Varsity Show (1937) de William Keighley WARNER
Des étudiants de Winfield font appel à un ancien élève de l'université parti faire fortune à Broadway pour les aider à monter leur spectacle de fin d'année. Mais l'un des doyens supervisant le show souhaite que celui-ci reste 'culturellement correct' et n'acceptera pas de danses ou de chansons de 'sauvages'. Les étudiants vont se 'révolter' en quittant le campus et allant squatter une salle de spectacle new-yorkaise...
Intrigue minimaliste pour un 'Musical estudiantin' comme il en fleurira tant dans les années 30 et 40, le meilleur du genre étant certainement le premier film que réalisera Charles Walters,
Good News. Ici, au milieu d'une intrigue sans grand intérêt, nous avons droit à un prologue assez enlevé, quelques autres bonnes chansons dont '
We're Working Our Way Through College' par Dick Powell et Ted Healy et '
On With the Dance' par Rosemary Lane, deux virtuoses prestations de claquettes par un danseur noir, John William Sublett surnommé Bubbles et un excellent numéro final entièrement dirigé par Busby Berkeley. Le film durait à l'origine 120 minutes et ce n'est pas moins de 40 minutes qui furent ensuite supprimées ; on voit d'ailleurs des extraits de ces scènes dans la bande annonce que l'on trouve sur le DVD. Reste donc 80 minutes sympathiques mais qui, hormis le final typique du chorégraphe américain, ne laisseront certainement pas de grands souvenirs, Dick Powell ayant souvent été beaucoup plus dynamique et plus drôle même si son capital sympathie reste ici intact.
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La Révolte des dieux rouges (Rocky Mountain, 1950) de William Keighley
WARNER
Avec Errol Flynn, Patrice Wymore, Scott Forbes, Guinn « Big boy » Williams, Dickie Jones, Howard Petrie, Slim Pickens, Chubby Johnson...
Scénario : Winston Miller et Alan Le May
Musique : Max Steiner
Photographie : Ted D. McCord
Une production Williams Jacobs pour la Warner
Sortie USA : 11 novembre 1950
Hasard de la distribution,
La Révolte des Dieux Rouges (encore un titre qui ne veut pas dire grand chose par rapport à l'intrigue mais qui a du éveiller la curiosité et les rêves d'aventure de plus d'un jeune cinéphile) pourrait presque être la suite de
Two Flags West de Robert Wise, atterri sur les écrans américains seulement un mois auparavant. Rappelons-nous que le personnage de Joseph Cotten, officier sudiste intégré malgré lui au sein des Tuniques Bleues, avait rencontré lors d'une mission en extérieur, des agents confédérés infiltrés qui préparaient au Texas la destruction du blocus que les yankees avaient mis en place pour que les californiens ne puissent pas prendre part à la guerre civile, coupés des lignes de front par d’innombrables patrouilles de soldats de l’Union. Alors que l’année suivante, en 1865, la Guerre de Sécession est en train de basculer vers une victoire presque certaine de l’Union, le petit groupe de confédérés emmenés par Errol Flynn aurait pu être ce groupuscule d'espions "rebelles" puisque, sur les ordres du général Lee, il cherche à atteindre la Californie pour lever des soldats de fortune prêts à se battre pour une cause quasiment perdue, prêt à prendre les rênes de l'état en le déstabilisant et y délogeant tous les Yankees. Le film de William Keighley (notamment coréalisateur des
Aventures de Robin des Bois avec Michael Curtiz) est basée sur une histoire vraie ; il débute d'ailleurs à l'époque du tournage, une voiture s'arrêtant devant la plaque commémorative située au sein d'un grandiose paysage rocailleux, à l’endroit même de la mort héroïque des huit soldats confédérés tombés au combat face à une centaine d’indiens.

