Bon, je ratiocine, mais c'est parce que je cherche le mot juste, et j'ai toujours trouvé le terme "sans complaisance" trop flou.Jack Sullivan a écrit :Alors là c'est moi qui trouve que tu pousses le raisonnement trop loin! On peut pratiquer l'indulgence sans être complaisant pour autant, il y a de la place pour la nuance tout de même.
Les Fraises sauvages (Ingmar Bergman - 1957)
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Stupéfaction!Strum a écrit : Bon, je ratiocine,
C'est un peu le cas de toutes les définitions a contrario, non, ça laisse la place pour plein de choses dans cette langue tortueuse qu'est le français? J'essayais pourtant de préciser mon idée en parlant de surchage graisseuse au niveau moral: quelque chose qu'on s'efforce de ne pas accumuler, et qu'une fois installé on essaie de déloger par tous les moyens car c'est néfaste à la santé. Et je pense que c'est beaucoup de cela en effet: une discipline, adossée à la rigoureuse morale luthérienne, un sain exercice de son esprit critique qui incite Bergman à s'observer sans les yeux de Chimène.Strum a écrit : mais c'est parce que je cherche le mot juste, et j'ai toujours trouvé le terme "sans complaisance" trop flou.
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Il n'a pas les yeux de Chimène pour lui-même et les autres, c'est sûr (il y a pourtant "de la place pour la nuance", non? ). Maintenant, est-ce que c'est "sain" de ressasser encore et encore ses défauts, ses zones d'ombre, sans prêter attention aux zones de lumière, je n'en suis pas sûr. C'est édifiant pour les spectateurs et cela fait des films puissants, comme il est édifiant de lire Kierkegaard, le pendant philosophique de Bergman. Mais c'est aussi prendre une posture consistant à condamner les autres parce que l'on se condamner soi-même. Comme tu le dis, Bergman projette ses errements dans ses personnages, dans une sorte d'exercice qui frise dans certains films l'exorcisme. J'en fais le constat, et je constate aussi qu'à cause de ces projections, je souffre avec ses personnages, qu'il malmène alors même qu'il leur donne une existence extérieure à lui-même grâce à la magie du cinéma. Et je ne prends pas souvent de plaisir à regarder une souffrance organisée par un juge, si génial soit-il. C'est tout ce que je disais. Note aussi que j'ai déjà vu une petite dizaine de Bergman et que j'entends en voir d'autres ; je ne suis donc manifestement pas complètement insensible à son cinéma.Jack Sullivan a écrit :Et je pense que c'est beaucoup de cela en effet: une discipline, adossée à la rigoureuse morale luthérienne, un sain exercice de son esprit critique qui incite Bergman à s'observer sans les yeux de Chimène.
C'est pour cela que j'ai écrit "donc" juste après : pour enfoncer le clou. Et je voulais mentionner Camus, pour rendre ma précédente référence au Jean-Baptiste Clamence de la Chute plus claire. Satisfaite ?Sinon, l'image du "juge pénitent", tu l'avais utilisée déjà dans ton post d'hier, hihi.
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Ne fais pas de mon image un exemple, elle n'est pas censé en être un!Strum a écrit : Il n'a pas les yeux de Chimène pour lui-même et les autres, c'est sûr (il y a pourtant "de la place pour la nuance", non? ).
Là où tu parles de "ressassement", je vois de la lucidité et une démarche d'honnêteté intellectuelle, le contraire de la posture de juge à laquelle tu fais allusion (le ressassement irait quant à lui du côté de ce que les anglais appellent "self-pity", et les fois où cela apparaît chez Bergman, c'est avec une solide dose d'ironie). On est dans le "connais-toi toi-même", ni plus ni moins, y compris dans ce que dela peut avoir de dérangeant (ah oui, comme il est inconfortable de se voir si laid en ce miroir... pourtant c'est moi, et je dois faire avec).Strum a écrit : Maintenant, est-ce que c'est "sain" de ressasser encore et encore ses défauts, ses zones d'ombre, sans prêter attention aux zones de lumière, je n'en suis pas sûr. C'est édifiant pour les spectateurs et cela fait des films puissants, comme il est édifiant de lire Kierkegaard, le pendant philosophique de Bergman. Mais c'est aussi prendre une posture consistant à condamner les autres parce que l'on se condamner soi-même.
