COLORS (Dennis Hopper, 1988)
Quand vous dites "Dennis Hopper" à un cinéphile, il vous parlera d'Easy rider, de ses persos allumés d'Apocalypse now, Blue velvet et Speed, ou encore avec un peu de chance des paires de nichons de Hot spot. Mais il est très peu probable qu'il évoque Colors. Et pourtant, ce polar sur la guerre des gangs dans le L.A. de la fin des années 80 n'est pas inintéressant. Ça aurait même pu être le meilleur travail de Hopper cinéaste, car le sujet est brûlant et le traitement pionnier (Colors sort avant toute la vague des Spike Lee/Boyz n the hood etc). En fait, en matière de polar, il s'agit plutôt d'une radiographie, d'un instantané sociologique où deux flics (un jeune chien fou et un briscard qui tempère) s'affrontent sur leur conception du métier face à leurs patrouilles dans les quartiers les plus défavorisés de Los Angeles, peinturlurés de tags et gangrénés par la violence. Palissades, terrains vagues, Chicanos, caniveaux à sec, habitants qui en ont ras le bol, dope, caïds blacks, baraques miteuses sur fond de rap et des boîtes à rythme de Herbie Hancock: cette "petite" production Orion est une des représentations les plus saisissantes de la Cité des Anges de cette époque, de l'envers du rêve américain. Hopper reprend le schéma du buddy-movie pour le subvertir et en faire quelque chose de vraiment signifiant, mais sacrifie à cette mouvance le rythme du film, qui manque étrangement de tension viscérale. Car l'on subodore, au-delà de ce que les images nous montrent, tout le malaise qui bout et explosera quelques années plus tard. C'est là que Hopper rate le grand film sur le sujet, loin des représentations ultérieures certes plus hardcore d'un Training day ou d'un Dark blue, mais quelque part plus hollywoodiennes que ce Colors qui flâne, procède par anecdotes, déambulations, quitte à s'égarer en digressions ou en traitements discutables (le personnage de Maria Conchita Alonso). Enfin, ça reste quand même intéressant malgré toutes ces réserves, et il faut bien dire que le duo Sean Penn (dans sa meilleure période) / Robert Duvall (le mec est comme Gene Hackman, il n'est jamais pris en défaut) assure.
Dommage que je ne participe plus au jeu des captures, j'aurais bien proposée celle-là
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