Les Dames du Bois de Boulogne (Robert Bresson)
Deuxième film de Robert Bresson après le génial
Les Anges du péché,
Les Dames du Bois de Boulogne tranche avec d'autres films du même réalisateur par son aspect littéraire.
Es-ce la présence de Cocteau aux dialogue ou autre chose, mais Bresson pourtant très attentif aux non-dits, aux gestes ou à l'expressivité du visage, réalise ici une film très bavard, très riche en envolés lyriques et en échanges meurtriers, donnant au texte de Diderot des allures de
Liaisons Dangereuses. C'est bien là les limites de ces
Dames du bois de Boulogne que d'être trop théâtrale là où son metteur en scène est habitué à travailler la forme. Puisque l'on est dans les défauts précisons que les comédiens sont tous plutôt faibles (et cela n'est pas dû comme dans les films tardifs du cinéaste à la direction d'acteurs) et que María Casares comme à son habitude, agasse par son jeu maniéré au possible (en dépit d'un visage fascinant). Mais là où Bresson sort son film d'un ennui se profilant à l'horizon, c'est dans l'intrusion du fantastique dans un cadre on ne peut plus cartésien. C'est le chat noir dans
Les Anges du péché et ici la personnification du mal sous les traits de Casares, qui drapé de noir va détruire la vie des trois personnes pour le seul compte de sa vengeance personnelle ("on dirait que vous ne savez pas ce qu'est la vengeance d'une femme" aime-t-elle à préciser). S'ensuit des scènes oniriques distillées tout le long du film qui, je dois le dire, marquent par leurs beauté, telle une lettre qui vole depuis la vitre d'une voiture, une ballade dans une grotte ou encore ce final absolument magnifique ressemblant trait pour trait au réalisme poétique d'alors (un paradoxe quand on sait que le réalisateur s'est toujours démarqué de tout mouvement artistique). Reste une légère déception au regard des films découverts du réalisateur en raison d'un récit très daté, très rigide et sans grandes émotions et ce malgré comme dit précédemment, une poignée d'images de toute beauté.
Le Pacha (Georges Lautner)
Ça doit bien faire la dixième fois que je revois
Le Pacha sans pour autant m'en lasser. Avec le temps et ces multiples visionnages le film s'est même bonifié.
Le Pacha, en plus d'être très drôle (Audiard est très en verve pour ce film-ci) est dans un même temps un formidable morceau de polar à la française avec ses codes, sa violence mais aussi ses images ultra soignées pour mieux rendre ces histoires de truands légendaires. Car Lautner, loin d'être (ou en plus d'être) le simple amuseur publique est aussi un excellent metteur en scène, soignant aussi bien la direction d'acteur que son cadre et son image. Il n'y a qu'à regarder le soin apporté dans
Le Pacha au décors, à cet atmosphère hivernal, à la structure de cette police moderne et au traitement de Gabin qui filmé énormément en contre plongée ou par des effets (ombres, hors-champ) prends une stature imposante et est aussi fascinant qu'intimidant voir inquiétant (ça m'a rappelé le traitement de Robert Mitchum dans
The Yakuza, un film qui partage beaucoup d’élément avec le film de Lautner, je trouve, notamment dans la mise en scène d'un homme perdu dans un décors qui le dépasse et obnubilé par son désir de vengeance). Le discours du
Pacha ne se limite pas lui non plus comme un pur produit du samedi soir, le réalisateur mets en parallèle une police intrusive, omniprésente, à la pointe de la technologie et la brutalité, la violence et la radicalité de leur pratique de la justice. Certes Lautner n'est pas un cinéaste politique en tant que tel, mais nombre de ses films (et
La Pacha en fait partie), développe en arrière plan une vision de l'hypocrisie française où la vengeance est discutée entre deux sandwichs (cf. les dialogues entre Gabin et son supérieur, des échanges amicaux à souhait alors que le sujet abordé de s'y prête pas). De plus, il y a dans le film un jeu avec la thématique de l'image qui à l'instar de celle kaléidoscopique de la boite psychédélique où travaille Dany Carrel est affaire de reflets, d'inversions et de multiplications. Pousse est le reflet de Gabin, des truands sont affichés, punaisés, multipliés et forment un poster où seul leurs visages est visible (donc on expurge toute forme d'humanité), les caméras de surveillance sont constamment utilisées, les flash backs aussi et l'image nostalgique d'une époque révolue conduit les personnages à rejeter l'époque actuel (on déchire l'image moderne pour mieux sublimer celle d'hier, comme ne cesse de le faire Gabin dans le film). Si Melville mythifiait ses personnages pour mieux pour les intemporaliser, Lautner inscrit son film en 1968, avec son esthétique et son idéologie partagée entre un mai 68 en germe et les restes de la IVeme république.
Après j'intellectualise peut être à outrance un film qui se regarde essentiellement pour son aspect plaisant (et plaisant il l'est sacrement). Inutile de préciser que l’ensemble du casting est aux petits oignons ou que la musique de Gainsbourg est terrible. Un petit classique à mes yeux.