monfilm a écrit :cinephage a écrit :
Sans cet appui, il est effectivement probable qu'un film au budget promo équivalent ou légèrement inférieur aie eu droit à tous ces prix. Comme en politique, le budget com fait partie du jeu, et reste un facteur déterminant. La qualité du poulain est néanmoins un atout, c'est plus facile de vendre un bon produit qu'un mauvais. Cela dit, 12 millions de dollars, ce n'est pas délirant, pour une campagne des oscars. On voit régulièrement des budgets tournant autour des 20...
Donc penses-tu toi aussi que ces prix sont à relativiser? Un peu comme pour le sport pro où l'esprit même du sport disparait au profit d'un montage financier pour remporter des victoires. A talent égal tout dépendra de qui vous soutient, vous achète pour remporter ces courses aux trophées. Trophées qui pour moi ne représentent plus grand chose de concret artistiquement parlant, puisque les votants semblent sous des influences qui n'ont rien à voir avec leurs goûts personnels. En tous cas j'en ai cette vision encore un peu plus après ce triomphe préparé de longue date.
Ces prix sont forcément à relativiser. Les votants choisissent quand même le film qu'ils veulent, évidemment, on n'achète pas les votes au premier degré. Mais les votants n'ont pas le temps, ou l'envie, de voir tous les films, et quand le réalisateur ou des stars se déplacent pour discuter du film après une projection, autour d'un verre, le votant moyen s'en souviendra avec indulgence. De même si la presse lui rappelle constamment l'existence du film, et qu'on en fait le film dont tout le monde parle.
Mais il n'y a pas un unique facteur, et la campagne de
The Artist n'a pas été plus couteuse que celle de ses rivaux (au total, selon la presse, les dépenses globales pour les oscars se montent à 100 millions de dollars). En revanche, au niveau qualitatif, Weinstein est un excellent communiquant, meilleur que beaucoup. Enfin, la meilleure pub du monde ne vendra pas un film que ses spectateurs n'apprécient pas. Car il faut aussi rappeler que quand Weinstein juge qu'il n'a pas de "bon film" pour les oscars, il ne tente pas la course : il faut à la base un bon produit, avant de déployer une grosse force de vente autour (c'est d'ailleurs un reproche souvent fait aux gros studios, qui dépensent une fortune chaque année, quel que soit leur poulain).
Un prix, ça veut bien dire quelque chose. Mais ce n'est pas un absolu, ça dépend de beaucoup de facteurs, dont le mérite des nominés. Mais c'est vrai que ce n'est pas le seul.
Plusieurs ouvrages analysent ce basculement des oscars sur un mode électoral façon présidentielle (que Weinstein a été le premier à mettre en place, il y a 12 ans, justement pour Shakespeare in Love, mais qui s'est généralisé). Il y a le Biskind, mais j'ai été encore plus emballé par un livre de Nicole Laporte sur Dreamworks "The men who would be kings". Miramax est vu du coté de Dreamworks (Ryan était en face de Shakespeare, je crois), et l'évolution est logique et compréhensible.
Pour Weinstein, le prix n'a qu'une importance relative, mais en gagnant des oscars, il élargit sensiblement la base des spectateurs de son film : spécialisé dans des films "indépendants" avec des perspectives de 30 millions de dollars au Box-Office, il a pu les pousser, oscars aidant, à des recettes frisant les 200 millions. Il ne peut le faire qu'avec des films qui ont des qualités (sauf, au départ, quand il fut le seul à investir massivement dans ce type de campagnes, mais ça date, à présent, tout le monde fait pareil, avec plus ou moins de talent).
Décrocher ces prix a aussi le mérite de sortir des films "d'auteur" de l'ornière, et de toucher un plus large public. Il y a aussi des aspects vertueux à cette tendance.