Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Alisou Two
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Alisou Two »

le monde d'ANTONIONI est lié à l'incommunicabilité , a-t-on dit, le plus souvent;
il y a certes un certain pessimisme dans le déroulement de l'action de ses films et donc de ses personnages, toutefois, il faut bien prendre en considération que "son" cinéma souvent décrié , amis toujours courageux, est lié plus ou moins à une évolution cinématographique des années 60 , non seulement "la nouvelle vague" mais également les films de Resnais ou de Bergman qui ont permis d'avoir une vision différente de ce qu'on arttendait au cinéma qui , faut-il , le rappeler était trés "à l'avance" et trés riche (ce qui n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui ) ;
pendant ces années là non seulement le cinéma italien était à son apogée (FELLINI/ VISCONTI/ PASOLINI /COMENCINI/ ROSI /PETRI/ BOLOGNONI /FERRERI/SCOLA/les fréres TAVIANI / BERTOLUCCI etc) mais il y avait en outre, dans le désordre, BERGMAN , BUNUEL, KUROSAWA, STRAUB, WELLES, LOSEY etc
enfin pour en revenir à ANTONIONI , on peut rattacher son oeuvre à des cinéastes comme OZU WENDERS ou DURAS ou encore Chantal AKERMAN (dont il a fallu l'édition en dvd pour voir" Jeanne Dielmann" 30 ans aprés sa sortie)
Strum
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Strum »

Alisou Two a écrit :le monde d'ANTONIONI est lié à l'incommunicabilité , a-t-on dit, le plus souvent;
il y a certes un certain pessimisme dans le déroulement de l'action de ses films et donc de ses personnages, toutefois, il faut bien prendre en considération que "son" cinéma souvent décrié , amis toujours courageux, est lié plus ou moins à une évolution cinématographique des années 60 , non seulement "la nouvelle vague" mais également les films de Resnais ou de Bergman qui ont permis d'avoir une vision différente de ce qu'on arttendait au cinéma qui , faut-il , le rappeler était trés "à l'avance" et trés riche (ce qui n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui ) ;
pendant ces années là non seulement le cinéma italien était à son apogée (FELLINI/ VISCONTI/ PASOLINI /COMENCINI/ ROSI /PETRI/ BOLOGNONI /FERRERI/SCOLA/les fréres TAVIANI / BERTOLUCCI etc) mais il y avait en outre, dans le désordre, BERGMAN , BUNUEL, KUROSAWA, STRAUB, WELLES, LOSEY etc
enfin pour en revenir à ANTONIONI , on peut rattacher son oeuvre à des cinéastes comme OZU WENDERS ou DURAS ou encore Chantal AKERMAN (dont il a fallu l'édition en dvd pour voir" Jeanne Dielmann" 30 ans aprés sa sortie)
Le contexte dans lequel se sont inscrits les films d'Antonioni est bien connu, de même que l'aura de modernité qui était la leur à l'époque de leur sortie. Mais ce contexte n'est pas une raison suffisante pour s'interdire aujourd'hui de les juger pour ce qu'ils sont, pris individuellement, de dire ce que l'on en a pensé. Par ailleurs, il me parait abusif de rapprocher Antonioni de Resnais (que j'adore) ou de Bergman (que je n'aime pas beaucoup, mais pour des raisons entièrement différentes de celle d'Antonioni) qui sont des cinéastes complètement différents. Enfin, si le cinéma d'Antonioni a été décrié par certains dans les années 60, il est aujourd'hui le plus souvent porté aux nues par la critique.
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par joe-ernst »

Strum a écrit :J'ai pour ma part vu cinq films d'Antonioni. Dans l'ordre : L'Avventura, La Notte, Blow Up, L'Eclipse et Profession Reporter.

J'ai beaucoup aimé L'Avventura. C'est un film très maitrisé, d'une grande beauté formelle, et qui s'articule tout entier autour d'un mystère : le mystère d'une disparition, mais aussi le mystère d'une vie, qui donne une colonne vertébrale au récit et surtout une tension dont il ne se départit pas.

