La Soif du mal (Orson Welles - 1958)
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Touch of Evil, quelle que soit la version est un film d'atmosphère tout d'abord.
Ensuite, c'est un film sur les frontières, celles que l'on ne peut franchir, celles que l'on doit franchir, celles qui sont dangereuses à franchir !
Le fameux plan-séquence du début, l'un des plus beaux de l'histoire du cinéma (pour moi le plus beau) raconte toutes les recherches thématiques de la frontière du bien et du mal, ce manichéisme que Welles a toujours positionné dans son cinéma pour rendre cette limite aussi abstraite et imprévisible que possible.
Ce plan utilise aussi avec une maestria hallucinante des paradigmes indiciaires du genre (une bombe donc un meurtre, des victimes, un couple fragile, la ville comme personnage principal, l'injustice, la violence, la fatalité) !
La mise en scène est sans cesse en train d'accumuler inventivité et performances, aidée en cela par la prodigieuse photographie atmosphérique du film. Il est à noter que l'histoire est très compliquée, l'important ce n'est pas l'intrigue, c'est la manière de raconter l'intrigue. Charlton Heston trouve son meilleur et plus beau rôle et Welles est génial dans son personnage de flic pourri.
Le film poursuit et transcende les particularités narratives du film noir puisque l'intrigue, aussi embrouillée soit-elle, n'est qu'un prétexte pour dépeindre des personnages complexes et fascinants.
Dès lors, je peux comprendre le désintérêt.
Mais le film est une illustration superbe et définitive des thèmes abordés plus haut.
Il contient des prolongements cauchemardesques et sa puissance nocturne est perceptible dans toute son attractive répulsion.
Dramatiquement parlant, la confrontation des deux flics est absolument prodigieuse, car malgré le caractère de dualité accessible qui se dégage, c'est bien par la mise en scène, à son langage cinématographique que la lutte se fait sentir. Pas un plan n'est gratuit, tout prend signification au fur et à mesure des révisions. Sa propension à monter la tension, à transformer petit à petit la violence morale à une violence physique (plusieurs moments pour un film de 1958 sont bien brutaux), sa science génialissime de la composition du cadre et la qualité des comédiens en font un film unique, très loin de ce que l'on a pu voir avant.
L'intrigue qui paraît incompréhensible ou brouillonne est en réalité claire ! Le film, finalement, commence très vite, des personnages arrivent, les situations s'enchaînent sans que le spectateur n'arrive à comprendre le pourquoi du comment. Pourtant, les personnages sont compréhensibles uniquement par leurs actions.
Le gros plan de Pianola (joué par Marlene Dietrich) lorsqu'elle reconnait Quinlan (Welles au sommet de la composition) est largement plus significatif que n'importe quel discours.
Autre utilisation remarquable, c'est la musique inoubliable de Mancini ! Une musique lointaine, qui illustre à la fois l'action, ou qui sortirait du coeur même de la ville, comme fantômatique ! Elle participe grandement à cette atmosphère poisseuse !
Chez Welles, il y a toujours un côté prophétique ! Après avoir deviné à l'instar de Kane qu'il deviendrait une personne oubliée un peu de tous, c'est après avoir interprété ce personnage de flic pourri américain qu'il se fâcha définitivement avec l'Amérique !
Touch of Evil est une oeuvre majeure, a priori difficile d'accès, donc exigeante, mais artistiquement puissante, foudroyante et terriblement impressionnante !
Ensuite, c'est un film sur les frontières, celles que l'on ne peut franchir, celles que l'on doit franchir, celles qui sont dangereuses à franchir !
Le fameux plan-séquence du début, l'un des plus beaux de l'histoire du cinéma (pour moi le plus beau) raconte toutes les recherches thématiques de la frontière du bien et du mal, ce manichéisme que Welles a toujours positionné dans son cinéma pour rendre cette limite aussi abstraite et imprévisible que possible.
Ce plan utilise aussi avec une maestria hallucinante des paradigmes indiciaires du genre (une bombe donc un meurtre, des victimes, un couple fragile, la ville comme personnage principal, l'injustice, la violence, la fatalité) !
