon point de vue, elle est naturelle et ne doit rien dire d'autre du film que : c'est un film qui ne fait pas l'unanimité, DONC un film qui a de la personnalité.
Pour la consécration, encore une fois, nous verrons avec le temps.
J'aime aussi les enthousiasmes, mais individuels, personnalisés. Et, si je ne cherche pas non plus le "grand film" à tout prix, je me sentirais pour ma part plus attiré par les films entiers et "forts en bouche", donc plutôt des films qui divisent car font des choix tranchés, que par "le film qui plaît au plus grand nombre".cinephage a écrit :A ce titre, étant généralement très bon public, j'aime les enthousiasmes parce qu'un film qui plait au plus grand nombre a de bonnes chances de me plaire (ça n'en fait pas pour autant un grand film pour la postérité, mais je n'approche jamais un film sous cet angle que je trouve douteux, on en a déja discuté ailleurs).
J'ai des réserves assez importantes sur le film (voir plus haut). Mais cela ne me gêne absolument pas que d'autres l'aient trouvé "génial". Au contraire, cela donne l'occasion de débattre, ce qui fait partie des joies de la cinéphilie. Pour moi, le cahier des charges d'un critique se résume à (i) bien écrire (je préfère un critique qui écrit bien et aime des films que je n'aime pas à un critique qui a mes goûts mais écrit avec les pieds), (ii) donner son opinion, (iii) indiquer les raisons de son opinion. Si ces critères sont remplis, le critique peut donner libre cours à son tempérament qui le conduira selon le cas à l'enthousiasme ou à l'approbation nuancée.AtCloseRange a écrit :Plus que l'enthousiasme général, ce qui me semble gênant, c'est l'enthousiasme aveugle autrement dit celui qui est incapable de prendre le moindre recul sur l'objet de son adoration (ça devrait pourtant faire partie du cahier des charges d'un critique, non?).
J'aime beaucoup le film mais pourtant je suis loin de rejeter d'un revers de main tous les défauts qu'on reproche au film.
On a l'impression qu'émettre le moindre reproche quand on aime revient à "salir" l'œuvre et à lui mettre d'une certaine façon des bâtons de la roue (notamment la roue promotionnelle).
Comme si, en-dessous de "génial", un film n'était pas digne d'être vu.
Qui fait cela ? Pas moi en tout casStrum a écrit :Sans sous-estimer les conséquences des effets de mode, je pense que ce serait une erreur de faire payer volontairement à un film l'enthousiasme de la critique.
Pas directement en effet tu as raison, mais d'aucuns pourraient dire que la "méfiance" est une unité de valeur servant à évaluer du dehors le film "suspect".Gounou a écrit :Qui fait cela ? Pas moi en tout cas
Eh bien non, pas du tout.Strum a écrit :Pas directement, mais d'aucuns pourraient dire que la "méfiance" est une unité de valeur servant à évaluer du dehors le film "suspect".Gounou a écrit :Qui fait cela ? Pas moi en tout cas
Sauf qu'un enthousiasme sans aucune réserve accepte difficilement les reproches venant de l'extérieur. C'est bien là le problème. En utilisant trop souvent un "génial" définitif, on fait tout sauf ouvrir le débat.Strum a écrit :J'ai des réserves assez importantes sur le film (voir plus haut). Mais cela ne me gêne absolument pas que d'autres l'aient trouvé "génial". Au contraire, cela donne l'occasion de débattre, ce qui fait partie des joies de la cinéphilie. Pour moi, le cahier des charges d'un critique se résume à (i) bien écrire (je préfère un critique qui écrit bien et aime des films que je n'aime pas à un critique qui a mes goûts mais écrit avec les pieds), (ii) donner son opinion, (iii) indiquer les raisons de son opinion. Si ces critères sont remplis, le critique peut donner libre cours à son tempérament qui le conduira selon le cas à l'enthousiasme ou à l'approbation nuancée.AtCloseRange a écrit :Plus que l'enthousiasme général, ce qui me semble gênant, c'est l'enthousiasme aveugle autrement dit celui qui est incapable de prendre le moindre recul sur l'objet de son adoration (ça devrait pourtant faire partie du cahier des charges d'un critique, non?).
J'aime beaucoup le film mais pourtant je suis loin de rejeter d'un revers de main tous les défauts qu'on reproche au film.
On a l'impression qu'émettre le moindre reproche quand on aime revient à "salir" l'œuvre et à lui mettre d'une certaine façon des bâtons de la roue (notamment la roue promotionnelle).
Comme si, en-dessous de "génial", un film n'était pas digne d'être vu.