Cette tension et cette colonne vertébrale, je ne les ai retrouvées dans aucun autre film d'Antonioni, comme si en visant l'épure, son cinéma s'était anémié :

La Notte et L'Eclipse, films informes, m'ont profondément ennuyé.
Je n'ai pas du tout aimé Blow Up, que j'ai trouvé aussi vain et prétentieux que le monde qu'il décrit. Je lis souvent ici et là que c'est "un chef-d'oeuvre", un "témoignage sur le swinging London", sans très bien comprendre ce qui lui vaut ces qualificatifs ; il s'agit pour moi d'un film long comme un jour sans pain, qui jamais ne "swingue".
Profession Reporter m'a paru plus intéressant mais un peu mou.

Plus généralement, il y a quelque chose qui me gêne chez Antonioni d'un point de vue thématique : dans tous les films que j'ai cités, les personnages abandonnent, ou renoncent à la vie, sont dépassés par les évènements, se laissent contaminés par l'idée facile selon laquelle rien ne sert de lutter ou de persévérer puisque le monde est absurde. Cette philosophie me crispe. Car c'est l'inverse qui est vrai : c'est parce que le monde n'a pas de sens, qu'il faut persévérer pour lui en créer un.
L'Eclipse est pour moi un de ses plus beaux films, avec L'Avventura...

Plus que des personnages refusant de lutter ou de persévérer, j'ai souvent eu l'impression de personnages écrasés ou apeurés par la société dans laquelle ils vivent, et cette sensation est souvent renforcée par l'utilisation que fait Antonioni de l'architecture moderne, de ces bâtiments entre lesquels ils vivent, ce règne minéral par excellence, avec des plans merveilleusement composés. On trouvera ces personnages surtout dans les premières oeuvres, Chronique d'un amour, La dame sans camélia, Femmes entre elles, Le cri. De manière générale, on a souvent affaire à des personnages en fuite, en fuite de leur milieu, de leur situation sociale ou personnelle, d'eux-mêmes aussi.
L'hyperréalisme à la Kechiche, ce n'est pas du tout mon truc. Alain Guiraudie
Strum
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Strum »

joe-ernst a écrit :Plus que des personnages refusant de lutter ou de persévérer, j'ai souvent eu l'impression de personnages écrasés ou apeurés par la société dans laquelle ils vivent, et cette sensation est souvent renforcée par l'utilisation que fait Antonioni de l'architecture moderne, de ces bâtiments entre lesquels ils vivent, ce règne minéral par excellence, avec des plans merveilleusement composés.
J'ai souvent eu cette impression d'écrasement aussi. Je pense que les deux idées se complètent.
Alligator
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Alligator »

Je prends note de vos conseils, cette sollicitude me touche, mais le trauma post-eclisse est trop important à ce jour. Je vais tenter une psychothérapie avant d'emprunter la notte ou l'aventura.
villag
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par villag »

En plus de l'incommunicabilité, Antonioni a filmé l'ennui, et on peut dire qu'il y a parfaitement réussi tant ses films distillent un ennui, certes distingué, mais oh combien profond !
F d F ( Fan de Ford )
Dominique
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Dominique »

Antonioni maître de l'ennui ? Mais vous allez vous faire décapiter non ?
allen john
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par allen john »

Dominique a écrit :Antonioni maître de l'ennui ? Mais vous allez vous faire décapiter non ?
Personne ne va décapiter personne. Ce forum est uniquement un endroit ou on est libre de venir exprimer ses avis sur des films, dans la limite du respect des autres. J'ai horreur d'Antonioni, c'est comme ça. Son cinéma m'ennuie, et il est probable qu'il me manque un certain nombre de clés pour y parvenir, et partant du principe que si je me contente jusqu'à la fin de ma vie ( je mourrai à 157 ans) de ne voir que les films que j'ai envie de voir, je n'aurai de toute façons pas le temps de les voir tous, alors les films que je n'ai pas envie de voir... Ceci étant dit, mes problèmes avec Antonioni, c'est du domaine du privé, tout comme mon aversion pour Truffaut, Godard, Huston, Luc Besson... Pas la peine d'en faire une croisade de gratuité et d'aller polluer les forums avec ça, dans le simple but de provoquer. il y a suffisamment à dire ou a échanger sur Ford, par exemple, sans aller jusqu'à y méler ce pauvre Antonioni, qui n'a jamais fait un western. Donc... Bienvenue sur ce forum, mais lâchons ce pauvre Michelangelo...

