Re: Charlie et la chocolaterie : les avis des forumeurs
Publié : 1 janv. 11, 21:20
Ma révision de Charlie et la chocolaterie de Burton m'a donné l'occasion de revoir légèrement à la hausse mon sentiment à son égard, jusqu'ici extrêmement critique : c'est simple, j'avais refusé le film en bloc la première fois, et l'avais trouvé en tous points insupportable. Je lui trouve maintenant quelques qualités qui, à mes yeux, n'en font cependant pas un film réussi ou satisfaisant pour autant, mais méritent au moins d'être soulignées. Tout d'abord, je dois reconnaître que je faisais erreur en ne voyant là-dedans que de la niaiserie, car sous ses allures de bonbon criard, Charlie et la chocolaterie recèle une certaine ambiguïté larvée. C'est d'abord un conte dont la méchanceté éclot par petites touches discrètes (comme par exemple, l'ascenseur de verre qui défonce la toiture de la bicoque des pauvres - comme s'ils avaient besoin de ça !) ou évidentes (notamment la jubilation recherchée auprès du spectateur face à l'élimination progressive des insupportables petits garnements, incarnations diverses de l'enfant-roi de la société moderne). Je ne trouve pas forcément, d'ailleurs, que ces piques contre les enfants pourris par leurs parents soient très subtiles (le gros tas qui s'empiffre, la chieuse racée, etc), mais on me rétorquera à raison que ces enfants ne sont justement que des archétypes agaçants et caractériels dont la médiocrité doit permettre à Charlie de briller. Probablement qu'ils étaient d'ailleurs déjà ainsi définis dans la nouvelle de Roald Dahl, mais je ne l'ai pas lue. L'ambiguïté ne s'arrête pas ici et je suis en cela d'accord avec le forum Bill Douglas, plusieurs pages plus bas : de la vision idéalisée et magique de l'usine, avec ses ouvriers lilliputiens mono-faciaux et écureuils coordonnés à la perfection, au grand-père licencié sans préavis mais ébahi devant le merveilleux univers inventé par son ex-patron cynique, en passant par le plan final montrant la maison familiale digérée par l'usine, Charlie et la chocolaterie danse sur deux pieds, exaltant d'une part des valeurs de bonté et de désintéressement, pour, d'autre part, rester flou quant à son discours sur le capitalisme. Je fais peut-être fausse route, mais au final, le message que j'ai cru recevoir, c'est, un peu comme dans Metropolis : la mondialisation et le travail c'est bien du moment qu'on y met le cœur (Willy Wonka s'est réconcilié avec son père, il dîne maintenant avec les petites gens, mais l'usine-Xanadu continue et continuera de tourner). Le film est, par différents aspects, une œuvre plutôt personnelle, permettant à Burton de répéter certains traits caractéristiques de son cinéma : la relation père-fils, le pouvoir de l'imaginaire, par exemple. Voilà. La première demi-heure se suit très agréablement : de belles idées, une mise en scène à la hauteur. Je crois alors Burton en forme. Mais, comme une cassure, l'entrée dans la chocolaterie fait rentrer le film dans une mécanique de soustraction infantile très répétitive et pénible, scandée par des chansons affreuses et insupportables à mes oreilles (désolé Ratatouille ... mais quand même, WTF? ). Charlie et la chocolaterie devient alors progressivement intenable et exaspérant, entre un Johnny Depp guindé qui cabotine et s'amuse tout seul ou des Oompas Lumpas miauleurs qui se montrent à l'écran aussi agaçants qu'un Jar Jar Binks. Reste l'épineuse question de la direction artistique. Casse-gueule à l'extrême car outré dans ses coloris flashy, l'univers visuel est aussi fou que pouvait l'être, dans un registre opposé, celui d'un Batman le défi. Je ne sais pas trop quoi penser à ce sujet, car d'un côté je suis sincèrement admiratif devant les partis-pris kitsch, gloutons et féériques du décorum impressionnant, mais d'un autre, comme tout chocolat dont on se délecterait immodérément, il ressort de ce monde gigantesque une violente envie de haut-le-cœur, renforcée par des CGI pas toujours convaincants.
Je n'ai pas envie de casser du sucre sur cette Chocolaterie, mais entre friandise agréable et crise de foie, le glissement est facile et à mon sens, Burton n'a pas forcément su (ou voulu) l'éviter.