Dans un bonus du BR Carlotta de
The New Centurions, le cinéaste Nicolas Boukhrief (qui ressemble à l'acteur Tom Sizemore) pointe avec justesse la linéarité du récit, l'absence de vrais morceaux de bravoure, le côté étal d'un scénario privilégiant le rythme routinier de la chronique. Il relève également que le film traite de l'enfermement des policiers dans une sorte de bulle psycho-corporatiste dont la perspective de sortir équivaut au risque de déprimer et de vouloir en finir, dans une solitude que vient faciliter un taux de divorce assez vertigineux.
Le style à la fois claustro et ouvert sur l'imaginaire de Fleischer s'accommode parfaitement de l'autisme moral d'un sujet dont Boukhrief capte bien qu'il conjugue autant tristesse insondable qu'absence totale de complaisance. Au cours de ces années 70 que Rick Blaine qualifie de second âge d'or de la filmo, il s'avèrerait presque que Richard Fleischer, n'était la subtile luxuriance de sa manière, réalise là les films les plus tristes et déprimants qui soient :
L'Etrangleur de Boston, qui ouvre ce corpus, et se termine par la mise à mort psychique la plus effrayante qui se puisse concevoir; l'autre étrangleur, celui de
Rillington Place, dont les pérégrinations nous laissent atterrés, ou
The Spikes Gang, d'une lucidité impitoyable, sans parler de notre devenir au sortir du
Soleil Vert. Bigre, tout cela n'est pas
Tata Yoyo.. Ne dérogeant pas,
The New Centurions s'ajuste à la déprime ambiante en se mettant formellement en quarantaine, comme déconnecté de toute frime, de toute tentation clinquante. Le film se met aussi dans sa bulle. Une bulle polluée par le
smog de LA, irisée de son soleil voilé, sillonnée d' artères sans éclat. Il n'est pas jusqu'à la musique de Quincy Jones, d'un abord conventionnel, qui ne semble s'excuser d'être là, comme inhibée, presque pitoyable avec son
groove à la Shaft complètement chétif et ses trois notes cafardeuses que l'on entend à l'extrême fin lorsque..bref. D'ailleurs, petite trouvaille géniale dans un registre subliminal, lors de la dernière patrouille de Stacy Keach, alors que ses potes le cuisinent sur sa nouvelle compagne et qu'il leur dit en gros qu'il a trouvé la femme de sa vie, le
groove à la Shaft et les trois petites notes de cafard se superposent (il faut avoir l'oreille).Cette bulle ici décrite est le petit théâtre de Richard Fleischer, celui qu'il tend comme il le ferait d'un chapiteau blême pour y laisser éclore de prodigieuses petites fulgurances dont le cinéaste a le secret (le coup du
shotgun ou la fuite d'un malfrat dans un souterrain qu'il plonge progressivement dans le noir en éclatant, une à une, les ampoules qui l'éclairent, idée visuelle stupéfiante, sans parler du désormais fameux et sépulcral plan séquence sur George C.Scott! ). Avec beaucoup de science, Fleischer sait éteindre et rallumer la braise du spectacle, à sa convenance, en fonction des humeurs de la mise en scène. Par endroits, Richard Fleischer, dont les racines sont germaniques, se pique de nous rappeler à la façon d'un Preminger, que le monde est aussi une scène. Dans une séquence merveilleuse, des putes noires, tout droit sorties de
Porgy and Bess, se comportent comme une joyeuse troupe de saltimbanques, que le cinéaste prend un plaisir immense à filmer, tout en soutirant à la grisaille morale ambiante un peu de bariolage festif.