...A moins qu'il s'agisse d'un complot pour lui donner plus d'importance encore? :wink: Ca doit être ça: le contempteur d'Antonioni est un Antonioniste refoulé. :mrgreen:
Dominique
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Dominique »

un A... refoulé !!! non non mais alors pas du tout :mrgreen: ... allons échanger sur John Ford vous avez bien raison !
Mais sans en rajouter une couche ... et c'est l'avantage du dvd je vais m'y remettre cet hiver et tenter de revoir quelques uns de ses films ... on en apprend parfois beaucoup à revoir des films que l'on aime pas ... après tout nous ne sommes pas figés ... bon dimanche :roll:
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par allen john »

Dominique a écrit :après tout nous ne sommes pas figés
Non, en effet, pas tous. :mrgreen: Bon dimanche aussi.
Joe Wilson
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Re: Notez les films naphtas : Septembre 2010

Message par Joe Wilson »

Femmes entre elles (Antonioni)

En adaptant une nouvelle de Cesare Pavese, Antonioni signe une exploration psychologique en demie-teinte, d'une lucidité amère. Des femmes, rassemblés par un drame, ne parviennent pas à construire un équilibre et se déchirent à force d'interrogations et d'hésitations. La sensibilité n'est plus le ciment d'un lien mais l'expression d'un isolement, la nécessité d'une indépendance et d'une affirmation.
Belle prestation d'Eleonora Rossi Drago dans le rôle principal, même si ses partenaires manquent parfois de subtilité ou de conviction. Sur le plan de la mise en scène, Antonioni cède par instants aux bavardages, restant en retrait tel un spectateur. Mais ce recul lui permet aussi de trouver une justesse d'observation, même si cela passe par un constat sévère sur ses personnages.
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Abronsius
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Abronsius »

Vraiment pratique cet index des réalisateurs !!! merci Nestor Almendros...

http://myimaginarylandscapes.blogspot.c ... -1964.html

Il deserto rosso (1964)

