Ambre de Otto Preminger (1947)
Au XVIIe siècle, Ambre St Clare, une belle jeune femme très ambitieuse mais de condition modeste, est prête à tout pour gravir rapidement les échelons de l’ascension sociale. Elle sera déchirée entre l’amour qu’elle porte à Bruce Carlton et ses ambitions.
En dépit d'une édulcoration attendue, une bien belle adaptation du classique de Kathleen Winsor.
Ambre, premier roman de son auteur fit scandale à sa parution en 1944. Dépeignant l'ascension d'une jeune paysanne durant la période de restauration de Charles II, le récit détonait par son héroïne immorale et sans scrupule séduisant brigand, riches propriétaires, noble vieillissant puis le roi lui même devenant ainsi une des personnes les plus puissantes du royaume. Les passages érotiques très explicites firent la réputation sulfureuse du livre tandis que l'aspect romanesque (tout ces actes sont en faits dans le but d'épater le seul homme dont elle fut jamais amoureuse son premier amour Lord Carlton) et picaresque dans les multiples embûches sur le chemin de la réussite de Ambre en rendait la lecture palpitante. Alexandre Dumas n'était pas loin non plus dans la description plus vraie que nature de certaines grandes figures historique rencontrés par Ambre comme Charles II ou Barbara Palmer.
En plein code Hays, l'adaptation envisagée par Darryl Zanuck ne pouvait qu'être aseptisée et d'ailleurs le tournage ne sera pas sans peine. Pensé comme le nouvel Autant en emporte le vent (film en costume, héroïne romanesque portant un prénom de couleur) le film est commencé par le spécialiste du mélo John Stahl avec l'inconnue Peggy Cummings dans le rôle de Ambre. Zanuck peu satisfait des premières images, du dépassement de budget et de la prestation de Cummins renvoie tout le monde pour imposer Otto Preminger à la réalisation et Linda Darnell dans le rôle de Ambre (alors que Preminger souhaitait Lana turner qui aurait effectivement sans doute été meilleure).
Une fois la cause entendue qu'on aura pas une trame aussi explicite que celle de Kathleen Winsor (les situations érotiques, les aspect plus sordides comme les méthodes d'avortements des femmes de l'époque) le film est vraiment fidèle au roman et très agréable à suivre. Rarement film en costume aura été aussi flamboyant visuellement, les décors sont aussi monumentaux que luxueux, lles costumes magnifiques et le technicolor étincèle avec la photo absolument prodigieuse de Leon Shamroy. Le récit tend bien plus vers le pur romanesque que le livre et les différences subtiles concernent essentiellement la nature du personnage de Ambre. Linda Darnell (teinte en rousse) aussi belle en haillons de paysanne qu'en atours de comtesse exprime parfaitement la nature passionnée de Ambre, prête à tout sacrifier à chaque réapparition de Lord Carlton et dont la volonté de s'élever est autant dû à une ambition démesurée qu'à un besoin d'être estimée comme son égal afin d'être sa compagne.
Ambre perd donc son côté calculateur et antipathique du livre afin de ne pas s'aliéner l'adhésion du public et il n'est pas étonnant que le seul moment la montrant réellement néfaste (lorsqu'elle séduit un riche vieil homme, le pousse à l'agonie par ses infidélités avec Carlton touche sa fortune et ruine sa belle famille) soit le seul à disparaître sur grand écran. Malgré son charme Linda Darnell peine à retranscrire l'aspect charnel et sensuel de Ambre, à la lecture du livre j'imaginais plutôt Jennifer Jones puisque aussi à la l'aise en sauvageonne provocante (
La Renarde,
Duel au Soleil) qu'en dame du monde distinguée (
Madame Bovary). Qutte à ne rien montrer certes, la prestation de Linda Darnell aurait un pu dégager un peu plus l'aspect sulfureux de Ambre mais elle reste un peu trop timorée sur ce point.
Hormis ses réserves Preminger délivre une oeuvre puissantes aux tableaux saisissant : les coupes gorges que constituent les bas fond londonien de l'époque et ses prisons sordides, la cour aux moeurs dissolues de Charles II (Excellent George Sanders même si un peu en retrait. Le couple Cornell Wilde/ Linda Darnell a une vraie dimension tragique et passionnée à la Rhett Butler/Scarlett O'Hara où un obstacle viendra toujours entraver leur bonheur. L'alchimie entre les deux est palpable et culmine lors de l'apocalyptique séquence de l'épidémie de peste (pour le coup pas du tout édulcorée) où Ambre maintien en vie Carlton contaminé par la seule force de son amour.
Donc hormis les chipotages d'un fan du roman c'est donc très prenant et réussi, il n'y a que la conclusion (alors que la fin ouverte du roman était assez géniale) qui déçoive réellement, trop expédiée et alors qu'on pouvait attendre un grand final en apothéose flamboyante de sentiments. 5/6