Sidney Franklin (1893-1972)
Publié : 6 juil. 10, 12:37
Sidney Franklin (1893-1972) a eu plusieurs cordes à son arc : acteur, scénariste, réalisateur et producteur (pour la firme au lion).
J'ai réalisé il y a peu que j'avais systématiquement adoré TOUS les films qu'il avait signés et qu'en plus ses productions, qui ont toutes un air de famille, ont enchanté mes premières années de cinéphilie.
Deux axes structurent sa double carrière :
D'abord il fut le réalisateur attitré de quelques actrices chics, drôles et glam' des années 20 : Marion Davies, Norma Shearer et surtout Constance Talmadge qu'il accompagne dans une multitude de films. Il semble donc s'être spécialisé dans des comédies adultes, littéraires parfois (il adapte Coward ou Barry et par deux fois illustre joliment une vie d'Elisabeth Barrett), intelligentes toujours. Ces films, au rythme parfait, sont toujours des hommages à la féminité et aux relations amoureuses, ce qui explique l'abondance des gros plans flatteurs et la mise en valeur non seulement des acteurs physiquement, mais aussi de leur jeu. Se mettre au service des interprètes ne signifie jamais qu'il abandonne le fil de son intrigue (ce qu'on peut reprocher à un Sam Wood par exemple). Mais ce qui ressort avant tout c'est la parfaite élégance de sa mise en scène, toujours fluide, gracieuse, flatteuse pour l'oeil et caractérisée par un art subtil de l'ellipse et du sous entendu.
On verra pour s'en convaincre :
Her sister from Paris, avec Colman et Talmadge, une délicieuse réussite sur une thème qu'il semble affectionner, celui du l'époux/l'épouse/la fiancée négligé(e) qui se déguise pour séduire à nouveau son conjoint (dans ce film Constance Talmadge se fait passer pour sa soeur jumelle, dans Quality Street Marion Davies devient sa propre nièce, dans The Guardsman "the actor" se transforme en cosaque pour tester la fidélité de sa femme). Tout le film est drôle, mondain, charmant et toujours tendre (c'est également caractéristique du réalisateur, moraliste, mais jamais moralisateur. Les très derniers beaux plans de Her Sister ou de The Guardsman, presque identiques, sont très émouvants et frappent par l'amour qui s'en dégage). Le film, comme toujours sous sa direction d'acteurs, est excellement joué et Talmadge est hilarante.
The Guardsman avec le couple mythique Alfred Hunt-Lynn Fontanne (dont l'alchimie est patente). C'est intéressant car ce sont des comédies romantiques, qui n'ont rien de farce et qui n'anoncent pas non plus la screwball, le rythme (séquence comme dialogues) est beaucoup trop équilibré et apaisé pour ça.
Vies privées avec Robert Montgomery et Norma Shearer (mieux connu en France sous le titre "Les Amants terribles"). Encore une fois Franklin utilise modestement la grande machine MGM et le film n'a rien de spectaculaire visuellement, tout en respirant un certain luxe, qui est celui dans lequel évolue les protagonistes.
Je n'ai pas encore vu Her night of romance, l'autre redécouverte du DVD consacré par Kino à Constance Talmadge.
L'autre clef de la production de Franklin est à trouver du côté de ses productions. On sent qu'il a eu une influence importante sur ces films, qui partagent un certain nombre de caractéristiques avec ses réalisations et qui sont devenues systématiques dans un certain cinéma de prestige MGM. D'ailleurs dans Her sister on reconnait déjà cette photo très soignée, soyeuse, peu contrastée et privilégiant le gris perle, qui deviendra systématique dans ce cinéma. Les films auxquels il est associé montrent que Mayer le considérait comme un homme de "bon goût", anglophile, sentimental sans doute aussi, capable d'éblouir le spectateur par un choix adéquat de costumes, de décors, de stars ... (La valse de l'adieu, Madame Curie, Prisonniers du passé, Mrs Miniver et sa suite, Les blanches falaises du Douvres... ). Comme il avait accompagné Shearer et Talmadge, il est associé désormais à Greer Garson (il a également beaucoup travaillé sur Au revoir, Mr Chips).