Ensuite, je ne suis pas d'accord sur son (absence de) traitement des zones de lumière: elles éclatent d'autant plus fort qu'elles sont fréquemment isolées, mises en péril par l'omniprésence du Mal et des questions qu'il engendre. Les deux Sara des Fraises sauvages sont toutes douceur précisément, Marianne, même si elle essaie de se faire passer pour cynique, a soif d'amour et est pleine de tendresse pour son beau-père, les souvenirs d'enfance sont tendres et légers, etc..
EDIT: veux-tu bien arrêter d'éditer ton message pendant que je te réponds!
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On est en effet dans le Connais-toi toi-même. Je ne conteste pas à Bergman son honnêteté intellectuelle. Je constate juste qu'il l'exerce aux dépens de personnages de cinéma. Je préfère les cinéastes plus tendres et plus généreux.Jack Sullivan a écrit :Là où tu parles de "ressassement", je vois de la lucidité et une démarche d'honnêteté intellectuelle, le contraire de la posture de juge à laquelle tu fais allusion ... On est dans le "connaît-toi toi-même", ni plus ni moins, y compris dans ce que dela peut avoir de dérangeant (ah oui, comme il est inconfortable de se voir si laid en ce miroir... pourtant c'est moi, et je dois faire avec).
C'est vrai, il y a quelques trouées de lumière dans les Fraises Sauvages. Mais ce n'est pas ces percées que j'ai retenues principalement du film (je garde toutefois un beau souvenir du personnage de Marianne). Quant à d'autres films comme Cris et Chuchotement ou L'Heure du Loup...Enfin, bon, comme je te l'ai dit, j'entends revoir au moins la fin des Fraises Sauvages. Reste à savoir quand.Ensuite, je ne suis pas d'accord sur son (absence de) traitement des zones de lumière: elles éclatent d'autant plus fort qu'elles sont fréquemment isolées, mises en péril par l'omniprésence du Mal et des questions qu'il engendre. Les deux Sara des Fraises sauvages sont toutes douceur précisément, Marianne, même si elle essaie de se faire passer pour cynique, a soif d'amour et est pleine de tendresse pour son beau-père, les souvenirs d'enfance sont tendres et légers, etc..
Vous parlez plus précisémment des Fraises sauvages ou de la carrière de Bergman en général ? Car ce film en particulier est assez lumineux, ou du moins s'illumine au fil du récit. Les Fraises sauvages est un film léger d'apparence, même s'il charrie tout un tas de névroses rentrées, qui nous permet de suivre et même de partager (par l'éclatement des frontières temps présent/temps passé et réalité/rêve) le parcours d'un vieil homme au soir de sa vie.
Film lumineux car, si la passif de ce personnage est tel qu'il aurait pu être dépeint gravement avec ses nombreuses souffrances morales et psychologiques, Bergman adopte un traitement qui nous emmène de l'ombre à la lumière, de l'angoisse à la sérénité. Ainsi, Les Fraises sauvages, l'un de mes films préférés du cinéaste, raconte une ouverture à la vie (qui déteint bénéfiquement sur le personnage de Marianne) qui est d'autant plus précieuse et bouleversante qu'elle s'effectue sur le tard.
PS : je conseille plutôt à Ratatouille de commencer par les Fraises sauvages que par le Septième Sceau.
Film lumineux car, si la passif de ce personnage est tel qu'il aurait pu être dépeint gravement avec ses nombreuses souffrances morales et psychologiques, Bergman adopte un traitement qui nous emmène de l'ombre à la lumière, de l'angoisse à la sérénité. Ainsi, Les Fraises sauvages, l'un de mes films préférés du cinéaste, raconte une ouverture à la vie (qui déteint bénéfiquement sur le personnage de Marianne) qui est d'autant plus précieuse et bouleversante qu'elle s'effectue sur le tard.
PS : je conseille plutôt à Ratatouille de commencer par les Fraises sauvages que par le Septième Sceau.
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