Rage (David Cronenberg - 1977)
Publié : 20 avr. 06, 16:26
Victime d'un grave accident de moto, Rosie est conduite dans une clinique toute proche pour y être opérée en urgence. Le Dr Keloïd, va pratiquer sur elle une greffe expérimentale de tissus neutralisés sensés remplacer les organes lésés dans l'accident. Malheureusement, la greffe va prendre une tournure particulière, dotant Rosie d'un appendice, certes destiné à la nourrir (ses intestins ayant été gravements touchés lors du crash), mais pas de manière conventionnelle. Elle va être malgré elle à l'origine d'une épidémie mortelle.
Voilà pour l'idée qui soutient "Rage", deuxième long métrage de David Cronenberg après "Frissons". D'un premier abord, le script peut paraître déroutant à plus d'un. Si la théorie qui sous-tend la greffe est assez claire et plausible, si "l'échec" de cette greffe se comprend aisément, on ne voit pas toujours très bien le lien qu'il peut y avoir entre l'appendice dont est doté Rosie et la "rage" qu'elle répand, comment la mutation d'un tissu greffé peut transmettre ce qui s'apparente à un virus. La principale faiblesse du scénario est d'aborder deux thématiques différentes sans vraiment expliciter scientifiquement leur relation :
- d'un côté le dard sous l'aisselle de Rosie qui fait d'elle une sorte de vampire
- de l'autre la "morsure" de Rosie qui transmet une forme de rage incurable
Le film tient la route une fois le postulat de base accepté et se laisse voir très agréablement. La réalisation bien que parfois encore hésitante, est bien plus aboutie que dans "Frissons". La patte d'un cinéaste qui se cherche encore probablement, mais ces faiblesses sont en contraste avec la qualité des moyens-métrages qu'il a réalisé plus tôt. Le principal reproche se situant au niveau des attaques des zombies enragés qui à mon sens, ne sont pas assez brutales pour surprendre ou effrayer ou sont trop rapides et pour vraiment générer un véritable malaise. On pouvait déjà faire ce reproche aux assauts des frénétiques dans "Frissons". A ce titre, les attaques de Rosie, sensuelles, presque sexuées sont bien plus réussies.
Intéressante relecture du mythe du vampire, le film recèle déjà plusieurs obsessions du réalisateur :
- la médecine et le background scientifique (il ne faut pas oublier que Cronenberg avait débuté des études de science): le Dr Keloïd (une cheloïde étant une cicatrice hypertrophique en jargon médical), chirurgien plasticien pouvant être vu comme l'alter ego du médecin fou de "Shivers". La théorie de la greffe de tissu neutralisé n'étant pas loin de la théorie des parasites expliquée par Rollo Linski dans ce dernier. On retrouvera des médecins dans "Chromosome 3", "Faux-semblants", des scientifiques apparentés dans "Stereo", "Scanners", "La mouche"...
- les altérations du corps bien entendu avec cette greffe ratée qui va modifier Rosie.
- comme dans plusieurs de ses films, la menace vient du corps lui-même, elle ne lui est pas extérieure, ce n'est que secondairement qu'elle s'extériorise. Un peu à l'image du parasite...
La vision de Cronenberg est on ne peut plus pessimiste. "Rage" est un film désespéré, déprimé à l'image de ces immeubles froids en béton que Cronenberg filme régulièrement. Son "héroïne" ou plutôt antihéroïne, monstre malgré elle, monstre en souffrance n'aspire qu'à la normalité. #spoiler# Elle ne peut plus s'alimenter autrement que via l'appendice sous son aisselle. Toutes les tentatives qu'elle fait l'amènent à vomir, même quand elle essaye de "boire" le sang d'une vache pour ne pas blesser d'être humain. Son désespoir va grandissant en découvrant que non seulement, elle est condamnée à vampiriser pour survivre, mais que sa "morsure" déclenche une épidémie mortelle. C'est cette prise de conscience qui va la mener à son geste suicidaire mettant fin (?) à l'origine du mal mais probablement pas à l'épidémie elle même comme l'attestent les dernières images. #fin spoiler# Rosie est comme un de ces monstres doués de conscience à l'instar de celui de Frankenstein ou d'un Dr Jeckyll que l'on retrouve de temps en temps dans le cinéma ou la littérature fantastique. Des êtres tirés vers le mal malgré eux dont les rares moments de lucidité, les poussent vers l'auto-destruction. L'interprétation de Marilyn Chambers, jusque là cantonnée au X, sans être transcendante donne beaucoup de sensibilité au personnage et fait assez bien ressortir sa souffrance. Cronenberg nous livre des personnages plus fouillés que dans "Frissons", des personnages, Rosie en tête, fragiles, faillibles, auxquels ont peut plus aisément s'identifier que ceux de son précédent métrage.