En se replongeant dans sa filmographie du début du parlant on retrouve des prémisses de cette tendance.
La deuxième version de Chagrin d'amour (avec Howard et Shearer) - il avait réalisé la première version avec Norma Talmadge est un excellent exemple du faux style anglais de la MGM et exploite à nouveau le thème du double, sur un mode beaucoup plus tragique et sentimental.
Les Barrett de Wimpole Street (avec March et Shearer) ajoute une touche victorienne, parfaitement assumée, dans le ton du film, mais aussi dans son visuel, riche sans ostentation. Shearer est filmée comme une poupée en porcelaine. Le film sera repris par le même réalisateur, 20 ans plus tard, avec Jennifer Jones, un peu moins idéale dans le rôle. Mais Franklin se plait à retraiter le même sujet dans des décors qui ne sont plus de studio et lui semblent plus authentique (de la même manière il se rejouira de la touche plus réellement anglaise de The Miniver story par rapport à Mrs Miniver tourné intégralement aux USA). On notera que son utilisation de la couleur reste discrète et confortable et privilégie les pastels, ce qui est dans la continité de son travail en Noir et Blanc.
L'ange des ténèbres (avec March et Oberon) est une production Goldwyn, lequel voulait manifestement un réalisateur susceptible d'apporter le degré de romantisme et "d'anglicité" nécessaire au sujet. J'ai vu le film dans une mauvaise copie française, mais je garde un très beau souvenir de l'ambiance "feu de cheminée" (comme dans Chagrin d'amour qui est visiblement la source d'inspiration du scénario) et de la direction d'acteurs (Oberon est sublime).
Au milieu de tout cela Visage d'Orient (avec Muni et Rainer), a priori éloigné de son univers, prouve que Franklin était capable de réaliser de fantastiques super productions (les effets spéciaux et les mouvements de foule sont inoubliables), en gardant son caractère, perceptible dans la délicatesse de touche, la beauté sereine de certaines séquences, la subtilité de l'interprétation, la plasticité de la réalisation.
J'ai réalisé il y a peu que j'avais systématiquement adoré TOUS les films qu'il avait signés et qu'en plus ses productions, qui ont toutes un air de famille, ont enchanté mes premières années de cinéphilie.
Deux axes structurent sa double carrière :
D'abord il fut le réalisateur attitré de quelques actrices chics, drôles et glam' des années 20 : Marion Davies, Norma Shearer et surtout Constance Talmadge qu'il accompagne dans une multitude de films. Il semble donc s'être spécialisé dans des comédies adultes, littéraires parfois (il adapte Coward ou Barry et par deux fois illustre joliment une vie d'Elisabeth Barrett), intelligentes toujours. Ces films, au rythme parfait, sont toujours des hommages à la féminité et aux relations amoureuses, ce qui explique l'abondance des gros plans flatteurs et la mise en valeur non seulement des acteurs physiquement, mais aussi de leur jeu. Se mettre au service des interprètes ne signifie jamais qu'il abandonne le fil de son intrigue (ce qu'on peut reprocher à un Sam Wood par exemple). Mais ce qui ressort avant tout c'est la parfaite élégance de sa mise en scène, toujours fluide, gracieuse, flatteuse pour l'oeil et caractérisée par un art subtil de l'ellipse et du sous entendu.
On verra pour s'en convaincre :
Her sister from Paris, avec Colman et Talmadge, une délicieuse réussite sur une thème qu'il semble affectionner, celui du l'époux/l'épouse/la fiancée négligé(e) qui se déguise pour séduire à nouveau son conjoint (dans ce film Constance Talmadge se fait passer pour sa soeur jumelle, dans Quality Street Marion Davies devient sa propre nièce, dans The Guardsman "the actor" se transforme en cosaque pour tester la fidélité de sa femme). Tout le film est drôle, mondain, charmant et toujours tendre (c'est également caractéristique du réalisateur, moraliste, mais jamais moralisateur. Les très derniers beaux plans de Her Sister ou de The Guardsman, presque identiques, sont très émouvants et frappent par l'amour qui s'en dégage). Le film, comme toujours sous sa direction d'acteurs, est excellement joué et Talmadge est hilarante.
