MJ a écrit : J'irai voir Shutter Island, j'espère y prendre le plus de plaisir possible. Mais je n'espère guère plus y trouver ce qui, de Mean Streets à son travail dans les 90's (plus ou moins convaincant), donnait un cachet supplémentaire à sa virtuosité: le facteur humain!
Curieuse impression ressentie après avoir vu le film. Si je te cite, MJ, c'est parce que l'aspect justement humain de ce film m'a fait très forte impression, même si c'est complétement différent des films précédents de
Scorsese.
J'avais lu l'intégralité du topic avant de voir le film, donc je ne m'attendais pas à être très surpris par le scénario. Et pourtant, le film est tellement surprenant dans sa mise en scène que j'ai été très choqué (dans le bon sens) et justement, surpris. La mise en scène est tellement focalisée sur l'état d'esprit du héros, dont on découvre au fil du film le déséquilibre, sans pour autant qu'on ne puisse s'empêcher de croire à son histoire jusqu'à la scène ultime, que je finis par croire que c'est le déséquilibre de notre monde contemporain que
Scorsese cherche à illustrer, tout en cherchant à impliquer le spectateur.
J'ai eu l'impression de voir une vision extrémement noire du monde, un monde où la réalité devient si terrible qu'il est naturel de se réfugier dans une forme de folie, un monde où la dernière réflexion du héros s'adresserait autant à lui qu'à nous.
Cela expliquerait d'ailleurs les images des camps, la fusillade, tout ce qui peut paraître obscène, et notamment l'"erreur" sur la porte du camp. Ces images ne sont pas tant les souvenirs du héros en particulier, que les images que nous avons tous en tête des massacres et fusillades en général. Lui, c'est Dachau, nous c'est Srebrenica ou je ne sais quoi d'autre, mais le monde nous inflige à tous des images intolérables dont la porte d'Auschwitz serait un universel symbole, alors que celle de Dachau est peu connue. Cette scène arrive d'ailleurs à un moment du film où la folie du héros devient si évidente qu'on commence justement à douter de ses souvenirs. Sont-ils les siens, sont-ils le fruit de son imagination où certains souvenirs réels de Dachau se mêlent à des images et à d'autres souvenirs? Le côté incompris et collectif de ses souvenirs de guerre m'a rappelé la poignante scène entre les deux vieux dans Une histoire vraie de David Lynch, où le dialogue ne ressemblait en rien aux habituels souvenirs de vétérans dans la plupart des films.
Un film trop noir pour que j'y adhère totalement, mais il m'a laissé une impression très forte. Une grande réussite et une grande originalité, en tout cas.