A l'époque de la prohibition, dans une salle de jeu clandestine, un homme est pris en flagrant délit de tricher et fait irruption plus tard dans la soirée dans le bureau de Joe Marino, le patron d'une boite de nuit alors que celui ci s'entretient avec Steve Maddux, son beau frère, celui là même qui avait confondu et humilié le joueur. L'arme au poing il réclame son argent et est abattu par Maddux alors qu'il s' apprêtait lui même à tirer. Loin d'être sûr d'obtenir la légitime défense, Maddux fuit en Floride s'éloignant ainsi de sa petite amie Georgia, chanteuse de Music Hall qui venait d'obtenir un bon contrat à Broadway. Elle y est remarquée par le journaliste Don Corwin qui multiplie les articles pour promouvoir sa carrière et qui s'éprend de la jeune femme. Pendant ce temps, Maddux, fréquentant plus que jamais les salles de jeu connaît des revers de fortune et suite à une ruse de Marino accepte de s'associer avec lui. Rassuré sur sa situation, Maddux revient vers Georgia …
Dane Clark, épisode 1
Devant ce film étrange, qui était le premier film criminel dans lequel Dane Clark tenait un rôle important, on a parfois l'impression que la Warner avait ressorti le vieux scénario d'un film criminel des années 30 d'un tiroir, tentant de l'adapter au goût du jour en y saupoudrant des éléments de film noir. Mais en raison d'un scénario bancal, d'une caractérisation des personnages incertaine, d'une tension et d'une violence latente ou « en couvaison « trop parcimoneusement saupoudrés, les moments de violence arrivaient comme par surprise et apparaissaient même presque incongrus et faux puisque l'atmosphère violente qui se concrétisait bien souvent par des séquences brutales dans les films de gangsters était ici très intermittente et donc bien trop fugace.
Sans être du tout un mauvais film, il soufre quand même de multiples petits maux et manque d'une véritable unité de ton quand bien même il comporte de solides ingrédients de film noir : un homme parti de rien et s'élevant socialement grâce à des activités illicites ou à la lisière de la légalité (ici un joueur devenant patron de tripots) et donc la montée et la chute d'un gangster. Un triangle amoureux impliquant deux hommes, un bon et un (plutôt) mauvais, rivaux auprès d'une chanteuse de Music Hall. Deux associés devenant brutalement des ennemis. Un jeune homme fasciné par un aîné dominateur qu'il finit par trahir ...
Il y en a même presque trop ... d'ingrédients … de personnages importants, et le film exploite la plupart des possibilités offertes. Pour en donner une idée sans rentrer dans le détail des faits, je laisse entrevoir ces possibilités en présentant les personnages principaux.
Maddux est le personnage principal le mieux tenu et son interprète, Zachary Scott, y est remarquable. Il est calme jusqu'à la froideur, plein d'assurance, séduisant, suave (les séquences intimes avec Georgia font partie des plus réussies). Il est donc très loin des manières des gangsters à l'ancienne et s'il est capable de se battre contre son rival (sur un ring de boxe), il surprend finalement tout le monde – y compris le spectateur – quand il finit par sortir sa mitraillette Thompson (dans la séquence la plus absurde du film, celle qui lance les événements violents de sa partie finale). Plus intéressant et surtout plus finement observé sont les notations sur d'autres traits de sa personnalité. Maddux est aussi un homme dévoré d'ambition et très orgueilleux qui s’éloigne de Georgia dès qu'il se trouve provisoirement en état de faiblesse. Or, il s'y retrouve régulièrement puisqu'il tue un homme, est presque remplacé par un rival et surtout il subit les aléas de la vie de joueur. Mais Maddux force sa chance et joue en permanence sa vie, pas seulement dans ses affaires : il bluffe (pour convaincre Georgia de revenir à lui), fait tapis (il lui propose le mariage pour emporter la mise vis à vis de son rival) et dans un final où il aura tout contre lui, quand un des personnage dira à Georgia que Maddux possède 1 % de chance de s'en sortir, elle répondra : " C'est bien plus qu'il ne lui en faut ".
