A la demande générale, je me jette à l'eau et inaugure le topic dédié à ce cinéaste populaire français par excellence, décédé il y a maintenant quatre ans.
Inaugurer un topic sur Verneuil, c'est se lancer à l'abordage d'une oeuvre qui est finalement assez controversée. En effet, nous aurons l'occasion de nuancer notre propos mais il faut reconnaître qu'il fut souvent aimé par le public et conspué par la critique. Mais la critique était en son temps beaucoup plus méchante que maintenant et forcément,Verneuil, qui a commencé sa carrière dans les années 50 dans le sillage d'une "qualité française", honnie par la future "nouvelle vague" avec une série de films ayant Fernandel comme vedette fut associé au cinéma anti-intellectuel, commercial, à grosses vedettes, etc
Gardons nous des clichés en tous genre même s'ils perdurent, comme le montre la façon odieuse de M. Jean-François Rauger de descendre froidement les films de Verneuil dans ses colonnes du monde. Personne n'est tout noir ni tout blanc. Certains films de la nouvelle vague ont mal vieilli pendant que des films de Verneuil se sont bonifiés avec las années et vice versa.
A titre personnel, je direz ceci: je regrette en France et dans le cinéma contemporain en général le fossé EN GENERAL entre des films populaires mais simplistes et faiblards et des films d'auteur ambitieux mais confidentiels et qui difficilement accessibles. Alors qu'en son temps Truffaut faisait un cinéma d'auteur mais qui ne rechignait pas à attirer le plus grand nombre, tandis que Verneuil faisait du cinéma populaire qui ne rechignait pas à avoir une certaine ambition.
Et on ne peut que regretter l'absence dans les "bessonnades" actuelles de l'ambition présente dans de nombreux films de Verneuil: UN SINGE EN HIVER, I COMME ICARE...
Voici ce que je peux dire sur les films de Verneuil, en précisant ceci. Mon rapport personnel avec son oeuvre est étrange: tantôt je trouverai un film de Verneuil stimulant, agréable, excellent, plutôt intelligent; tantôt je trouverai un film de Verneuil daté, simpliste, sans grand intérêt....
Tantôt tel film me fera éprouver simultanémént des sentiments positifs et des sentiments négatifs. Peut être aussi que certains films de ses films ont été trop rediffusé à la télé..
Je connais mal ses premières années et particulièrement les films de Fernandel mais on peut retenir un très beau drame réaliste avec Gabin en routier: DES GENS SANS IMPORTANCE (1955) film qui est souvent apprécié par ceux qui d'habitude cassent du sucre sur son dos.
LA VACHE ET LE PRISONNIER: nul besoin de présenter ce classique du grand et du petit écran, un des films les plus célèbres de Fernandel.
LE PRESIDENT: un film passionnant sur la vie politique de la tout juste défunte quatrième République. Du pur Gabin avec des dialogues d'Audiard et un goût pour l'observation politique que Verneuil confirmera dans I comme Icare par exemple.
UN SINGE EN HIVER: Blondin, Audiard, et surtout un duo Gabin- Belmondo (qui n'est pas encore adepte du cabotinage outrancier malgré son rôle d'ivrogne). Très beau film mélancolique avec de nombreux morceaux d'anthologie "audiardesques". Un classique.
MELODIE EN SOUS SOL: duo Delon-Gabin jubilatoire. Deux moments d'anthologie:la séquence finale et le dialogue: "Toi et ton père, tu nous aura fait mourrir de chagrin -tant mieux, comme ça, on ne retrouvera pas l'arme du crime".
CENT MILLE DOLLARS AU SOLEIL: souvenir agréable et arrivée de Lino chez Verneuil mais je dois le revoir celui-ci..
WEEK END A ZUYDCOOTE: le prix nobel de Robert Merle devient un très beau film avec Belmondo au top et un ton tragicomique original. Dommage qu'il y ait quelques baisses de rythme car c'est voilà un film méconnu: pourquoi ?
