François Ozon

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés à partir de 1980.

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cinéfile
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Re: François Ozon

Message par cinéfile »

Je suis loin d’être un immense spécialiste du cinéaste, mais il a fait deux films - sortis à 10 mois d’intervalle – qui m’avaient particulièrement enthousiasmé en salles et que j’ai revu ces derniers mois : Dans La Maison et Jeune et Jolie.

J’aime toujours autant !

Dans La Maison me ravit par son goût du jeu avec le spectateur, sa gourmandise (parfois effrontée comme Ozon en a l’habitude), ses références (le pavillon de banlieue de la famille « de classe moyenne » sorti d’une série américaine / film des années 80, décor qu'il réutilisera dans Une Nouvelle Amie – à ce titre, Sitcom était un titre programmatique) et le plaisir qui en découle pour toutes les parties impliquées. J’adore la manière dont il déploie son principe de ricochet et de dédoublement, les miroirs qu’il nous tend constamment : la curiosité de Luchini envers l’histoire qu’on lui raconte est aussi celle du spectateur, ce même Luchini interprète un prof de français soit un rôle qui fait évidemment écho à son personnage public etc. Au fur et à mesure que l'histoire avance, les frontières entre les différentes strates fictionnelles finissent par s’effacer, aspirant les protagonistes dans un précipice à la manière d’un bon thriller. Comme il le fera avec la jeune Isabelle dans le film suivant, Ozon façonne avec Claude (Ernst Umhauer) un personnage diaphane et terriblement séduisant, sur lequel « on » (les autres personnages, les spectateurs) peut facilement projeter ses fantasmes et sa propre imagination, comme le fait le prof d’aileurs. Dix ans après, on peut également mesurer le chemin parcouru par Denis Ménochet dans le paysage du cinéma français. En « femme de la classe moyenne » (quel gimmick génial !), Emmanuelle Seigner resplendit de bout en bout. J’aime personnellement de plus en plus l’actrice, y compris « rétrospectivement » : là où son jeu dans Frantic ou Lune de Fiel pouvait me déranger lors des premières visions, ce n’est plus le cas (je considère le premier comme un chef d’œuvre aujourd’hui). Seules les piques récurrentes envers l’art contemporain semble vraiment trop faciles.

Jeune et Jolie est encore supérieur au précédent, sans peine un de mes films français préféré de la décennie 2010-2020. Tout y est parfait. Ozon fonctionne ici par contournement. Contournement d’un « genre » (le drame psychologique bourgeois à la française) par l’introduction tonitruante d’Isabelle/Marine Vacht, prisme déviant les intentions/rayons qu'on lui projette sur elle et sur laquelle le même "on" de tout à l'heure vient se fracasser pour mieux alimenter la fascination. Le film s’amuse en amenant quelques pistes potentiellement scabreuses (la relation étonnante entre le frère et la sœur*, les scènes où Isabelle croise/aperçoit son beau-père nu – hilarant Frédéric Pierrot dans un rôle d’homme doux et maladroit) qu’il ne dramatise, ne problématise jamais. Là encore c’est le regard des autres qui juge (la mère/Géraldine Pailhas), Ozon lui semble nous conseiller de faire un pas de côté, d’éviter le jugement facile, les clichés psys à deux euros (excellente scène de "confrontation" entre Isabelle et un praticien). De ce point de vue, je trouve le film particulièrement sain, apaisé, et en même temps, magistral par sa forme et par le souffle de cinéma qui l’habite. Le tout en moins d’une heure et demi. En un mot : c’est beau.

*ce plan, mais bon dieu ce plan :
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Le thème musical me hante également :
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Pour le reste de la filmo de Ozon (très succinctement) :
Sous le Sable : bon souvenir général, plan final magnifique
Swimming Pool : beaucoup aimé, même générosité et goût du jeu que Dans La Maison par ex
Le Temps qui Reste : très peu de souvenirs
Une Nouvelle Amie : bien, je garde en mémoire la séquence d'ouverture
L'Amant Double : Naufrage complet, gênant, rien ne fonctionne là où tout fonctionnait pour d'autres films du réalisateur sur le plan du jeu des références et de l'effronterie
Grâce à Dieu : je dois être la seule personne à ne pas avoir aimé ce film, sujet important et inattaquable évidemment, mais j'avais trouvé le choix de la forme ultra balourd, exagérément didactique, artificiel etc

Pas vu le reste (ou quelques bribes). Huit Femmes ou Potiche ne m'ont jamais attiré, mais des titres bien moins connus ou célébrés comme Ricky me tentent plus a priori.
Dernière modification par cinéfile le 29 sept. 22, 20:36, modifié 3 fois.
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Re: François Ozon

Message par Lohmann »

cinéfile a écrit : 29 sept. 22, 20:27 Grâce à Dieu : je dois être la seule personne à ne pas avoir aimé ce film, sujet important et inattaquable évidemment, mais j'avais trouvé le choix de la forme ultra balourd, exagérément didactique, artificiel etc
Je te rassure, tu n'es pas seul :D
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Re: François Ozon

Message par cinéfile »

