Re: Cinéma Coréen contemporain
Publié : 19 nov. 21, 19:40
Midnight (Kwon Oh-seung – 2021)
Un tueur en série sur le point d'achever sa nouvelle victime est interrompue par une sourde et muette sur le point de rejoindre sa mère, partageant le même handicap. Commence alors un jeu de chat de souris auquel se mêle le frère de la victime qui cherche à comprendre sa disparition brusque dans le quartier.
Premier film pour Kwon Oh-seung qui livre un thriller efficace, entièrement consacrée au rythme et au suspens. Une fois passée l'installation de 15-20 minutes, le film assume une dimension rollcoaster qui peut finir par lasser par le surplus de générosité façon "je vous redonne encore un tour gratuit" ? La fin par exemple bascule dans le grotesque à force de rebondissements – et contre rebondissements – juste pour faire perdurer le plaisir de façon très artificielle.
C'est un peu dommage car ce dernier acte est aussi parfaitement représentatif de la démarche du cinéaste qui cherche à renouveler perpétuellement chaque situation... mais en tirant sur la corde à fond. On s'amuse ainsi régulièrement qu'un scénario astucieux et de mises en place savoureuse avant de se dire tout aussi souvent que c'est trop étiré. Après, on il faut admettre donc que les séquences fortes s'enchaînent les unes aux autres : le passage assez croustillant dans la commissariat, les idées formelles plus angoissantes dans l’appartement (gros clin d’œil à Shining), les courses poursuites virevoltantes dans les ruelles nocturnes et le cauchemar éveillé en pleine foule. Quoiqu'il en soit, il y a plein d'idées originales tant visuelles que sonores pour mettre en valeur les handicaps des héroïnes : les capteurs sonores clignotants, la difficulté à communiquer, une menace délicate à repérer, l'utilisation des téléphones.
Autre point assez originale pour un thriller coréen mettant en scène un tueur en série, le film est au final assez peu violent et complaisant dans son sadisme. C'est certes intense mais pas si démonstratif et "graphique" que ça. D'ailleurs l'épilogue confirme presque l'idée que le film est à prendre comme une comédie noire. C'est en tout cas rafraichissant à sa manière.
Sinkhole (Kim Ji-hoon – 2021)
Une famille vient enfin de réaliser son rêve : pouvoir s'acheter un appartement à Séoul. Alors que le père vient de finir une crémaillère avec ses collègues (où s'est incrusté un voisin aussi intrusif qu’arrogant), une pluie diluvienne provoque un éboulement engloutissant l'immeuble entier qui fait une chute de plusieurs centaines de mètres sous le sol.
Le réalisateur de The Tower revient au film catastrophe, sur un ton plus léger cette fois. On pourrait même dire que c'est surtout une comédie. Sur le principe, on dirait que Sinkhole essaie de surfer sur le succès de l'excellent Exit qui mélangeait brillamment comédie, film catastrophe et suspens. Autant le dire tout de suite, ce n'est pas le cas ici. Tout d'abord le scénario est tout bonnement improbable et surréaliste. Ce n'est jamais crédible et donc menaçant pour ses (anti)héros. De plus le casting et l'interprétation ne sont pas d'une grande finesse pour des effets pas trop toujours très fins, y compris une brève incursion dans le drame, touche incongrue et incohérente puisque le film cultive sa légèreté et son envie de bonne humeur. Dernier point qui n'aide pas à la balance de pencher du bon côté : les effets spéciaux sont franchement laids et indignes d'une grosse production.
Voilà, une fois qu'on a dit ça, et en étant indulgent, ça reste un petit divertissement occasionnellement sympathique avec quelques situations qui fonctionnent malgré tout comme le sauvetage avec un tuyau d'arrosage ou tout le final (même si c'est totalement idiot et invraisemblable au plus haut point).
Rolling ou Rolling girl (Kwak Ming-seung – 2021)
Jeune adulte peinant à trouver une motivation au quotidien alors que la pandémie du Covid-21 plane sur la Corée, Ju-ri est contrainte de tenir quelques jours le restaurant de kimbaps de sa mère qui doit s'absenter pour aller s'occuper de sa maman.