La mise en scène est sans cesse en train d'accumuler inventivité et performances, aidée en cela par la prodigieuse photographie atmosphérique du film. Il est à noter que l'histoire est très compliquée, l'important ce n'est pas l'intrigue, c'est la manière de raconter l'intrigue. Charlton Heston trouve son meilleur et plus beau rôle et Welles est génial dans son personnage de flic pourri.
Le film poursuit et transcende les particularités narratives du film noir puisque l'intrigue, aussi embrouillée soit-elle, n'est qu'un prétexte pour dépeindre des personnages complexes et fascinants.
Dès lors, je peux comprendre le désintérêt.
Mais le film est une illustration superbe et définitive des thèmes abordés plus haut.
Il contient des prolongements cauchemardesques et sa puissance nocturne est perceptible dans toute son attractive répulsion.
Dramatiquement parlant, la confrontation des deux flics est absolument prodigieuse, car malgré le caractère de dualité accessible qui se dégage, c'est bien par la mise en scène, à son langage cinématographique que la lutte se fait sentir. Pas un plan n'est gratuit, tout prend signification au fur et à mesure des révisions. Sa propension à monter la tension, à transformer petit à petit la violence morale à une violence physique (plusieurs moments pour un film de 1958 sont bien brutaux), sa science génialissime de la composition du cadre et la qualité des comédiens en font un film unique, très loin de ce que l'on a pu voir avant.
L'intrigue qui paraît incompréhensible ou brouillonne est en réalité claire ! Le film, finalement, commence très vite, des personnages arrivent, les situations s'enchaînent sans que le spectateur n'arrive à comprendre le pourquoi du comment. Pourtant, les personnages sont compréhensibles uniquement par leurs actions.
Le gros plan de Pianola (joué par Marlene Dietrich) lorsqu'elle reconnait Quinlan (Welles au sommet de la composition) est largement plus significatif que n'importe quel discours.
Autre utilisation remarquable, c'est la musique inoubliable de Mancini ! Une musique lointaine, qui illustre à la fois l'action, ou qui sortirait du coeur même de la ville, comme fantômatique ! Elle participe grandement à cette atmosphère poisseuse !
Chez Welles, il y a toujours un côté prophétique ! Après avoir deviné à l'instar de Kane qu'il deviendrait une personne oubliée un peu de tous, c'est après avoir interprété ce personnage de flic pourri américain qu'il se fâcha définitivement avec l'Amérique !
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Du très très grand Watkinssien !
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
angel with dirty face a écrit :Du très très grand Watkinssien !
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Tres beau texte Watkinssien. Et qui exprime pas mal ce que je pense.
Un des roles les plus fantastiquement terrifiant que j'aie vu. Welles compe un flic qui n'a absolument aucune ethique de travail et respect pour la société. En étant convaincu de la culpabilité d'un "suspect", il cherchera a tout prix a le faire condamné, et si pour cela il doit falsifier des preuves, et bien il le fera. Son personnage est vraiment détestable et Welles réussi tres bien a nous le montrer.
Un des roles les plus fantastiquement terrifiant que j'aie vu. Welles compe un flic qui n'a absolument aucune ethique de travail et respect pour la société. En étant convaincu de la culpabilité d'un "suspect", il cherchera a tout prix a le faire condamné, et si pour cela il doit falsifier des preuves, et bien il le fera. Son personnage est vraiment détestable et Welles réussi tres bien a nous le montrer.
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Et ce personnage, si détestable soit-il, arrive à avoir une grandeur et une dimension shakespearienne ! (Forcément !)
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
C'est une grande performance d'acteur en tout cas.
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Il est aussi dans mon top ten (top 5 ?), et c'est le seul film que je refuse de voir en petit écran. Je l'ai vu 5 fois sur grand écran (petite salle) et c'est impressionnant comme Welles balade le regard du spectateur. Le voir en petit, c'est comme regarder une miniature de Bruegel ou un timbre de Guernica ou des nimphéas.C'est FILME pour être vu en plus gros que soit. Et, contrairement à d'autres film qui peuvent supporter le petit écran (ça sera simplement moins bien), là, ce serait purement et simplement du massacre de le découvrir ainsi...