Lohmann a écrit : 29 sept. 22, 20:30
cinéfile a écrit : 29 sept. 22, 20:27 Grâce à Dieu : je dois être la seule personne à ne pas avoir aimé ce film, sujet important et inattaquable évidemment, mais j'avais trouvé le choix de la forme ultra balourd, exagérément didactique, artificiel etc
Je te rassure, tu n'es pas seul :D
Ah ! Comme quoi ;-)

C'était surtout en rapport avec un souvenir du tableau des notes d'Allociné (unanime comme jamais), les commentaires extrêmement laudatifs au moment de la sortie et ceux entendus après la projection (salle pleine comme un œuf) dans mon cinéma etc

Au fond, ce qui m'avait le plus agacé de surcroit dans cette histoire, c'était le "réflexe" - souvent hâtif à chaud comme ça - du "c'est le meilleur film de François Ozon". Incompréhension totale de ma part.
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Supfiction
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Re: François Ozon

Message par Supfiction »

zemat a écrit : 13 mars 23, 14:24 MON CRIME : 7,5/10
Alors que je ne suis pas très amateur d’adaptation cinématographique de pièces de théâtre, ce nouveau François Ozon fut donc une très bonne surprise !! Le rythme est enlevé, les dialogues m’ont paru brillants et souvent drôles, la reconstitution historique de qualité. Mais l’atout principal fut le niveau de l’interprétation : si le duo Nadia Tereszkiewicz & Rebecca Marder est pétillant de malice et vivifiant, je me suis littéralement délecté du jeu des vétérans qui en font des tonnes et sont d’une rare drôlerie !
Oui, j'ai par exemple trouvé Dany Boon très bien. Et je ne suis pas fan de Huppert d'habitude mais là elle est amusante.
En revanche, Luchini tourne mal ces derniers temps et je trouve son jeu de plus en plus caricatural (comme si ses cheveux blancs avaient modifié son jeu sensiblement). Il y a aussi Olivier Broche (ex Deschiens) très bien et que j'ai découvert dans L'avare au théatre il y a deux semaines.
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Re: François Ozon

Message par Shin Cyberlapinou »

Surpris de trouver sur l'affiche le nom de Franck de la Personne, second couteau reconnaissable à ses cheveux roux, qui s'était bien fait tricardiser par la profession suite à son ralliement au RN, avant de se faire de nouveau tricardiser au RN après avoir misé sur Florian Philippot. C'est une pure panouille ou un vrai rôle, même réduit?
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Re: François Ozon

Message par cinephage »

Shin Cyberlapinou a écrit : 13 mars 23, 14:52 Surpris de trouver sur l'affiche le nom de Franck de la Personne, second couteau reconnaissable à ses cheveux roux, qui s'était bien fait tricardiser par la profession suite à son ralliement au RN, avant de se faire de nouveau tricardiser au RN après avoir misé sur Florian Philippot. C'est une pure panouille ou un vrai rôle, même réduit?
Un vrai rôle, même si modeste. Peut-être qu'Ozon n'approuve pas l'éradication d'un comédien pour ses opinions...
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: François Ozon

Message par cinéfile »

Supfiction a écrit : 13 mars 23, 14:43
zemat a écrit : 13 mars 23, 14:24 MON CRIME : 7,5/10
Alors que je ne suis pas très amateur d’adaptation cinématographique de pièces de théâtre, ce nouveau François Ozon fut donc une très bonne surprise !! Le rythme est enlevé, les dialogues m’ont paru brillants et souvent drôles, la reconstitution historique de qualité. Mais l’atout principal fut le niveau de l’interprétation : si le duo Nadia Tereszkiewicz & Rebecca Marder est pétillant de malice et vivifiant, je me suis littéralement délecté du jeu des vétérans qui en font des tonnes et sont d’une rare drôlerie !
Oui, j'ai par exemple trouvé Dany Boon très bien. Et je ne suis pas fan de Huppert d'habitude mais là elle est amusante.
En revanche, Luchini tourne mal ces derniers temps et je trouve son jeu de plus en plus caricatural (comme si ses cheveux blancs avaient modifié son jeu sensiblement). Il y a aussi Olivier Broche (ex Deschiens) très bien et que j'ai découvert dans L'avare au théatre il y a deux semaines.
Tout à fait d'accord ! Boon est une vraie trouvaille de casting (qui plus est dans un rôle à accent, donc plutôt casse gueule sur le papier). Huppert - et son personnage - sont excellents et dynamitent toute la seconde moitié du film qui, dans d'autres circonstances, aurait pu donner des signes de fatigue. Le défilé de vedettes, et ce jusqu'à la moindre figuration ou presque, aurait pu également lasser mais le film s'en sort à merveille. Michel Fau n'est pas en reste lors de la séance du procès. En revanche, il y a quelques ratés : comme toi, Luchini m'a paru relativement pénible (bien que sa scène avec Boon soit finalement une des meilleures), quelques scènes en deçà...

Mais je n'ai pas boudé mon plaisir pour autant.
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Re: François Ozon

Message par Supfiction »

Mon Crime est le meilleur démarrage du cinéaste depuis 2010 avec Potiche (110 000 entrées). Son record reste le 1er jour de 8 Femmes en 2002 (170 000 tickets déchirés).
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