The godfather part two (Le parrain II) (Francis Ford Coppola, 1974) :
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Suite remarquable par sa structure très innovante et par l'apport essentiel qu'elle lègue par rapport au premier opus. Le scénario, en mettant en parallèle l'ascension de Michael Corleone (Al Pacino) et celle en flash-back de son père (Robert De Niro) souligne le caractère héréditaire de la violence que le système mafieux a mis en place et institutionnalisé à travers les générations. Les motivations et les parcours du père et du fils sont alimentés par les mêmes questions d'honneur, de justice extrémiste : celle de la vengeance prime surtout, même sur les liens familiaux. Si Vito Corléone a bâti son empire pour et par sa famille, Mike Corléone bâtit son empire sur les ruines de la sienne.
Ce deuxième épisode montre les mêmes certitudes, le même credo et les mêmes conséquences. Dans le premier parrain, Mike d'abord réticent ou alors cachant ses ambitions pour mieux apprendre son métier de "Don", se révèle fin calculateur et d'une froideur impressionnante. Dans ce deuxième film, son pouvoir semble le griser de manière encore plus démesurée, le transportant vers de plus hautes sphères politiques. La violence extrême dont il fait preuve explose dans les moments où sa famille ou bien son orgueil sont en danger. Elle est l'héritage empoisonné qui précipite la destruction de sa famille (son frère Freddo et sa femme en faisant les frais de manières différentes).
Pour mettre en image cette double trajectoire, Coppola parait avoir bénéficié d'un peu plus de moyens. Les détails des décors, la multitude de figurants dans les rues ou bien sur Ellis Island sont épatants. Une nouvelle fois : le blu-ray Paramount rend superbement hommage au soin apporté à ce spectaculaire réalisme. La photographie de Gordon Willis est encore une des plus belles qui soient, un show ahurissant. Les cadrages sont tout bonnement sublimes, tout comme l'étaient ceux du premier opus.
Difficile entre les deux films de savoir lequel est meilleur. Peut-être que cette ossature en deux films parallèles, deux histoires et la richesse formelle de la reconstitution historique apportent une plus-value sur le deuxième? Peu importe.
La distribution est toujours de très grande qualité. Comment ne le serait-elle pas avec ce que nous donne le jeune et fringant Robert de Niro?
Sur sa lancée du premier épisode, Al Pacino déchire toujours autant sa mémé. On s'assoit, on regarde, on se tait et on admire. Comme devant un monument. On est devant l'Histoire.
Cette seconde partie permet mieux de se rendre compte de la pertinence de jeu de John Cazale, un acteur que je ne connaissais pas ou qui ne m'avait pas marqué jusqu'à maintenant.
Concernant Diane Keaton, elle ne fait que confirmer ce que je savais déjà : une comédienne stupéfiante.
J'aurais eu l'agréable surprise de retrouver un Gastone Moschin méconnaissable en Fanucci, grande gueule du cinéma italien. Piacere.
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The godfather part three (Le parrain III) (Francis Ford Coppola, 1990) :
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La césure entre le "Parrain II" et le "Parrain III" est très nette. Si nette que l'on peut parler de rupture. Michael Corleone a vieilli, il est usé, fatigué. Pendant tout le film, il adopte une attitude totalement en contradiction de celle qu'il avait dans le précédent. Par quel miracle en est-il arrivé là? Aucune indication. Le revirement est si brutal qu'il en devient un peu trop gênant pour moi. Pris indépendamment, ce "Parrain III" est un bon film, mais c'est une suite un peu foirée tout de même. Je ne parviens toujours pas à accepter ce changement de personnage. Peut-être aurait-il fallu un autre épisode du parrain entre le II et le III qui montre l'évolution du personnage, des évènements cruciaux qui lui ouvrent les yeux notamment sur la vanité de sa violence?