Lorsque Giuliana traverse ce paysage désolé où seule le vert de son manteau vient apporter un réconfort visuel, c'est un peu de l'Apocalypse Industriel qui se met en place. Lorsqu'ensuite elle achète un reste de sandwich à un ouvrier, qu'elle le mange en s'isolant comme une bête apeurée, pressée de dévorer sa proie de peur qu'un autre animal ne vienne la lui retirer, c'est un peu la Préhistoire qui fait irruption, quelque chose de primitif. Fumées d'usine, boues industrielles, flammes, pluie, déchets entassés. Le trait est grossier, le discours sur la misère industrielle et l'angoisse de l'individu est tentant, c'est le premier qui vient à l'esprit mais les choses sont beaucoup plus nuancées car très vite c'est une beauté formelle très aboutie qui prend le dessus. La réalité semble pouvoir être sublimée par l'artiste, par le regard qu'il porte sur elle, c'est exactement le sens de la petite histoire que Giuliana raconte à son fils, la fiction fait alors surgir des images d'une beauté extraordinaire mais ce récit n'est pas la réalité alors que les usines, le paysage où vivent les personnages est bien réel aussi faut-il pouvoir le maîtriser. La beauté des plans d'Antonioni, la recherche d'un angle qui permette de saisir une forme propice à une harmonie de volumes, de couleurs opèrent totalement dans ce film.
Depuis son accident de voiture Giuliana (Monica Vitti assez sublime en personnage perdu, fragile et vulnérable) ne sait plus comment vivre, son mari la délaisse, son fils joue de sa crédulité et de son dévouement. Elle rencontre Corrado (Richard Harris) et répond timidement à ses avances pour finir dans ses bras. Corrado lui dira que nous sommes tous malades, nous avons tous le besoin d'être soignés, aimés.
Premier film en couleurs d'Antonioni, couleurs qui sont utilisées avec le plus grand soin, les couleurs de l'usine se retrouvent dans l'appartement de Giuliana, comme si le réel était fabriqué par l'industrie, ce qui est le cas puisque les objets en proviennent. C'est une sorte d'enfermement, d'ailleurs les vues des fenêtres donnent sur des entrepôts, usines et ne permettent pas au regard de voir l'horizon, le brouillard épais viendra confirmer ceci. Les couleurs viennent soulager le regard tout en affirmant leur artificalité. En contrepoint l'histoire de Giuliana contée à son fils vient nous rappeler la beauté du monde et nous pointer cruellement sa disparition dans l'univers diégétique. Ces changements, ce bouleversement du paysage troublent les individus, Giuliana utilise son fils en tentant de s'évader (l'histoire est un prétexte pour trouver une issue naturelle, une aide (le bateau qui vient et repart) à ses angoisses) et Corrado rêve à l'Amérique du Sud, la Patagonie... Le dépaysement est immense, la scène qui se déroule sous les antennes spatiales pourrait être tournée sur une autre planète, les anguilles pêchées dans la région sentent le pétrole, la presse est piétinée, les livres à peine lus ; de nombreux éléments, scènes sont déprimantes, voire les jeux érotiques de ces couples à l'échangisme soft qui conduisent à la destruction de cloisons, d'un rouge antique dont il ne reste rien de la grandeur, du pouvoir. Le contenu est laid, désespéré mais la forme le dynamise et le rehausse. Antonioni joue avec les cuts, les ellipses, les faux raccords, les personnages disparaissent du champ promptement et y surgissent avec la même rapidité, évanescence des êtres, incapacité à les saisir, une scène d'amour ressemble plus à une lutte, une capitulation, le marin étranger est l'amant impossible, la rencontre impossible, comment une femme peut aimer et se donner si elle ne sait pas encore qui elle est.
Dans ce monde cauchemardesque où les êtres errent dans les limbes, l'artiste nous accompagne et, bien vivant, fait oeuvre sublime.
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Thaddeus
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Thaddeus »

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L’avventura
Probablement l’un des sésames du cinéma moderne, en ce qu’il rompt de façon radicale avec la narration et la psychologie traditionnelles, invente une structure faite de temps morts, de pauses, d’interstices, révélateurs impitoyables de ces minuscules éboulements qui, peu à peu, viennent à bout de toutes les raisons de vivre, d’aimer ou de mourir. Les décors, photographiés de façon immensément picturale, y sont souvent des espaces vides qui renvoient au vide intérieur de personnages en crise qui y évoluent. C’est le film-manifeste de l’introspection, de la confusion des sentiments, de l’incommunicabilité, qui relève de l’esthétique du désenchantement et suscite une émotion paradoxale dans sa sécheresse même. 6/6

La nuit
Une nouvelle fois, les héros d’Antonioni sont des névrosés hantés par l’échec sentimental ou social, qui suivent une errance sans but dans des paysages gris où la caméra s’enlise lentement. Un homme et une femme en pleine faillite conjugale se cherchent, s’évitent, se croisent, arpentent un décor vidé de sens : le cinéaste traduit une dislocation, une fragmentation, et développe un univers où l’humain semble s’extraire du monde. Je trouve tout cela assez aride, j’ai du mal à être touché. 3/6

L’éclipse
Le dernier volet de la trilogie sur l’incommunicabilité moderne est aussi le plus radicalement dédramatisé, réduisant quasiment à néant la matière narrative au profit d’une écriture procédant par correspondances, en phase avec l’indicible de la vie intérieure des protagonistes. Désenchantement, instabilité, fragilité des sentiments sont une fois de plus radiographiés en une dérive abstraite et flottante, qui tente de saisir le vide de l’existence. J’aime particulièrement la fin, cet exercice de sensorialité montrant la ville en une succession de plans fixes et épurés. 4/6

Le désert rouge
Premier film en couleurs pour Antonioni, qui en fait un usage assez stupéfiant. Prolongeant le questionnement de ses trois précédents films, le cinéaste visualise le mal-être et le désarroi de son héroïne en une expression purement visuelle, l’exprimant par des taches brumeuses, des halos presque surréels, et par la création d’un univers hivernal asphyxié et toxique. Ce travail presque subjectiviste des états d’âme offre un nouveau relief aux préoccupations habituelles de l’auteur, plus que jamais esthète fasciné de la plasticité du monde. 4/6

