L'horoscope de Jésus Christ (1988)
Les premières minutes m'ont fait regretter d'être dans la salle. C'est le Jancso des mauvais jours avec ses plans-séquence en roue libre sans queue ni tête avec des mecs qui déambulent sans raison munies de caméras vidéos dont les images sont diffusés (pas forcément en direct) sur des télés qui apparaissent aléatoirement dans le cadre...
Et puis passé une vingtaine de minute, les éléments se calment et se recentrent sur un homme à une fête dont la compagne est bientôt assassinée. A partir de là, le film devient excellent. Jancso parvient à construire un univers très troublant et profondément kafkaïen (on découvre d'ailleurs vers la fin du film que le héros s'appelle Joseph K... révélation presque superflue). Mais surtout il brouille nos repères spatiaux et temporels en se recentrant sur 2-3 individus et une succession de lieux clos. Sa caméra parcourt ses espaces réduits et dessine une brillante chorégraphie où les personnages sortent du cadre pour ré-apparaître à un endroit inattendu dans une tenue différente, le tout avec toujours des écrans de télévisions où l'on voit des images du passées ou des points de vue alternative.
Il y a quelque chose très mentale dans cette construction, avec de fugaces passages inquiétants comme des violentes lumières aveuglantes qui surgissent des portes que les personnages cherchent à ouvrir.
Il n'y a pas réellement de logique dans tout ça mais le climat mis en place parvient une nouvelle fois à hypnotiser et intriguer (il faut juste passer outre l'introduction donc). L'ambiance mystérieuse, l'étrange malaise insaisissable et la virtuosité technique fonctionnent vraiment plan. Le dernier plan à ce titre est un sacré tour de force.
Dieu marche à reculons (1990)
Retour à la douche froide... Et une sévère
Pour le coup, c'est plutôt l'inverse du précent, ça commençait plutôt pas mal avec un petit ton décalé et un utilisation très poussée des écrans de télé pour créer un morcellement spatial sans couper la longueur du plan. Sans oublier une ravissante actrice peu vêtue.
Mais au bout de 15-20 minutes, ça tourne totalement en rond et surtout à vide. Jancso répète inlassablement le même type de plan dans un décor quasi unique, tout en reposant sur des ressorts bien trop proches. Ca sent vraiment l'impasse artistique d'un cinéaste qui ne sait plus quoi faire pour se renouveler.
J'étais même à deux doigts de me sauver de la séance mais je suis resté et là, modeste miracle, les 10 dernières minutes sont très bien (les deux derniers plans quoi

) : le film se termine et on se trouve en fait à la fête de fin de projection où Jancso tient donc son propre rôle et philosophie sur la situation politique des années 50 et évoque ceux qui ont rendus leurs cartes au parti, ceux qui ont été arrêté, ceux qui ne l'ont pas été etc... Il se produit ainsi une séquence vraiment étonnante, qui crée une sensation pas évidente à décrire ; un mélange de mélancolie, de voyeurisme, de sagesse, et de confessions. Il est tout de même dommage de devoir attendre la conclusion pour saisir que
Dieu marche à reculons est une parabole sur la situation de la Hongrie des 50's. Je me demande même si tout cela est clair pour un hongrois. Quelqu'un connait un hongrois au fait ?
J'ai également vu un deuxième programme de courts-métrages. Pas grand chose à dire sur
Restes de 1993 (où l'on suit la déambulation d'un violoniste juif dans un monde rural en fin de vie - jolie mais très répétitif) et sur
La place des héros, un documentaire d'heure datant de 1997 qui est avant tout un collage d'archives et de plans d'enfants sur la place des Héros.
Par contre
Immortalité (1959) est un court-métrages époustouflant. Il s'agit d'un portrait de l'artiste György Goldmann, mort dans les camps de concentration. Plutôt que choisir une biographie traditionnelle, Jancso opte pour un impressionnant symbolisme expressionniste dont chaque plan est d'un inventivité visuelle totalement folle. Pas de plan-séquence mais un découpage plus classique. Enfin "classique", pas tant que ça étant donné la maîtrise visuelle avec ses contrastes tranchant, ses jeux de reflets virtuoses, des ralentis saisissants. 20 minutes qui m'ont rendu béa d'admiration.
Dernière information pour conclure cette rétrospective à la Cinémathèque, Clavis Films annonce un second coffret !
En 2016, nous prévoyons un coffret Bis avec ses films en coproductions internationales et nous attendons que la restauration soit faite pour Agnus Dei et les Rhapsodie hongroise 1 et 2 pour pouvoir les éditer.
Dans ce coffret nous avons réunis des compléments exceptionnels :
- Livret avec les propos de Jancso + photos de tournages
- Entretiens sur Jancso avec :
Martin Scorsese (réalisteur), Jànos Kende (chef opérateur), Marina Vlady (comédienne), Yvette Biro (dramaturge de Jancso), Noël Simsolo (écrivain), Gérard Mordillat (cinéaste), Tamàs Banovich (son chef décorateur)
- 2 documentaires sur Jancso réalisés en Hognrie et en France
- 2 Making of (Sirocco d'hiver + Rouges et Blancs)
- Scènes de répétitions inédites des Sans-Espoir
- Rencontre de Marina Valdy et de Jànos Kende avec le public à La Cinémathèque française
- Visite de Jànos Kende à la collection d'appareils de La Cinémathèque (caméras des Lumières et celle de Pathé, etc...)
- 6 courts-métrages de Jancso des années 1950
- Diaporams de photos
C'est vraiment un excellent nouvelle, ne serait-ce que pour les deux
Rhapsodie Hongroise qui m'ont fait forte impression. Je me demande s'il y aura aussi
La Pacifista et
Vices privés, vertus publiques que j'avais raté en soirée Bis.