(en italiques : films découverts en salle à leur sortie)
Police python 357
C’est un film de néon, de phares, de solitudes, de pavés humides, de nuit : en un mot, un polar. Thèmes, situations, tonalité générale découlent directement du thriller. Mais il n’a rien de ces décalcomanies appliquées auxquelles a trop souvent habitué le cinéma hexagonal lorsque, en mal d’inspiration ou de recettes, il louche vers Hollywood. Tissant implacablement sa toile autour du protagoniste, l’histoire révèle l’inadéquation profonde de l’individu à des valeurs dépassées conduisant au refoulement, l’incapacité des personnages à s’accorder au monde dans lequel ils évoluent à la manière d’automates désenchantés. Monde de la contrainte, de la règle, des convenances, que Corneau dénonce en se fiant à une technique solide, réfutant les effets pour mieux inscrire la fiction dans la réalité la plus française.
4/6
Série noire
À l’origine, un roman de Jim Thompson qui trempait la mythologie du polar dans une insondable poisse existentielle. À l’arrivée, une dérive aux confins de la claustration, du désespoir, de l’obscurité, de la folie, et l’un des films les plus stupéfiants offerts par le cinéma français. Minable démarcheur en banlieue des terrains vagues, des pavillons lépreux et des grands ensembles, le héros y est un mal marié, beau gosse, beau parleur, qui ne rencontre que cinglés et tarés et devient assassin pour un magot qu’il se fait souffler : le roi des pommes. La solidité de roc de l’écriture, le haut sens de la signification visuelle et sonore, la direction d’acteurs magistrale se fondant dans un réalisme authentique, le vertige aspirant d’une fatalité implacable colorant d’ironie la détresse la plus noire, tout participe à la réussite exceptionnelle d’une œuvre qui n’a jamais trouvé son égale.
6/6
Top 10 Année 1979
Tous les matins du monde
Loin de la cour du Roi-Soleil qui pourtant le réclame, Sainte-Colombe, noir, saturnien, taciturne, s’enferme dans son art comme dans un convent, confond sa voix de catacombes et les pleurs de sa viole de gambe. Son disciple Marin Marais devient quant à lui un compositeur illustre, cerné par les honneurs et la gloire. Faut-il se repaître des recours superficiels qu’apporte le siècle ou, au cœur d’une solitude purificatrice, s’enfoncer dans une quête janséniste au risque de faire le malheur d’autrui ? Corneau assume la ligne d’un film austère, presque cartésien par l’apparence, qui cherche à s’inscrire dans les fibres mêmes de la musique. Il lui manque hélas cette forme aventurée faisant l’instabilité du baroque, apte à conjurer le dessèchement et la gravité d’officiant auxquels il n’échappe pas tout à fait.
4/6
Le cousin
S’appuyant sur un scénario fortement charpenté de Michel Alexandre, ancien de la "grande maison" apportant à la fiction une précision socio-documentaire irremplaçable, le cinéaste livre un polar efficace, tendu, réaliste, nocturne, rythmé comme un morceau de jazz, ponctué de brèves flambées de violence intime. C’est une histoire de frontières floues, de territoires mêlés, qui accorde sa primauté à l’ambigüité des personnages. La relation du flic et du dealer, du microbe de base et de son anticorps de police, précipite ainsi les tensions latentes, révèle des vérités paradoxales, se développe au fil des planques interminables, des descentes foireuses, des galères familiales, bousculée par les petites mains ni propres ni sales de la justice en gants de crin. Dans la limite de ses ambitions, le film est une réussite.
4/6
Mon top :
1.
Série noire (1979)
2.
Police python 357 (1976)
3.
Le cousin (1997)
4.
Tous les matins du monde (1991)
Corneau est d’abord pour moi l’auteur d’un film extraordinaire, comptant à mes yeux parmi les plus importants de son époque, et dominant probablement de plusieurs coudées son corpus artistique. Quelles que soient les valeurs (sans doute réelles) d’une œuvre me restant largement à découvrir, ce coup de maître suffit à me convaincre de son talent de réalisateur.