J’aime toujours autant !
Dans La Maison me ravit par son goût du jeu avec le spectateur, sa gourmandise (parfois effrontée comme Ozon en a l’habitude), ses références (le pavillon de banlieue de la famille « de classe moyenne » sorti d’une série américaine / film des années 80, décor qu'il réutilisera dans Une Nouvelle Amie – à ce titre, Sitcom était un titre programmatique) et le plaisir qui en découle pour toutes les parties impliquées. J’adore la manière dont il déploie son principe de ricochet et de dédoublement, les miroirs qu’il nous tend constamment : la curiosité de Luchini envers l’histoire qu’on lui raconte est aussi celle du spectateur, ce même Luchini interprète un prof de français soit un rôle qui fait évidemment écho à son personnage public etc. Au fur et à mesure que l'histoire avance, les frontières entre les différentes strates fictionnelles finissent par s’effacer, aspirant les protagonistes dans un précipice à la manière d’un bon thriller. Comme il le fera avec la jeune Isabelle dans le film suivant, Ozon façonne avec Claude (Ernst Umhauer) un personnage diaphane et terriblement séduisant, sur lequel « on » (les autres personnages, les spectateurs) peut facilement projeter ses fantasmes et sa propre imagination, comme le fait le prof d’aileurs. Dix ans après, on peut également mesurer le chemin parcouru par Denis Ménochet dans le paysage du cinéma français. En « femme de la classe moyenne » (quel gimmick génial !), Emmanuelle Seigner resplendit de bout en bout. J’aime personnellement de plus en plus l’actrice, y compris « rétrospectivement » : là où son jeu dans Frantic ou Lune de Fiel pouvait me déranger lors des premières visions, ce n’est plus le cas (je considère le premier comme un chef d’œuvre aujourd’hui). Seules les piques récurrentes envers l’art contemporain semble vraiment trop faciles.
Jeune et Jolie est encore supérieur au précédent, sans peine un de mes films français préféré de la décennie 2010-2020. Tout y est parfait. Ozon fonctionne ici par contournement. Contournement d’un « genre » (le drame psychologique bourgeois à la française) par l’introduction tonitruante d’Isabelle/Marine Vacht, prisme déviant les intentions/rayons qu'on lui projette sur elle et sur laquelle le même "on" de tout à l'heure vient se fracasser pour mieux alimenter la fascination. Le film s’amuse en amenant quelques pistes potentiellement scabreuses (la relation étonnante entre le frère et la sœur*, les scènes où Isabelle croise/aperçoit son beau-père nu – hilarant Frédéric Pierrot dans un rôle d’homme doux et maladroit) qu’il ne dramatise, ne problématise jamais. Là encore c’est le regard des autres qui juge (la mère/Géraldine Pailhas), Ozon lui semble nous conseiller de faire un pas de côté, d’éviter le jugement facile, les clichés psys à deux euros (excellente scène de "confrontation" entre Isabelle et un praticien). De ce point de vue, je trouve le film particulièrement sain, apaisé, et en même temps, magistral par sa forme et par le souffle de cinéma qui l’habite. Le tout en moins d’une heure et demi. En un mot : c’est beau.
*ce plan, mais bon dieu ce plan :
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Pour le reste de la filmo de Ozon (très succinctement) :
Sous le Sable : bon souvenir général, plan final magnifique
Swimming Pool : beaucoup aimé, même générosité et goût du jeu que Dans La Maison par ex
Le Temps qui Reste : très peu de souvenirs
Une Nouvelle Amie : bien, je garde en mémoire la séquence d'ouverture
L'Amant Double : Naufrage complet, gênant, rien ne fonctionne là où tout fonctionnait pour d'autres films du réalisateur sur le plan du jeu des références et de l'effronterie
Grâce à Dieu : je dois être la seule personne à ne pas avoir aimé ce film, sujet important et inattaquable évidemment, mais j'avais trouvé le choix de la forme ultra balourd, exagérément didactique, artificiel etc
Pas vu le reste (ou quelques bribes). Huit Femmes ou Potiche ne m'ont jamais attiré, mais des titres bien moins connus ou célébrés comme Ricky me tentent plus a priori.