Deuxième coup de cœur du festival.
En étant honnête, je dirai que c'est avant tout un plaisir éphémère, une sorte de "feel good movie" à la simplicité désarmante, au point que plusieurs spectateurs ont trouvé que ça manquait totalement d'enjeux et de substance. C'est sans doute vrai mais c'est une chronique lumineuse et chaleureuse comme je les affectionne.
Donc Ju-ri, au tempérament apathique et repliée sur elle-même depuis sa séparation avec son petit copain, doit apprendre non seulement à "rouler" des Kimbaps mais à retrouver le bon dosage culinaire ayant fait la petite réputation du restaurant de quartier. Il n'y a pas grand chose de plus fondamentalement et on sait rapidement où cela va nous mener : retrouver le plaisir de cuisiner, un rapprochement sentimental (avec un client timide) et familiale, reprise de confiance en soit...
Si le film n'atteint pas l'élégance de Little Forrest sur un thème et traitement proches, Rolling a pour lui déjà une durée condensée de 75 minutes avec l'opportunité de ne jamais s'attarder sur le background de l'histoire. Ainsi la rupture de l'héroïne est brièvement évoquée au travers de quelques vidéos restant sur une caméra numérique, la sous-intrigue avec la grand-mère malade est relayée à quelques dialogues au téléphone tandis que le contexte sanitaire du pays est principalement évoquée par la difficulté des métiers de bouche à maintenir leur activité. Pour autant tous ses éléments sont suffisamment présents pour donner du fond au parcours de Ju-ri, qui est elle-même une jeune fille sans la moindre ambition et au physique banale, loin des canons de la "beauté" sud-coréenne.
Ce refus d'une dramatisation forcée est ainsi plus un qualité qu'un défaut et le (r)éveil de Ju-ri gagne ainsi quelque chose de communicatif, rythmé par ses maladresses attachantes et pleine de bonne volonté... Qu'ils s'agissent de la confection des commandes, du services avec des clients ou du flirt avec l'étudiant.
Un tueur en série sur le point d'achever sa nouvelle victime est interrompue par une sourde et muette sur le point de rejoindre sa mère, partageant le même handicap. Commence alors un jeu de chat de souris auquel se mêle le frère de la victime qui cherche à comprendre sa disparition brusque dans le quartier.
Premier film pour Kwon Oh-seung qui livre un thriller efficace, entièrement consacrée au rythme et au suspens. Une fois passée l'installation de 15-20 minutes, le film assume une dimension rollcoaster qui peut finir par lasser par le surplus de générosité façon "je vous redonne encore un tour gratuit" ? La fin par exemple bascule dans le grotesque à force de rebondissements – et contre rebondissements – juste pour faire perdurer le plaisir de façon très artificielle.
C'est un peu dommage car ce dernier acte est aussi parfaitement représentatif de la démarche du cinéaste qui cherche à renouveler perpétuellement chaque situation... mais en tirant sur la corde à fond. On s'amuse ainsi régulièrement qu'un scénario astucieux et de mises en place savoureuse avant de se dire tout aussi souvent que c'est trop étiré. Après, on il faut admettre donc que les séquences fortes s'enchaînent les unes aux autres : le passage assez croustillant dans la commissariat, les idées formelles plus angoissantes dans l’appartement (gros clin d’œil à Shining), les courses poursuites virevoltantes dans les ruelles nocturnes et le cauchemar éveillé en pleine foule. Quoiqu'il en soit, il y a plein d'idées originales tant visuelles que sonores pour mettre en valeur les handicaps des héroïnes : les capteurs sonores clignotants, la difficulté à communiquer, une menace délicate à repérer, l'utilisation des téléphones.
Autre point assez originale pour un thriller coréen mettant en scène un tueur en série, le film est au final assez peu violent et complaisant dans son sadisme. C'est certes intense mais pas si démonstratif et "graphique" que ça. D'ailleurs l'épilogue confirme presque l'idée que le film est à prendre comme une comédie noire. C'est en tout cas rafraichissant à sa manière.
