Soirée Guitry à L'Institut Lumière...
La Malibran / 1943
Je m'attendais à un film assez chiant à cause du côté "biographie" et aussi parce que je ne connais pas grand chose à l'opéra. Et puis aussi parce que Tulard n'a donné qu'une étoile à ce film, même si depuis le temps je ne devrais plus tenir compte de cela mais on ne se refait pas. J'ai été comblé.
Le film commence par la présentation d'objets ayant appartenus à la cantatrice. Objets qui deviennent des reliques, le ton est donné, il s'agira d'adoration. On connaît le goût fétichiste des objets par Guitry, ceux-ci lui appartenaient sûrement. Il termine cette présentation par le masque mortuaire de la cantatrice. Un peu morbide me direz-vous, le spectateur comprend mieux avec la séquence suivante. On trouve le père de la Malibran qui explique que le chanteur d'opéra a un masque et qu'il doit faire en sorte que sa voix, un chant de vérité, doit traverser ce masque. Ainsi le film traversera le masque mortuaire de la chanteuse pour exprimer une vérité. Quelle vérité ? Celle de la Malibran ou celle de l'auteur ? Les deux bien entendu.
Le tout, il me semble, est placé sous le signe de la dévotion, de l'amour pour son art, c'est par là que Guitry et la Malibran se rejoignent. Idée romantique. Agrémenté d'un désir didactique passionnel. La Malibran est partageuse, dès le berceau elle apprendra à son père à déclamer correctement, elle enseignera au roi de Naples à applaudir au bon moment et enfin elle donnera une modeste leçon de chant à sa voisine et ce, au seuil de la mort. Le spectateur apprend beaucoup dans ce film... Tous les personnages de ce film sont attachés profondément à l'art : les artistes romantiques du salon de la comtesse amie de la Malibran : Hugo, Lamartine, Berlioz...aphone la Malibran réussit à chanter, cette envie, ce désir de partager son art sera souligné par Guitry en une étonnante plongée ostentatoire, montrant par là que l'auteur se joint à son personnage. Ou encore ces napolitains qui font boire une coupe de champagne à la cantatrice après un concert et qui se font passer la coupe en y buvant un peu en une communion buccale autour de ce Saint Graal. Tout le film respire ce dévouement du personnage principal, apprécié de son entourage, excepté de Malibran, joué par Guitry, qui lui ne voit qu'une "voix d'or", c'est-à-dire une voix qui peut rapporter.
Guitry, en 1943, donne à voir ses préoccupations premières, l'art avant tout. Ce film est soigné, les cadres sont précis (voir la manière dont Malibran entre dans la loge de la chanteuse et entoure, encercle sa proie. Son reflet apparaîssant en entier dans le miroir, doublant sa présence à l'écran. Alors que le père qui entre juste après aura son reflet coupé puisque Guitry aura reculé suffisamment la caméra). Le film est une sorte de manifeste, de prise de position à travers cette biographie qui peut paraître banale si ce n'était l'émotion profonde et un peu inhabituelle que le film diffuse.
La Malibran meurt en chantant, arrêt sur image sur cette bouche ouverte qui voudrait encore pouvoir chanter, ce que permet Guitry en laissant le chant continuer en off. Le corps meurt, l'art reste.
La Poison / 1951
Générique habituel et généreux où Guitry fait la présentation ds techniciens, décorateur, musiciens, producteur et autres qui ont contribués à l'oeuvre, avec un hommage appuyé à l'immense Michel Simon. Film d'une méchanceté appuyée où tous les personnages sont vils, avares, intéressés, hypocrites, cons et méchants. Les entretiens entre Simon et Debucourt qui joue l'avocat sont grandioses. Les numéros au tribunal également, Pauline carton étincelle de connerie. Un merveilleux divertissement.
Aux deux colombes / 1949
Générique assez long où Guitry présente ses collaborateurs mais ici avec un souci de comment-c'est-fait-comment-ça-marche. Avec un gag qui concerne un acteur voulant se faire engager pour le film, qui finira par l'être in extremis mis qu'on ne verra pas du tout dans le film, il sera seulement évoqué comme valet avec peu d'expérience, qui ne pourra donc pas converser avec le maître de maison, pas encore. Le rouge est mis, Guitry lance un "
moteur" et le film commence. Guitry regarde alors le spectateur droit dans les yeux et explique la situation, il renouvellera le procédé par la suite, Guitry s'amuse avec le matériau filmique et ça se voit. Suit une comédie endiablée, façon théâtre filmé où les bons mots fusent. je retiens celui-ci :
"
Les femmes ont toujours huit ans même si elles les ont cinq ou six fois !"