Mai 1865, un petit détachement de la cavalerie confédérée conduit par le capitaine Lafe Barstow (Errol Flynn) pénètre en Californie à plus de 3000 kilomètres de la ligne de front afin de lever de nouvelles troupes. Commissionné par le général Robert E. Lee, ils ont rendez-vous au sommet de Rocky Mountain (aussi nommée Ghost Mountain) avec un certain Cole Smith, chef d'une bande de 500 hommes qui doivent prêter main forte aux sudistes dans une dernière tentative désespérée de sursaut face à des ennemis Yankees sur le point de remporter la guerre ; ils espèrent notamment tenter de prendre le contrôle de cette partie de l'Ouest des Etats-Unis à défaut d'être victorieux du conflit civil qui dure maintenant depuis plus de cinq ans. Mais les choses ne se déroulent pas comme prévues et ils se retrouvent bloqués à la cime de cette montagne par le fait d'avoir voulu protéger une diligence d'une attaque indienne se déroulant sous leurs yeux au milieu de l'immense plaine qu'ils surplombent. Ils arrivent à faire fuir les Peaux-Rouges et à sauver le conducteur (Chubby Johnson) ainsi qu'une jeune femme, Johanna Carter (Patrice Wymore), qui se rendait à la rencontre de son fiancé, un lieutenant unioniste (Scott Forbes). Ils retournent alors se réfugier au sommet de Rocky Mountain où ils se retrouvent obligés de tenir le siège face aux indiens qui ne comptent pas en rester sur un échec. Le lendemain matin, alors que les Soshones semblent vouloir leur laisser un répit, une petite troupe de Nordistes partie à la recherche de Johanna arrive à leur rencontre ; l'homme qui la dirige n'est autre que le futur époux de Johanna. Barstow et ses hommes sont obligés de les faire prisonniers de guerre mais la menace indienne est plus que jamais présente. Cole Smith part chercher du renfort mais arrivera-t-il à temps ?

A les visionner à la suite, il est amusant de constater le grand nombre d'éléments communs entre
Two Flags West et ce
Rocky Mountain. Les personnages interprétés par Joseph Cotten et Errol Flynn étaient tous deux propriétaires d'une plantation qu'ils ont du abandonner suite à "l'invasion" des soldats ennemis ; ils se sont tous deux retrouvés sur les mêmes champs de bataille et il n'est pas impossible qu'ils aient tués, pour l'un le mari de Linda Darnell, pour l'autre le frère de Patrice Wymore, deux femmes qu'ils ont maintenant face à eux et devant qui ils se sentent un peu gênés même si ces dernières ne leur en tiennent pas rigueur, comprenant qu'il s'agissait d'un "cas de force majeure". Malheureusement, il est un autre point commun entre les deux westerns, pas très glorieux celui-ci : ils s'avèrent être l'un comme l'autre très moyens et souvent ennuyeux malgré des potentiels de départ franchement enthousiasmants. Mais si le film de Wise était plus raté que réellement mauvais, celui de Keighley, entre deux superbes séquences d'action qui ouvrent et clôturent le film, ressemble à du mauvais théâtre, nous proposant un huis-clos à ciel ouvert avec répliques sans intérêts, personnages sans reliefs et bavardage intempestif. Car pour qu'un huis-clos reste passionnant de bout en bout, il faut avant tout des protagonistes richement décrits et des dialogues justes ou brillants ; il n'en est rien ici. Certains réalisateurs comme Budd Boetticher réussiront à nous faire aimer leurs personnages par l'intermédiaire de séquences dialoguées à priori banales mais qui feront percer l'humanité sous leur apparente carapace monolithique ; les scénaristes de
Rocky Mountain voulurent faire de même sauf que c'est la facilité qui l'emporte le plus souvent, les anecdotes racontées par les différents personnages la nuit autour du feu de camp n'ayant absolument aucun intérêt, l'émotion n'arrivant presque jamais à affleurer alors qu'il semble que ce soit l'effet recherché. Il faut dire que la direction d'acteur s'avère médiocre et que seul Errol Flynn, malgré la fatigue qui se lit sur son visage grave, arrive à donner un semblant d'épaisseur et de charisme à son personnage d'officier désespéré qui ne vit plus que pour sa mission ("
General Lee dealt the cards; it's up to me to play them now"). Patrice Wymore, qui deviendra sa troisième épouse à l'issu du tournage, est une actrice d'une rare fadeur et hormis le fait de rencontrer Slim Pickens pour la première fois, on ne peut pas dire que le reste du casting brille par sa présence et son talent. S'il est sympathique de retrouver Guinn "Big Boy" Williams aux côtés de son partenaire d'élection, il n'a que peu de temps de présence et semble totalement effacé.

