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Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 14 nov. 11, 16:42
par hellrick
LA CHAMBRE ARDENTE

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Enfin vu cette adaptation d'un des plus fameux romans de John Dickson Carr! C'est un film plaisant mais qui souffre quand même de faiblesses, entre autre au niveau de l'atmosphère, qui n'est jamais vraiment inquiétante ou mystérieuse. Si le scénario reste fidèle au roman il atténue (sans les évacuer) les "impossibilités" du roman, ça doit être l'influence pernicieuse du cartésianisme français. Le meurtre en chambre close est présenté de manière quasi banal, sans insister sur son caractère apparemment incroyable. Et la fin ambigüe qui laisse finalement le choix entre le rationnel et le fantastique (unique dans toute la bibliographie de Carr) est remplacée par un final très rationnel auquel une dernière réplique ajoute un petit doute de manière purement gratuite. Quel dommage que la Hammer n'ait pas adapté un tel récit même si le film, avec ses défauts, se regarde sans déplaisir. Mais je pense qu'il y avait moyen de faire bien mieux avec ce fascinant roman :|

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 14 nov. 11, 16:52
par Lord Henry
Je ressors mon avis, juste pour souligner que le plus intéressant du film est précisément ce qui échappe à l'intrigue policière;
Lord Henry a écrit :La Chambre Ardente (1962)

Deux frères (Jean-Claude Brialy et Claude Rich) se retrouvent dans le château bavarois de leur oncle féru de sorcellerie, impatients de recueillir l'héritage du vieil homme depuis longtemps malade. Les accompagne un couple d'amis dont l'épouse (Edith Scob) s'avère descendre de la légendaire empoisonneuse la Brinvilliers, condamnée au bûcher deux siècles auparavant par l'ancêtre même du vieillard chancelant. Puis, par une nuit de bal masqué, ce dernier vient à mourir mystérieusement.

Je ne suis pas certain que les amateurs des énigmes en chambre close de John Dickson Carr trouveront leur compte dans cette adaptation signée Charles Spaak et Julien Duvivier, mais je ne suis pas certain non plus que les intéressés s'en soient réellement souciés.
La Chambre Ardente est une oeuvre troublante en ce qu'elle invite le spectateur à suivre deux chemins qui, depuis le même point d'origine, s'écartent irrémédiablement l'un de l'autre sans offrir la certitude d'une destination clairement dessinée.
L'intrigue criminelle se réduit vite à un simple artifice par lequel le réalisateur peut donner libre cours à son pessimisme coutumier quant à la nature humaine. Chaque personnage recèle une part d'ombre que les évènements mettent en lumière, en dépit parfois de ses propres efforts pour se voiler la face sur lui-même.
Duvivier s'efforce à marier ce naturalisme psychologique cruel aux couleurs du Fantastique, mais si sa maîtrise technique trouve à s'épanouir dans ce dernier, l'émulsion en revanche ne prend pas véritablement. Et le film passe d'un registre à l'autre en quête d'un point d'équilibre qui sans cesse lui échappe.

Mais ce film en cache un autre, qui se dévoile en s'attachant plus particulièrement aux tourments de Marie d'Aubray Boissand, la lointaine descendante de la Brinvilliers. Le réalisateur et son scénariste l'affranchissent des conventions du drame policier, et la laissent suivre son chemin, hantée par son ascendance comme par une malédiction qui semble prendre possession de son âme torturée. Guidée par une main compatissante, elle ne connaîtra la délivrance qu'en se penchant au-dessus de son abîme intérieur. Cet autre film, Duvivier lui a réservé le meilleur de sa mise en scène; plastiquement remarquable, il fait toute l'originalité et l'attrait de La Chambre Ardente , même si, par là-même, il en souligne les imperfections.

Ultime pirouette, les auteurs se refusent à gratifier le spectateur d'une rassurante résolution finale et préfèrent prolonger l'ambiguïté et l'incertitude par-delà le mot "Fin".

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 14 nov. 11, 19:07
par Strum
Beule a écrit :Et il y a surtout cette confession off par Lydecker qui enserre le récit, pour ne rien spolier, dans un autre plan. Qui distille au film sa dimension proprement hantée et qui justifie rétrospectivement les parti-pris du dispositif de mise en scène, trouble mais glacée, de Preminger. Comme une image miroir à la persona du narrateur en quelque sorte.
Bon retour, si retour il y a ! :) Ce que tu dis est vrai, mais Lydecker m'a justement paru manquer de l'envergure et du charisme nécessaires pour que son sort, et partant, le sort du film, me touchent réellement. L'incarnation sèche et légèrement pincée qu'en donne Clifton Webb, où les failles ne se voient qu'à la toute fin du film, soit un peu tard, ont achevé de me rendre le personnage trop distant pour qu'il m'intéresse vraiment. Mais mes réticences n'ont guère d'importance. Laura reste un film mythique.