Sinkhole (Kim Ji-hoon – 2021)
Une famille vient enfin de réaliser son rêve : pouvoir s'acheter un appartement à Séoul. Alors que le père vient de finir une crémaillère avec ses collègues (où s'est incrusté un voisin aussi intrusif qu’arrogant), une pluie diluvienne provoque un éboulement engloutissant l'immeuble entier qui fait une chute de plusieurs centaines de mètres sous le sol.
Le réalisateur de The Tower revient au film catastrophe, sur un ton plus léger cette fois. On pourrait même dire que c'est surtout une comédie. Sur le principe, on dirait que Sinkhole essaie de surfer sur le succès de l'excellent Exit qui mélangeait brillamment comédie, film catastrophe et suspens. Autant le dire tout de suite, ce n'est pas le cas ici. Tout d'abord le scénario est tout bonnement improbable et surréaliste. Ce n'est jamais crédible et donc menaçant pour ses (anti)héros. De plus le casting et l'interprétation ne sont pas d'une grande finesse pour des effets pas trop toujours très fins, y compris une brève incursion dans le drame, touche incongrue et incohérente puisque le film cultive sa légèreté et son envie de bonne humeur. Dernier point qui n'aide pas à la balance de pencher du bon côté : les effets spéciaux sont franchement laids et indignes d'une grosse production.
Voilà, une fois qu'on a dit ça, et en étant indulgent, ça reste un petit divertissement occasionnellement sympathique avec quelques situations qui fonctionnent malgré tout comme le sauvetage avec un tuyau d'arrosage ou tout le final (même si c'est totalement idiot et invraisemblable au plus haut point).
Rolling ou Rolling girl (Kwak Ming-seung – 2021)
Jeune adulte peinant à trouver une motivation au quotidien alors que la pandémie du Covid-21 plane sur la Corée, Ju-ri est contrainte de tenir quelques jours le restaurant de kimbaps de sa mère qui doit s'absenter pour aller s'occuper de sa maman.
Deuxième coup de cœur du festival.
En étant honnête, je dirai que c'est avant tout un plaisir éphémère, une sorte de "feel good movie" à la simplicité désarmante, au point que plusieurs spectateurs ont trouvé que ça manquait totalement d'enjeux et de substance. C'est sans doute vrai mais c'est une chronique lumineuse et chaleureuse comme je les affectionne.
Donc Ju-ri, au tempérament apathique et repliée sur elle-même depuis sa séparation avec son petit copain, doit apprendre non seulement à "rouler" des Kimbaps mais à retrouver le bon dosage culinaire ayant fait la petite réputation du restaurant de quartier. Il n'y a pas grand chose de plus fondamentalement et on sait rapidement où cela va nous mener : retrouver le plaisir de cuisiner, un rapprochement sentimental (avec un client timide) et familiale, reprise de confiance en soit...
Si le film n'atteint pas l'élégance de Little Forrest sur un thème et traitement proches, Rolling a pour lui déjà une durée condensée de 75 minutes avec l'opportunité de ne jamais s'attarder sur le background de l'histoire. Ainsi la rupture de l'héroïne est brièvement évoquée au travers de quelques vidéos restant sur une caméra numérique, la sous-intrigue avec la grand-mère malade est relayée à quelques dialogues au téléphone tandis que le contexte sanitaire du pays est principalement évoquée par la difficulté des métiers de bouche à maintenir leur activité. Pour autant tous ses éléments sont suffisamment présents pour donner du fond au parcours de Ju-ri, qui est elle-même une jeune fille sans la moindre ambition et au physique banale, loin des canons de la "beauté" sud-coréenne.
Ce refus d'une dramatisation forcée est ainsi plus un qualité qu'un défaut et le (r)éveil de Ju-ri gagne ainsi quelque chose de communicatif, rythmé par ses maladresses attachantes et pleine de bonne volonté... Qu'ils s'agissent de la confection des commandes, du services avec des clients ou du flirt avec l'étudiant.