MASCARADE D’AMOUR ( Dona Francisquita) –1953 de Ladislao VAJDA – Espagne
Avec Mirtha LEGRAND, Armando CALVO, Emma PANELLA
Diffusé à la cinémathèque de Bercy dans le cadre d’un cycle consacré aux différents procédés de couleurs au cinéma, ce film espagnol de 1953 est l’adaptation d’une célèbre Zarzuela de la fin du 19ème siècle, composée par Amadeo Vives. La zarzuela est le nom donné à une sorte d'opérette ou opéra-comique espagnol, née au milieu du XVIIe siècle, qui connut son 'âge d'or deux siècles plus tard. Ce genre musical , un assemblage particulier de chant "savant" et populaire, de danse et de passages parlés, représente la plus importante contribution de l'Espagne au théâtre lyrique, avec une histoire presque aussi longue et variée que sa sœur aînée l'opéra.
Si j’imagine que certains airs figurent dans la mémoire collective des espagnols, je n’en connaissais aucun. Ils étaient en tous cas admirablement chantés (notamment par la cantatrice à la voix de contralto qui doublait la pétulante Emma Pannella). Musicalement, j’ai surtout apprécié certains passages plus typiques.
Comme souvent au cinéma (Kiss me Kate, Zauber der Boheme…), plutôt que de coller directement à l’histoire, l’intrigue se noue autour d’une comédienne qui répète le rôle de la zarzuela « Dona Francisquita » et dont la vie va vite se fondre avec le livret de la pièce qu’elle joue (une pâtissière amoureuse d'un séducteur qui courtise une comédienne). A priori, on pourrait s’attendre à une sucrerie très mièvre, alors que mis à part un ou deux ballets oniriques de style bonbonnière, ce n’est pas du tout le cas. Sous ses airs à ne pas y toucher, l’héroïne principale se révèle manipulatrice et tente différents stratagèmes pour séduire le garçon qui lui plait (et qui partage pourtant la vie d’une autre). C’est vraiment plaisant, parfois drôle et beaucoup moins vieillot qu’on pourrait s’y attendre.
S’agissant de l’aspect technique, signalons que le système Cinéfotocolor n’a été utilisé que pour 14 films (tous espagnols au début des années50). Pour le moment, les rares que j’avais vus à la TVEI (El duende de Jerez et Estrella de la Sierra morena) étaient terriblement délavés et endommagés qu’il était difficile de sa faire une idée : el duende de Jerez avait même perdu toutes ses couleurs et ressemblait à un film en noir et blanc, complètement flou. Ici, on est frappé par la dominante des teintes turquoises et rouges. On se croirait presque dans un film en technicolor bichrome des années 20. En tout les cas, la scène où Mirtha Legrand ivre imagine qu’elle est poursuivie, en plein carnaval, par une troupe de gnomes aux masques effrayants, est tout simplement splendide.
Signalons que la tête d’affiche Mirtha Legrand, élégante comédienne au jeu subtil, dont c’est le seul film européen, a été une grande star du cinéma argentin dans les années 40-50, dans un style proche de Michèle Morgan (passeport pour Rio, filles de joie) avant de devenir l’animatrice télé la plus populaire et la plus influente de son pays. Poursuivant à près de 80 ans, une carrière qu’on pourrait comparer à celle de Michel Drucker, elle continue d’animer des talks shows où elle reçoit des artistes internationaux, people, et politiques.
Quant au réalisateur hongrois Vajda, son film le plus connu est "Marcelin pain et vin" une comédie dans laquelle un orphelin est recueilli dans un monastère, un des plus gros succès du cinéma espagnol sous Franco.