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 14 nov. 11, 20:46
par Watkinssien
Père Jules a écrit :
Watkinssien a écrit :Pour moi, Laura reste l'un des plus grands chefs-d'oeuvre des années 40... :)
Avec The Ghost and Mrs. Muir et deux ou trois Powell/Pressburger. Oui, assurément ;)
Oui et Citizen Kane, Casablanca, Les chaussons rouges, Le Corbeau, La Belle et la Bête, Le faucon maltais, To be or not to be, La vie est belle, L'enfer est à lui, Hamlet, etc... :mrgreen:

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 15 nov. 11, 15:19
par monk
Merci à tous pour vos réactions face à ma perception de Laura !
Rick Blaine à propos du coté légèrement fantastique du film a écrit :Il y a Dana Andrews qui tombe amoureux d'une image quoi...
C'est un point important du film, que je n'ai pas du tout ressenti. Si Lydecker ne le verbalisait pas, je n'aurais rien remarqué. McPhersen n'exprime rien, ne change pas, il avance dans le film aussi distant que ce que j'étais.
On pourrait me parler d'obsession dans son cas, mais j'ai juste trouvé que c'était un gars qui faisait bien son boulot, rien de plus. Il est très attaché à l'affaire, pour moi, plus parce que tout le monde ment ostensiblement et qu'il veut épingler le coupable, que parce que des sentiments pour la victime naissent en lui.
Et puis on est quand même très loin du contexte de réalisme social dans lequel s'ancre habituellement le film noir, surtout à la Fox.
Je ne sais pas (encore) si c'est ce qui m'a gêné. Peut être est ce le cas, je le découvrirais au fur et à mesure de ma découverte du genre. Mais je pense qu'on peut faire un histoire interessante avec des gens de la haute sans appliquer une distanciation presque abusive. Les riches aussi doivent bien ressentir des émotions :uhuh:
Beule a écrit :Cela étant, si c'est la froideur de ton qui te rebute ici, Monk, il y a fort à parier que tu trouveras rarement ton compte chez Preminger. Car le pouvoir hypnotique que peut recéler ses films s'exprime presque toujours à travers un prisme tenant à distance le spectateur.
On verra bien ! J'ai d'autres Preminger au programme et je les verrais quoi qu'il en soit. Je recroiserais donc Andrews et Tierney sans crainte. Là aussi, je verrais bien ce qu'il adviendra. Je veux voir les films de toute façon.
Mais il fort possible que, comme pour le Western, je préfère les films secs et immersifs.

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 15 nov. 11, 16:30
par cinephage
monk a écrit :Merci à tous pour vos réactions face à ma perception de Laura !
Rick Blaine à propos du coté légèrement fantastique du film a écrit :Il y a Dana Andrews qui tombe amoureux d'une image quoi...
C'est un point important du film, que je n'ai pas du tout ressenti. Si Lydecker ne le verbalisait pas, je n'aurais rien remarqué. McPhersen n'exprime rien, ne change pas, il avance dans le film aussi distant que ce que j'étais.
On pourrait me parler d'obsession dans son cas, mais j'ai juste trouvé que c'était un gars qui faisait bien son boulot, rien de plus. Il est très attaché à l'affaire, pour moi, plus parce que tout le monde ment ostensiblement et qu'il veut épingler le coupable, que parce que des sentiments pour la victime naissent en lui.
A ce sujet, j'avais rédigé dans les quinzaines thématiques le passage suivant, qui résume un peu mon interprétation des faits, assez en phase avec celle de Rick.
Spoiler (cliquez pour afficher)
cinephage a écrit :Sur un schéma analogue, mais encore plus accentué, Laura d'Otto Preminger, joue avec ampleur de la magie du portrait : évoquée maintes fois, décrite, racontée, représentée par un portrait surplombant les protagonistes, Laura, crue morte, devient fantôme... Elle se met à hanter le lieutenant McPherson, qui en tombe amoureux... Alors seulement, après tous ces rituels d'invocation, le portrait peut « prendre vie », et Laura surgit des morts.
Pour moi, il y a une réelle connotation fantastique (sans fondement réel, on est d'accord, juste dans l'ambiance) au film. Ce qui correspond à une certaine froideur dans les personalités, dans les dialogues. Je regrette juste que ça ne t'aie pas convaincu, mais Preminger a fait plein d'autres choses (et mon premier Preminger avait été le docteur Korvo, qui m'avait alors assez déplu, là aussi en raison d'un fantastique en demi-teinte, qu'il m'a fallu du temps pour finalement apprécier).