On le découvre ici chancelant, pleurant la mort de son frère qu'il a commanditée. La scène de confession avec Raf Vallone m'a sur ce point choqué : je la ressens comme un objet non identifié, tombé du ciel. Ma femme, inconditionnelle de la trilogie, a beau me dire que le personnage est peut-être si manipulateur qu'il essaie en même temps que de convaincre les autres de s'auto-persuader qu'il se repent de ses crimes passés. Je n'y crois pas trop. Je le crois volontiers sincère dans sa démarche, seulement cela ne correspond guère au personnage du 1er comme du 2e qui s'est forgé une carapace si épaisse qu'il devient possible pour lui de tuer son propre frère, qu'il se sent incapable de ne pas le faire assassiner, de lui accorder son pardon.
On avait avec les deux premiers chapitres une grande fresque tragique sur la brutalité, avec un personnage de plus en plus violent, de plus en plus perdu par son orgueil et son pouvoir. Soudain on se retrouve avec un pauvre bougre qui cherche, vainement bien entendu, à recoller les morceaux qu'il s'est échiné avec vaillance à réduire en poudre. Le contraste est trop difficile à avaler. Tout ça pour ça.
Et puis cette idée démagogique que les grands prélats de l'Église catholique romaine sont plus mafieux encore que les grands chefs de la pègre est un peu trop grossièrement décrétée. Certes, l'Église s'organise sur un système politique et financier autant que spirituel de très grande envergure mais de là à en faire un ogre de la haute criminalité, le pas me parait assez glissant et fougueux.
Certes encore, les théories du complot font florès jusqu'au cinéma mais disons que l'évolution de Michael Corleone n'a pas besoin de cette posture pour se développer vers une issue fatale.
Voilà ce que j'ai préféré dans cette histoire : le caractère littéralement tragédien. Le visage d'Al Pacino décomposé par la douleur m'a fait penser à ces masques du théâtre antique grec, porteur ostentatoire de l'émotion jusqu'au haut des estrades. L'incroyable puissance du comédien américain se manifeste si judicieusement dans le hurlement "silencieux" que le temps semble s'arrêter, on ne peut plus respirer, on ne pense plus, on attend désespérément ce cri qui met tant de temps à nous délivrer. Une scène d'anthologie.
Dans ce "parrain III" il faudra donc attendre la toute fin pour que le film atteigne les sommets. Non, décidément, je n'arrive pas à me décrotter le regard : je relie toujours ce 3e film aux deux précédents alors que pris d'une manière indépendante, ses qualités de grand film pourraient sûrement plus facilement s'épanouir. Le "parrain III" est par conséquent un film en quête d'émancipation.
J'ai déjà dit ici comme ailleurs toute mon admiration pour ce génial comédien qu'est Al Pacino. N'en jetons plus.
Diane Keaton dans les deux précédents films faisait forte impression et, comme de bien entendu, la patronne remet le couvert avec une facilité déconcertante.
Il faut noter l'assurance avec laquelle le jeune Andy Garcia est entré dans la danse. A l'image de ses illustres devanciers Pacino et De Niro, il prend les rênes d'un rôle de mafieux sûr de lui, sans en rajouter, avec une belle justesse.
Malheureusement on ne peut pas en dire autant de la pauvre Sofia Coppola. Francis Ford Coppola a la détestable manie de faire participer sa famille (Talia Shire et Carmine Coppola sont également de la partie). Il y aurait beaucoup à dire sur la pauvreté de jeu de la fifille à son papa. En plus d'être dotée d'un physique presque disgracieux, elle ne parvient jamais à insuffler quelque élan de passion ou de grâce à son personnage. C'est vraiment dommage, il est central. Une actrice plus douée mais moins coppolienne aurait facilement donner plus d'intensité au drame amoureux ainsi qu'à la tragédie finale.
Voilà, je cherchais une apothéose et je reste sur ma faim avec pourtant un bon film. C'est injuste mais j'espérais une sorte de ligne pure, bien dessinée, droite et forte sur les trois films. J'en aurais eu deux. Une déception d'enfant gâté en somme.