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Ca ne m'a pourtant pas empêché d'adorer le film.NotBillyTheKid a écrit :Et, contrairement à d'autres film qui peuvent supporter le petit écran (ça sera simplement moins bien), là, ce serait purement et simplement du massacre de le découvrir ainsi...
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Je ne te raconte pas en grand, alors... Imagine ton avatar en 6 mètres sur 4...k-chan a écrit :Ca ne m'a pourtant pas empêché d'adorer le film.NotBillyTheKid a écrit :Et, contrairement à d'autres film qui peuvent supporter le petit écran (ça sera simplement moins bien), là, ce serait purement et simplement du massacre de le découvrir ainsi...
EDIT : oh, il viens de disparaître ! (et un autre bien plus sobre viens le remplacer )
Ce que je veux dire, c'est qu'en grand, le film n'est pas simplement plus grand... Il joue sur la profondeur de champ pour vraiment forcer le spectateur à balader son regard sur l'écran. C'est rarementa ussi patent que sur ce film-ci, du coup, je pense qu'on perd un des plaisirs du film (mais il en contient tant...)
Dernière modification par NotBillyTheKid le 13 mai 08, 17:06, modifié 4 fois.
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Parce qu'ils n'arrêtent pas de me taquiner, et que je suis susceptible.NotBillyTheKid a écrit :EDIT : oh, il viens de disparaître ! (et un autre bien plus sobre viens le remplacer )
Je n'en doute pas.NotBillyTheKid a écrit :Ce que je veux dire, c'est qu'en grand, le film n'est pas simplement plus grand... Il joue sur la profondeur de champ pour vraiment forcer le spectateur à balader son regard sur l'écran. C'est rarementa ussi patent que sur ce film-ci, du coup, je pense qu'on perd un des plaisirs du film (mais il en contient tant...)
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
C'est sur, mais en meme temps on n'a pas tous l'occasion de les voir sur grand écran, pour ma part si j'attendais ca, je n'aurais vu que bien peu de films.
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
Bien sûr, bien sûr, je suis dans le même cas que toi... cela dit, pour celui-là, plus que pour beaucoup d'autres grands films de sa trempe, je pense que ça vaut vraiment le coup d'essayer de le voir ou de le revoir sur grand écran.
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
J'aimerais bien, si seulement c'etait possible, aucun cinema dans mon coin ne diffuse de vieux films, mais les reprises dernierement de Blade Runner et Alien n'ont eu droit qu'a une seule salle et a 180 km de chez moi, a Montreal. Donc, je fais avec ce que j'ai...
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
C'est vrai qu'à Paris, c'est un des films les plus régulièrement projetés lors des diverses rétrospectives. On a de la chance.someone1600 a écrit :J'aimerais bien, si seulement c'etait possible, aucun cinema dans mon coin ne diffuse de vieux films, mais les reprises dernierement de Blade Runner et Alien n'ont eu droit qu'a une seule salle et a 180 km de chez moi, a Montreal. Donc, je fais avec ce que j'ai...
Cela dit, aussi loin des salles de répertoire que tu l'es, je me demande si j'aurais développé un intérêt pour ce type de films... Ta cinéphilie relève de la résistance.
I love movies from the creation of cinema—from single-shot silent films, to serialized films in the teens, Fritz Lang, and a million others through the twenties—basically, I have a love for cinema through all the decades, from all over the world, from the highbrow to the lowbrow. - David Robert Mitchell
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Re: La soif du mal (Orson Welles)
C'est sur. Tout a debuté en fait avec un message sur un forum de discussion ou quelqu un parlait de Citizen Kane. en 2003. (Pour le cinema naphta). J'avais bien deja vu Ben-Hur, Spartacus, Ten commandments et quelques autres films a l'école aussi, mais depuis 2003, je suis carrément maniaque. Depuis j ai découvert plus de 400 films.
Dernière modification par someone1600 le 14 mai 08, 10:59, modifié 1 fois.
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