Un professeur de latin-grec dans un collège anglais quitte son établissement. Cet homme sévère n'est pas apprécié par ses élèves. Le film évoque les deux derniers jours qu'il passe dans son école. Le cadeau d'un élève de la version Browing d'une traduction grecque lui fait ouvrir les yeux.
Chef d'oeuvre, que dire de plus. Si j'ouvre un topic sur ce film, c'est qu'il mérite bien plus que n'être qu'un film peu connu voire inconnu.
Nous sommes dans le domaine très prisé des réalisateurs, les relations professeurs-élèves dans leurs écoles. Anthony Asquith adapte la pièce de Terence Rattigan à l'écran. Bien que nous soyons dans l'adaptation d'une pièce, cela ne se sent pas plus que cela. Les changements de lieux sont astucieusement évoqués, et le film évoque surtout la psychologie humaine. Michael Redgrave porte le film sur ses épaules, de quasiment tous les plans, il campe un professeur Crcocker Harris magnifique, émouvant, absolument bouleversant lorsqu'il fait preuve de faiblesse face au jeune Taplow, seul élève à lui témoigner de la sympathie.
Sur le blog de Francesco, j'ai lu que le personnage était l'anti Chips, c'est vrai, là où Chips est adoré de ses élèves, Crocker Harris ne suscite que mépris même s'il est respecté, et les deux films sont assez complémentaires. On s'aperçoit à quel point Sam Wood a respecté l'esthétique anglaise de ces collèges, de ces professeurs. Dans Goodbye Mr Chips, on a un professeur qui pourrait devenir un Crocker Harris s'il ne rencontrait sa femme. Ici on se demande, si au contraire ce n'est pas la rencontre avec sa femme qui a transformé Crocker Harris en professeur malade, qui aime sa matière, mais ne sait faire partager sa passion, sauf pour un jeune élève ce qui finit par lui paraître suspect.
Le film montre bien les sentiments d'un professeur qui se rend compte de l'échec de sa carrière, de sa vie familiale, avec une femme détestable, là encore admirablement interprétée par Jean Kent. Le film dure 1h26, et pourrait encore durer, tant ce personnage malgré ses défauts est terriblement attachant. Nigel Patrick complète le casting en ami du professeur et amant de sa femme qui permet aussi au professeur de se révéler.
Anthony Asquith réalise une oeuvre magnifique de sobriété et Michael Redgrave est absolument époustouflant en homme blessé. Ce qui est admirable dans ce film, c'est qu'à tout moment, on se dit que l'on va partir dans un flash back qui va montrer comment ce professeur enseignait, comment il a rencontré sa femme qui est si différente de lui, pourquoi les élèves ne l'apprécient pas, etc. mais tout n'est évoqué que par les dialogues entre le seul élève qui l'apprécie, (Brian Smith est lumineux d'ailleurs dans ce rôle), sa confrontation avec son successeur qui montre le trac d'un jeune professeur et on imagine très bien ce qu'a été la vie de ce professeur sans doute odieux dans son éducation, mais diantrement attachant dans le portrait dressé ici. La scène où Crocker Harris reçoit la version Browning et où tout ce qu'il exprime n'est montré que dans un long plan filmé de dos est vraiment admirable.
Un grand, énorme coup de coeur pour ce film intelligent, sensible, à l'esthétique "so british" mais absolument incontournable.
A noter que la copie proposée par Carlotta est superbe, magnifique noir et blanc.