Pour ma part, je te suggèrerais Anatomie d'un meurtre, qui est un autre classique aux qualités reconnues, beaucoup plus rationnel, même si les fantasmes habitent toujours un peu le cinéma de Preminger, et qui te conviendra peut-être mieux. :wink:

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 15 nov. 11, 16:39
par monk
Il est au programme, avec Un Si Doux Visage et L'homme au Bras D'Or.

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 15 nov. 11, 16:41
par Rick Blaine
cinephage a écrit : A ce sujet, j'avais rédigé dans les quinzaines thématiques le passage suivant, qui résume un peu mon interprétation des faits, assez en phase avec celle de Rick.
Spoiler (cliquez pour afficher)
cinephage a écrit :Sur un schéma analogue, mais encore plus accentué, Laura d'Otto Preminger, joue avec ampleur de la magie du portrait : évoquée maintes fois, décrite, racontée, représentée par un portrait surplombant les protagonistes, Laura, crue morte, devient fantôme... Elle se met à hanter le lieutenant McPherson, qui en tombe amoureux... Alors seulement, après tous ces rituels d'invocation, le portrait peut « prendre vie », et Laura surgit des morts.
Pour moi, il y a une réelle connotation fantastique (sans fondement réel, on est d'accord, juste dans l'ambiance) au film. Ce qui correspond à une certaine froideur dans les personalités, dans les dialogues.
C'est exactement ce à quoi je pensais en parlant de fantastique. :wink: Merci Cinéphage d'avoir écrit clairement ce que je pensais; :mrgreen:
monk a écrit :Il est au programme, avec Un Si Doux Visage et L'homme au Bras D'Or.
Tu vas donc aller vers des atmosphères qui ne seront pas exactement celles de Laura. Ce qui correspond le mieux à ton cycle film noir, c'est Un Si Doux Visage (les autres n'y appartiennent pas vraiment), qui est un noir plus classique.
Si tu peux jette aussi un œil à Mark Dixon. (je l'ai déjà dit plus haut, mais comme c'est un de mes noirs préférés, j'insiste! :mrgreen: :wink: )

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 15 nov. 11, 17:05
par monk
Allez, wishlisté, j'ai pas peur :wink:

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 15 nov. 11, 17:07
par Père Jules
hellrick a écrit :LA CHAMBRE ARDENTE
Tu l'as vu par quel biais ?

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 15 nov. 11, 17:21
par riqueuniee
J'aimerais bien savoir aussi, le film m'intéresse. Apparemment il n'est pas disponible en DVD, du moins en France. Il l'est par contre en VOD.

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 15 nov. 11, 20:18
par hellrick
Hello, pour la chambre ardente, mp à vous deux (et à ceux que ça intéresse :wink: )

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 16 nov. 11, 15:09
par julien
Pas la peine, on a déjà trouvé. Mais merci quand même.

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 16 nov. 11, 16:50
par popcyril
monk a écrit :Il est au programme, avec Un Si Doux Visage et L'homme au Bras D'Or.
Un Si Doux Visage est l'un de mes préférés. En revanche l'Homme au Bras d'Or, ça fait partie de ces films que j'ai trouvé un peu datés, un peu comme Le Poison (The Lost Weekend), sur un sujet proche.

Il se trouve que, s'agissant de Preminger, et dans un style assez différent, je viens de revoir "Advise and Consent" (Tempête à Washington), que je recommande plus que chaudement. Je me suis surpris plus d'une fois à penser à la série The West Wing (A la Maison Blanche).

Re: Notez les films naphtas - Novembre 2011

Publié : 18 nov. 11, 22:10
par Federico
popcyril a écrit :Il se trouve que, s'agissant de Preminger, et dans un style assez différent, je viens de revoir "Advise and Consent" (Tempête à Washington), que je recommande plus que chaudement.
Un très grand film, impitoyable et sublimement filmé/monté/interprété (l'insurpassable Charles Laughton en tête). Je vois peu de films rendant aussi passionnantes les arcanes de la politique américaine et la complexité de ses rouages. A part peut-être le remarquable docu State legislature de Frederick Wiseman.