Blow up
Dissection du réel en un effilochage progressive de la matérialité des choses, comme si le monde sensible glissait dans l’abstraction. Le héros est photographe, son obsession d’une image qu’il analyse jusqu’à l’obsession lui fait perdre pied, ouvre un gouffre de perception et d’interprétation. Antonioni traduit le vertige par un montage virtuose, un travail très élaboré sur les superpositions d’images, la stylisation des formes et des couleurs. D’un point de vue métaphysique, c’est sans doute passionnant, mais l’aridité absolue de ce manifeste théorique, son absence de toute sentimentalité me laisse à quai, voire m’ennuie sévèrement. 3/6

Zabriskie point
Je tiendrais à peu près le même commentaire pour celui-ci. Il y a des choses que j’aime, comme le jeu cocasse du protagoniste, aux commandes d’un avion qu’il s’amuse à faire voler en rase-mottes au-dessus de l’héroïne. Dans ces instants, Antonioni tire du désert et de ses talents de plasticien matière à un enivrement sensoriel, un vrai plaisir de la rétine. Mais ailleurs que le film est sec, désincarné, intellectualisé à l’extrême ! Je m’y accroche rarement, je perçois les intentions (métaphoriser l’idéal de liberté et de contestation de l’époque hippie) sans qu’elles ne m’emportent jamais. 2/6

Profession : reporter
Même fascination du vide et de l’ineffable, même structure de l’enquête que dans Blow Up (sauf qu’ici c’est le disparu qui la mène), même questionnement sur la nature de l’espace, l’état des lieux, qui renvoie directement à l’intériorité du protagoniste : c’est du Antonioni pur jus. Est-ce par sa démarche en suspens, par son mystère latent, par sa virtuosité indécidable à traduire en images le basculement dans l’absence, l’extinction des choses, l’inquiétude existentielle de son héros ? Toujours est-il que j’ai ressenti devant ce film un trouble, une fascination que je n’éprouvais pas lors des précédents opus, et que je perçois bien ce que sa réflexion, ses principes de mise en scène, proposent d’assez vertigineux. 5/6

Pas vu les autres.

Mon top :

1. L’avventura (1960)
2. Profession : reporter (1975)
3. L’éclipse (1962)
4. Le désert rouge (1964)
5. La nuit (1961)

Cinéaste moderne par excellence, dont l’intellectualité est souvent contrebalancée par une attention presque sensualiste à la réalité des choses, des êtres et des lieux, Antonioni est sans conteste un auteur très important, même si la radicalité de son expression me laisse souvent sur le bas-côté.
Anorya
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Anorya »

Je manque de temps pour expliquer mon attachement à ce cinéaste dont les oeuvres ont souvent trouvé une certaine résonnance avec ma vie donc je ne peux hélas que fournir quelques notations et un top. :o


Le Cri - 4/6.
L'Avventura - 5/6.
La Nuit - 6/6.
L'Eclipse - 6/6.
Desert rouge - 2/6 et/ou 4/6 (c'est compliqué...).
Blow Up - 5/6.
Zabriskie Point - 5/6.
Chung Kuo, La Chine - 3/6.
Profession Reporter - 6/6.
Le mystère d'Oberwald - 3/6... mais vu il y a trop longtemps. :|


Le périlleux enchaînement des choses (Segment d'EROS) - 5/6.
Le regard de Michel-Ange. - 5/6.


Top 5 :

1. Zabriskie Point.
2. L'Eclipse.
3. Profession Reporter.
4. La Nuit.
5. Blow up.
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Kevin95
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Re: Michelangelo Antonioni (1912-2007)

Message par Kevin95 »

Heu petite coquille, Zabriskie Point a 5/6 et est en tête de ton top. :wink:
Les deux fléaux qui menacent l'humanité sont le désordre et l'ordre. La corruption me dégoûte, la vertu me donne le frisson. (Michel Audiard)
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