Georgia King (Janis Paige, merveilleuse de sensualité discrète) est donc la compagne de Maddux puis sa femme. Elle aussi est une forte personnalité, indépendante et qui a du répondant face aux diktats de Maddux ... mais il est vraiment
Her Kind of Man et en ce qui concerne les faits importants, elle lui cède tout et est finalement toujours derrière lui, même dans les moments où d'autres flancheraient ( face aux 2 crimes, certes commis l'un en état de légitime défense et l'autre en réalité accidentel). Il faut dire aussi que le rival est fade et beaucoup moins bien traité par les scénaristes. La rivalité entre Maddux et le chroniqueur de Broadway, Don Corwin si elle occupe beaucoup l'écran dans la partie centrale du film, ne donne pas grand chose. Dans ce qui était son premier film noir, Dane Clark était bizarrement distribué dans ce rôle de journaliste affichant presque toujours un large sourire (il doit sourire ici davantage que dans tous ses autres films réunis). Souriant … jusqu'à un certain point car il surprend quand même face à Maddux (sur un ring) puis plus tard face au jeune apprenti gangster qui admire Maddux mais, trop mal caractérisé, le personnage ne soutient pas la comparaison avec celui de son rival si bien qu'il ne profite pas des absences de ce dernier pour prendre vraiment sa place ; mais résolu, il ne s'éloignera pas tout à fait quand Georgia décidera finalement d’épouser "l'autre".
Critère qui ne l'aide pas à charmer aussi bien Georgia … que le spectateur, il est souvent flanqué d'un policier, Bill Fellows, qui enquête sur Maddux à propos notamment du crime initial. C'est l'enquêteur le plus cool de l'histoire du film de gangsters si bien que lorsqu'il s'énerve enfin et organise une descente dans un des tripots de Maddux, on est vraiment pris par surprise (même les scénaristes qui font faire n'importe quoi à Maddux). Plus intéressant est le personnage de Candy (Harry Lewis), un jeune apprenti gangster fasciné par le charisme, la maitrise et l'assurance de Maddux. Il offre donc ses services au (gentil) gangster, devient ainsi son homme à tout faire … et son souffre douleur (la relation est ambiguë et suggère probablement l'homosexualité de Candy). Enfin, un mot sur le couple Marino : Joe (George Tobias), l'associé de Maddux est un des rares à se montrer plus roublard que lui mais il est lui aussi caractérisé un peu légèrement et le plus souvent en décalage avec les personnages similaires du genre puisque lui aussi est un peu trop rigolard. Quant à son épouse Ruby (Faye Emerson), qui est aussi la sœur de Maddux, elle n'a presque rien à faire.
Bilan très mitigé donc pour ce film qui reste très regardable mais qui gâche ses possibilités et qui est noir … mais pas trop, un noir light en quelque sorte … ce dont même les étonnantes affiches attestent. Et encore je n'ai pas mis la plus souriante. Vu en vo avec sous titres anglais.
Frederick de Cordova était surtout réalisateur de comédies (aucune éditée en France, la seule que je connaisse,
Bedtime fot Bonzo, jadis édité en zone 1 vaut son pesant de Caouettes. D'ailleurs à propos de caouettes, les principaux protagonistes en sont un chimpanzé et un ancien président américain (et celui qui a l'air le plus malin à l'écran n'est pas celui qu'on croit), de quelques Musicals (dont un Elvis édité) et secondairement de film d'aventures et de westerns, parmi lesquels 3 Yvonne de Carlo dont 2 sont plaisants et un assez bon western militaire avec Audie Murphy (tous édités en zone 1 et/ou 2 avec français) … et enfin il avait aussi réalisé un second film criminel :
Illegal Entry dans lequel Howard Duff tapait plus fort sur les passeurs et sur la pègre "profiteuse de misère" que sur les clandestins. Donald, un avis sur le film ? Ce dernier fut diffusé en VF chez nous.