Une nouvelle fois, je n'accroche pas du tout à un western de John Ford; de celui là, j'en attendais bcp en rapport à ce que j'en avais lu.
Le film pourtant possède de grandes qualités: un scénario d'une grande richesse thématique, questionnant l'edification de la société américaine à travers ses mythes et l'ambivalente relation entre l'usage de la Force et celle de la Justice. Le film montre comment l'histoire du Far West s'est construite sur une mythologie magnifiée, releguant dans l'ombre une réalité parfois cruelle. Enfin, il montre le passage d'une société (?) fondée sur la loi du plus fort à une société fondée sur l'idéal de Justice, où les aventuriers laissent la place aux politiciens.
Il faut dire que le premier quart d'heure me laissait augurer le meilleur (avec un très beau moment d'émotion avec la visite de la ferme de Doniphon).
Et John Wayne trouve un de ses plus beau rôle (son véritable et unique portrait de looser), donnant à son jeu un naturel et une intensité magnifique.
Pourtant, plusieurs éléments m'ont empêché d'adhérer:
- l'inadéquation entre James Stewart et le personnage qu'il est censé interpréter. A aucun moment, je l'ai trouvé crédible dans son personnage de jeune avocat idéaliste (alors qu'il avait plus de 50 ans lorsqu'il a tourné ce film et qu'il les fait bel et bien)
- le jeu un peu outré de quelques comédiens: Stewart par moment horripilant, Edmond O'Brien qui cabotine, Andy Devine en shérif trouillard rigolo caricatural ou John Carradine en politicien.
Cependant, le manque d'intérêt que j'ai eu pour ce film relève plutôt de ma difficulté d'apprécier le style et l'univers de John Ford dans le cadre westernien (et uniquement westernien). La bonhomie de ses personnages, son humanisme fondé sur les notions d'honneur, de famille, de collectivité, de Patrie ne sont pas les thèmes qui m'intéressent dans ce genre. Autant ils me passionnent dans le cadre de la Depression, dans l'Irlande en Technicolor de
l'Homme Tranquille ou dans la chronique contemporaine, autant dans le cadre de l'Ouest ils me laissent de marbre et encore plus lorsqu'ils sont traités dans le cadre de la Cavalerie.
Et la truculence des différents personnages, l'humour de certaines séquences ont eu tendance à annihiler l'approche nostalgique, crépusculaire voire désenchanté de
l'Homme qui tua Liberty Valance.
Autant je prend un plaisir fou à regarder une comédie fordienne (
Judge Priest, L'homme tranquille, Quand se lève la lune et le superbe segment du train en retard), autant j'ai du mal quand ce style est mélangé avec le pessimisme du propos (idem pour
The seachers). Les scènes de beuverie avec le journaliste interprété par O'Brien, les séquences de l'élection et du débat politicien m'ont fortement gêné de part leur approche humoristique.
Pourtant, la photographie en noir et blanc de William Clothier est sublime et la composition des plans composé par Ford (les scénes de groupe en particulier) sont admirables. Je considère Ford comme un véritable génie de l'image mais voilà, c'est la manière dont l'intrigue est construite qui me gêne.
Encore un film à qui je donnerai une seconde chance (et même plus si nécessaire...)même si je doute que je change d'avis. Peut-être en vieilissant (mûrissant?)...