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Devenu assassin pour venger Shoko, la femme qu'il aime en secret, Wakizaka doit accepter le marché que lui propose l'unique témoin du meurtre, un fonctionnaire coupable d'avoir détourné 30 millions de yen : garder le butin jusqu'à sa sortie de prison. Mais Shoko s'est mariée avec un autre, et Wakizaka décide de dépenser tout l'argent en un an, puis de se suicider...
Décidément j'ai bien du mal avec le cinéma de Nagisa Oshima des 60's.
Après un premier essai surtout concluant essentiellement sur le plan esthétique (L'obsédé en plein jour), l'expérience prend à nouveau la même tournure : je n'accroche pas vraiment au film mais je lui reconnais des qualités techniques assez incroyables (et les captures vous donnent une idée). Et quand je compare avec des films plus tardifs du bonhomme que j'aime vraiment tels Furyo (1983) ou Tabou (1999), curieusement, je remarque que ce sont des films où la mise en scène se fait plus discrète (mais non moins maîtrisée) au profit d'une histoire souvent complexe mais passionnante où chacun des personnages est fouillé et mis en valeur. Ce qui me semble manquer ironiquement dans ce que j'ai vu de lui des 60's, ...cela manque de chair.
Comme la dernière fois, un personnage principal tellement antipathique qu'on se désintéresse de lui dès le film commencé. Sa morale est tellement douteuse (avoir de l'argent et posséder alors n'importe quelle femme) que l'on a du mal à croire à ses rares remords dans un premier temps. Sur le plan psychologique, même si c'est bien amené d'un point de vue cinématographique (Wakizaka a des visions, soit de Shoko, comme si elle désapprouvait ses gestes et apparaissait pour le punir moralement à chaque fois; soit du fonctionnaire inquiétant qui rôderait près de lui, cela se traduit au montage par l'apparition desdit personnages à la jonction d'un arbre, lors d'un ralenti, lors d'un plan-séquence qui se trouve invalidé au plan d'après. D'un certain point de vue c'est presque sensitif), ça tombe à l'eau car disproportionné face au caractère irritant du personnage. Oshima semble critiquer ses congènères mais visiblement toute l'humanité est presque pourrie pour lui à ce stade.
Et le comble, c'est que même les personnages les plus humains du film ne le sauveront pas forcément (le héros. Mais aussi le film cela dit). Mari, la petite prostituée muette au grand coeur s'est attachée à lui et lui sauve même la vie, mais notre grand couillon préfère revenir une dernière fois à son ancienne chambre d'étudiant. Pas de rédemption possible, donc. Quand à Shoko, c'est justement là bas dans un final presqu'en délivrance qu'il lui avouera tout avant qu'elle ne lui joue un dernier tour assez amer, bouclant le film sur un final qui se veut ironique mais qui à mes yeux le plombe finalement.
Shoko n'apparaissant qu'au début bien en chair, elle était d'emblée "éliminée" physiquement du récit dès qu'elle se mariait (validant en ça le triste constat d'une société japonaise encore bien machiste de l'époque où les femmes durent lentement gagner leurs droits --cf, lire à ce sujet l'intéressant livre "Japonaises, la révolution douce" d'Anne Garrigues). En revanche, sur le plan mental, ses apparitions comme métaphores du remords, même si elles n'apportaient pas grand chose par rapport au caractère du personnage, avaient le mérite d'être justifiable. Jusqu'a ce final, patatras, où Oshima se prend les pieds dans son film. Pas la première fois.
Donc, la chair est triste.
En revanche, une fois de plus, Oshima fait des merveilles avec une caméra. Les cadrages, la composition et son degré d'agencement, tout fait penser à la peinture. Sans compter que le monsieur n'hésite pas à jouer aussi de multiples surimpressions pour renforcer la déchéance de son personnage vers une tournure presqu'onirique dans les scènes d'amour ou les souvenirs. Et là, j'applaudis vivement, c'est grandiose, soigné, incroyablement beau et les couleurs de ce cinémascope sont d'une richesse. Il est alors dommage que l'histoire ne suive pas tant que ça et si l'on arrive finalement un tant soit peu à s'intéresser au héros enfin vers la fin, le final plombe tout comme si Oshima nous faisait un doigt d'honneur en criant : tu les sens mes personnages, hein ? Tu les sens ? Vous n'avez pas idée mon cher Nagisa.
Néanmoins avec le recul, j'avoue avoir préféré cette expérience Oshima à la précédente. Je n'excuse en rien les motivations du personnage principal, plus qu'antipathique, en revanche, les personnages féminins m'ont paru bien plus incarnés. Les actrices s'investissent à fond dans leurs rôles et on ne peut qu'avoir pitié des personnages qu'elles incarnent. Cet aspect là et la technique de mise en scène incroyable du bonhomme réhaussent le niveau d'un film somme toute assez banal quand on y pense.
3,5/6.