4.5/6
Voilà pour l'idée qui soutient "Rage", deuxième long métrage de David Cronenberg après "Frissons". D'un premier abord, le script peut paraître déroutant à plus d'un. Si la théorie qui sous-tend la greffe est assez claire et plausible, si "l'échec" de cette greffe se comprend aisément, on ne voit pas toujours très bien le lien qu'il peut y avoir entre l'appendice dont est doté Rosie et la "rage" qu'elle répand, comment la mutation d'un tissu greffé peut transmettre ce qui s'apparente à un virus. La principale faiblesse du scénario est d'aborder deux thématiques différentes sans vraiment expliciter scientifiquement leur relation :
- d'un côté le dard sous l'aisselle de Rosie qui fait d'elle une sorte de vampire
- de l'autre la "morsure" de Rosie qui transmet une forme de rage incurable
Le film tient la route une fois le postulat de base accepté et se laisse voir très agréablement. La réalisation bien que parfois encore hésitante, est bien plus aboutie que dans "Frissons". La patte d'un cinéaste qui se cherche encore probablement, mais ces faiblesses sont en contraste avec la qualité des moyens-métrages qu'il a réalisé plus tôt. Le principal reproche se situant au niveau des attaques des zombies enragés qui à mon sens, ne sont pas assez brutales pour surprendre ou effrayer ou sont trop rapides et pour vraiment générer un véritable malaise. On pouvait déjà faire ce reproche aux assauts des frénétiques dans "Frissons". A ce titre, les attaques de Rosie, sensuelles, presque sexuées sont bien plus réussies.
Intéressante relecture du mythe du vampire, le film recèle déjà plusieurs obsessions du réalisateur :
- la médecine et le background scientifique (il ne faut pas oublier que Cronenberg avait débuté des études de science): le Dr Keloïd (une cheloïde étant une cicatrice hypertrophique en jargon médical), chirurgien plasticien pouvant être vu comme l'alter ego du médecin fou de "Shivers". La théorie de la greffe de tissu neutralisé n'étant pas loin de la théorie des parasites expliquée par Rollo Linski dans ce dernier. On retrouvera des médecins dans "Chromosome 3", "Faux-semblants", des scientifiques apparentés dans "Stereo", "Scanners", "La mouche"...
- les altérations du corps bien entendu avec cette greffe ratée qui va modifier Rosie.
- comme dans plusieurs de ses films, la menace vient du corps lui-même, elle ne lui est pas extérieure, ce n'est que secondairement qu'elle s'extériorise. Un peu à l'image du parasite...
La vision de Cronenberg est on ne peut plus pessimiste. "Rage" est un film désespéré, déprimé à l'image de ces immeubles froids en béton que Cronenberg filme régulièrement. Son "héroïne" ou plutôt antihéroïne, monstre malgré elle, monstre en souffrance n'aspire qu'à la normalité. #spoiler# Elle ne peut plus s'alimenter autrement que via l'appendice sous son aisselle. Toutes les tentatives qu'elle fait l'amènent à vomir, même quand elle essaye de "boire" le sang d'une vache pour ne pas blesser d'être humain. Son désespoir va grandissant en découvrant que non seulement, elle est condamnée à vampiriser pour survivre, mais que sa "morsure" déclenche une épidémie mortelle. C'est cette prise de conscience qui va la mener à son geste suicidaire mettant fin (?) à l'origine du mal mais probablement pas à l'épidémie elle même comme l'attestent les dernières images. #fin spoiler# Rosie est comme un de ces monstres doués de conscience à l'instar de celui de Frankenstein ou d'un Dr Jeckyll que l'on retrouve de temps en temps dans le cinéma ou la littérature fantastique. Des êtres tirés vers le mal malgré eux dont les rares moments de lucidité, les poussent vers l'auto-destruction. L'interprétation de Marilyn Chambers, jusque là cantonnée au X, sans être transcendante donne beaucoup de sensibilité au personnage et fait assez bien ressortir sa souffrance. Cronenberg nous livre des personnages plus fouillés que dans "Frissons", des personnages, Rosie en tête, fragiles, faillibles, auxquels ont peut plus aisément s'identifier que ceux de son précédent métrage.
4.5/6