Et pourtant, que ce western débutait bien ! Le générique se déroule sur un thème que Max Steiner a repris d'une autre de ses compositions mais qu'il décline sur un tempo plus lent et sur un ton plus sombre (après ce départ plutôt encourageant, le compositeur s'avèrera malheureusement en très petite forme). La première image qui voit la voiture s'arrêter devant la plaque commémorative et les séquences muettes qui s'ensuivent nous montrant le petit groupe s'avancer au milieu de paysages superbement mis en valeur nous ouvrent l'appétit. Arrivés au sommet de la montagne, le film nous fait découvrir des plans d'ensemble d'une immensité assez impressionnante (rarement nous en avions encore vu de tels excepté chez John Ford notamment dans
Fort Apache et
Wagonmaster). Les plans à travers la longue vue sont assez novateurs et la poursuite de la diligence par les indiens filmée de très très loin, ne nous montrant que des trainées de poussière, est plastiquement superbement réussie. Certains des plans éloignés nous faisant embrasser d'un seul coup d'œil tous les protagonistes du drame à venir ainsi que la tactique d'attaque des indiens m'ont parfois fait penser aux futurs cadrages sur les champs de bataille du
Spartacus de Kubrick ! Autant dire que ce prologue est formidable ! Mais voilà que nos héros décident d'aller aider la diligence à se dépêtrer de cette dangereuse situation. Le montage et le découpage semblent manquer de rigueur mais ça reste encore efficace. Puis la voix-off du personnage joué par Errol Flynn se met à nous présenter ses compagnons alors qu'ils sont en pleine action ; le résultat ne se fait pas attendre : alors que ce devait être le premier climax du film, ça nous le gâche complètement, l'alourdissant considérablement, la force des images étant annihilée par ce commentaire sans intérêt. Quant en plus de ça, le scénariste à décidé en parallèle de nous faire suivre la course d'un chien à la poursuite de son maître sur un thème musical bêta, on déchante immédiatement en se disant que ça se commence sérieusement à se gâter.

Et en effet, s'ensuivra une heure de film franchement ennuyeuse, un huis-clos en plein air où même les scénaristes se verront dans l'obligation de multiplier parfois les points de vue cassant la dramaturgie et nous rendant le film encore plus raté : pourquoi d'un seul coup aller suivre les Nordistes voire même les indiens (ou pire encore, le chien) durant quelques secondes, cassant ainsi l'unité de lieu et d'action ? Une succession de séquences au cours desquelles les protagonistes se confieront entre eux mais pour nous raconter des anecdotes insignifiantes dans le genre de comment apprendre au chien à s'assoir, comment l'un d'eux a amené un plateau repas au Général Lee et autres situations guère plus passionnantes ou totalement conventionnelles. La photographie est en revanche très réussie, assez culottée concernant les nombreuses séquences nocturnes, le chef-opérateur ayant décidé de les rendre très sombre pour un résultat au plus grand réalisme. Ce fut d'ailleurs le premier film de la Warner depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale a être entièrement tourné en dehors des studios, sur les lieux même de l'action ; et c'est plutôt une bonne chose car l'utilisation des décors naturels de Gallup au Nouveau Mexique est sans doute la meilleure chose du film : Keighley et son équipe filment à merveille ses paysages rocailleux assez étonnants, ses immenses rochers à pics, ses falaises impressionnantes, ses pics redoutables.

Beaucoup de mauvaises idées scénaristiques ou de mise en scène qui ont gâché un beau potentiel de départ pour un western finalement routinier qui mérite néanmoins un coup d'œil ne serait-ce que pour la formidable mise en valeur des paysages ainsi que pour les deux séquences d'action d'une belle efficacité. Ce sera la dernière fois que nous rencontrerons Errol Flynn au cours de notre parcours ; dommage que c'ait été pour un film statique et bavard aussi décevant même s'il s'avère plus réussi que le précédent, le médiocre
Montana. L'acteur se révèle pourtant toujours très bon à travers un jeu d'une belle sobriété (c'était Ronald reagan qui avait été prévu au départ, devant donner la réplique à Lauren Bacall qui refusa le rôle avec véhémence). Nous ne croiserons plus non plus le cinéaste William Keighley dont ce fut l'unique incursion dans le genre après avoir été un des hommes à tout faire de la Warner tâtant de tous les genres sans jamais franchement faire d'étincelles. Même si j'ai pu être assez sévère (mais je suis minoritaire concernant ce western), le réalisateur nous laissera néanmoins sur une bonne impression grâce à la séquence de bataille-suicide finale, l'image d'Errol Flynn transpercée de deux flèches dans le dos étant mémorable. Les images qui suivent montrant le régiment nordiste rendant hommage aux soldats ennemis, allant planter un drapeau de la confédération au sommet de la montagne, rattrapent l'ennui que nous avons ressenti durant une bonne partie du film.