LA BATAILLE DE SAN SEBASTIEN et LA VINGT CINQUIEME HEURE: deux films avec Anthony Quinn que je n'ai pas vu
LE CLAN DES SICILIENS: là un film culte hyper connu. Mais je fus déçu en le revoyant: le scénario manque de rigueur et de concision et même d'enjeux (énième gros coup qui finit mal), les effets ont vieilli (l'avion de studio). Surtout, j'ai du mal à accepter Gabin en parrain italien
: Ventura, qui reste ici assez sous employé n'eût-il pas mieux convenu ?
Déception mais une re-vision me fera changer d'avis et la musique de Morriconne est superbe.
LE CASSE, PEUR SUR LA VILLE et LE CORPS DE MON ENNEMI: là aussi je trouve que ces Belmondo ont pris la pousière. Les scénaris sont simplistes (la palme au casse), Belmondo cesse peu à peu d'être un acteur subtil pour refaire le numéro de gymnaste cabotin et pour lui, plus dûre sera la chute (LE SOLITAIRE, JOYEUSES PAQUEs), le manichéisme est prééminent, et sur le plan plastique, c'est hideux au niveau des décors et costumes (vive les pattes d'eph) sont laids, et une photo suréclairée, des zooms .... malgrè des moments virtuoses sur le plan technique et de bons seconds rôles: Denner, Omar Sharif ou Bernard Blier. Et une belle bo de Morriconne pour PEUR SUR LA VILLE.
I COMME ICARE: là en revanche c'est un film étonnant. Verneuil part du meurtre de Kennedy pour se livrer à une passionnante réflexion sur la tentation fasciste des pays démocratiques en s'inspirant surtout des Etats d'Amérique du sud.
Le film tient en haleine du début à la fin (sans cascades cette fois-ci) avec des séquences stupéfiantes: lorsque l'on découvre que tous les témoins ont été supprimés, ou la fameuse scène des tests sur la soumission à l'autorité.
Certes il y a des défauts: il aurait fallu un Semprun pour les dialogues, Montand est tantôt moyen tantôt excellent mais quel charisme ! Trintignant aurait certainement été parfait aussi dans ce rôle qui fait penser au juge de Z. Certaines scènes sont un peu téléphonées (le film d'amateur pris sous plusieurs angles, la cassette qui explique tout) mais pourquoi critique t-on ces invraisemblances et pas celles beaucoup plus gênantes dans LA MARIEE ETAIT EN NOIR de Truffaut ?
Le film donne quand même une grande impression d'intelligence et un climat réussi même s'il alterne le moyen et le plus que parfait. C'est un film sombre: est-ce pour celà qu'il est plutôt rare sur le hertzien par rapport aux autres Veneuil et à quand le dvd? Et quelle fin puissante !
MILLE MILLIARDS DE DOLLARS: excellent film politique sur la lancée de I COMME ICARE. Sans les défauts: un récit qui tient en haleine, des acteurs excellents surtout Dewaere qui apporte énormémént par rapport aux Belmondo- Delon de nuance et d'anticonformisme. Et on a rarement vu Mel Ferrer aussi bon qu'ici (dans SCARAMOUCHE oui, et après ?)
Pas évident de faire un suspens fort de 2h sur des chiffres et pourtant le pari est réussi et c'est un film lui aussi angoissant et prophétique dans cette mise en scène d'une multinationale aux pouvoirs insoupçonnés. Et une belle musique de Philippe Sarde. Un film personnel de grande qualité trop peu montré lui aussi à la télé -dérangeant pour les annonceurs ?-mais au moins a on l'a en dvd. A redécouvrir.
Voilà mon point de vue personnel sur la carrière d'Henri Verneuil, en attendant de découvrir certains de ses films : LE SERPENT, MAYRIG etc.. et d'en redécouvrir d'autres.
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