The Guardsman avec le couple mythique Alfred Hunt-Lynn Fontanne (dont l'alchimie est patente). C'est intéressant car ce sont des comédies romantiques, qui n'ont rien de farce et qui n'anoncent pas non plus la screwball, le rythme (séquence comme dialogues) est beaucoup trop équilibré et apaisé pour ça.
Vies privées avec Robert Montgomery et Norma Shearer (mieux connu en France sous le titre "Les Amants terribles"). Encore une fois Franklin utilise modestement la grande machine MGM et le film n'a rien de spectaculaire visuellement, tout en respirant un certain luxe, qui est celui dans lequel évolue les protagonistes.
Je n'ai pas encore vu Her night of romance, l'autre redécouverte du DVD consacré par Kino à Constance Talmadge.
L'autre clef de la production de Franklin est à trouver du côté de ses productions. On sent qu'il a eu une influence importante sur ces films, qui partagent un certain nombre de caractéristiques avec ses réalisations et qui sont devenues systématiques dans un certain cinéma de prestige MGM. D'ailleurs dans Her sister on reconnait déjà cette photo très soignée, soyeuse, peu contrastée et privilégiant le gris perle, qui deviendra systématique dans ce cinéma. Les films auxquels il est associé montrent que Mayer le considérait comme un homme de "bon goût", anglophile, sentimental sans doute aussi, capable d'éblouir le spectateur par un choix adéquat de costumes, de décors, de stars ... (La valse de l'adieu, Madame Curie, Prisonniers du passé, Mrs Miniver et sa suite, Les blanches falaises du Douvres... ). Comme il avait accompagné Shearer et Talmadge, il est associé désormais à Greer Garson (il a également beaucoup travaillé sur Au revoir, Mr Chips).
En se replongeant dans sa filmographie du début du parlant on retrouve des prémisses de cette tendance.
La deuxième version de Chagrin d'amour (avec Howard et Shearer) - il avait réalisé la première version avec Norma Talmadge est un excellent exemple du faux style anglais de la MGM et exploite à nouveau le thème du double, sur un mode beaucoup plus tragique et sentimental.
Les Barrett de Wimpole Street (avec March et Shearer) ajoute une touche victorienne, parfaitement assumée, dans le ton du film, mais aussi dans son visuel, riche sans ostentation. Shearer est filmée comme une poupée en porcelaine. Le film sera repris par le même réalisateur, 20 ans plus tard, avec Jennifer Jones, un peu moins idéale dans le rôle. Mais Franklin se plait à retraiter le même sujet dans des décors qui ne sont plus de studio et lui semblent plus authentique (de la même manière il se rejouira de la touche plus réellement anglaise de The Miniver story par rapport à Mrs Miniver tourné intégralement aux USA). On notera que son utilisation de la couleur reste discrète et confortable et privilégie les pastels, ce qui est dans la continité de son travail en Noir et Blanc.
L'ange des ténèbres (avec March et Oberon) est une production Goldwyn, lequel voulait manifestement un réalisateur susceptible d'apporter le degré de romantisme et "d'anglicité" nécessaire au sujet. J'ai vu le film dans une mauvaise copie française, mais je garde un très beau souvenir de l'ambiance "feu de cheminée" (comme dans Chagrin d'amour qui est visiblement la source d'inspiration du scénario) et de la direction d'acteurs (Oberon est sublime).
Au milieu de tout cela Visage d'Orient (avec Muni et Rainer), a priori éloigné de son univers, prouve que Franklin était capable de réaliser de fantastiques super productions (les effets spéciaux et les mouvements de foule sont inoubliables), en gardant son caractère, perceptible dans la délicatesse de touche, la beauté sereine de certaines séquences, la subtilité de l'interprétation, la plasticité de la réalisation.