Henry Hathaway (1898-1985)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Beule
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Beule »

Alexandre Angel a écrit : 26 sept. 23, 22:51 Mais moi je ne suis pas en désaccord avec ce que tu dis, d'autant que ça m'intéresse beaucoup et les titres qui se succèdent ravissent mes papilles cinéma.

Attention de ne pas prendre pour une aversion, ou un mépris ou je ne sais quoi, une simple gêne qui est réelle mais avec laquelle je vis très bien. De plus, je crois avoir précisé que ça me faisait plus ça avec les films couleurs qu'avec les noirs et blancs.
Je n'ai jamais dit que je ne préférais pas L'Incendie de Chicago à San Francisco (en fait, j'en sais rien mais je dirais que oui). Je n'en ressens pas moins une espèce de digestion plastique.
Au temps pour moi. Je ne l'ai pas pris pour une aversion ou quoi que ce doit dans le genre. J'ai davantage cru y lire une forme d'assimilation implicite de la forme à la nature des matériaux scénaristiques en vogue à la Fox. Puisque Zanuck favorisait les sujets édifiants et les tranches d'americana bucoliques fleurant bon la nostalgie apaisante, l'esthétique de ces films serait elle même forcément empreinte de conservatisme/académisme.

C'est sûrement vrai pour beaucoup de productions signées Cummings et consorts (tous les biopics édifiants produits par la firme), même probablement pour Dwan au cœur de la période la moins créative de sa filmographie, mais ce serait négliger l'impressionnante écurie de talents (je ne vois d'équivalent dans aucun autre studio concurrent) qui va se succéder aux manettes dès la fin des années 30, tous plus prompts à se réapproprier la prétendue esthétique maison et à en pulvériser l'académisme attendu (sinon peut-être Hathaway :oops: ).

Incidemment, tout cela me fait penser à ce valeureux vidéaste qui, pour tenter de prouver l'apport déterminant de Welles dans l'évolution de la conscience de l'art cinématographique, n'avait trouvé mieux que de mettre en regard un plan d'ensemble grouillant de vie urbaine chez le cinéaste prodige avec un échange (de mémoire entre Donald Meek et Berton Churchill) filmé en plan naturellement serré dans l'habitacle de la diligence de La Chevauchée fantastique. Ben voyons ! J''avais justement immédiatement pensé aux chaotiques séquences en plan très large dans l'inexpugnable marée de boue du début de l'Incendie de Chicago, ou à celles du Quasimodo de Dieterle à la même époque, pour invalider par l'absurde son embryon de démonstration. Je ne saurais trop te conseiller de le revoir pour mesurer combien le film de King, esthète discret à l'apogée de son flair visuel dans ces années, se distingue formellement, dynamiquement et esthétiquement du Van Dyke (que j'apprécie néanmoins aussi) comme d'habitude carré mais bien dans les clous jusqu'aux séquences du tremblement de terre. Je n'y vois aucune trace de digestion plastique.
Alexandre Angel a écrit : 26 sept. 23, 22:51 Mais oui, bon nombre de films couleurs me font cet effet, y compris Le Cygne noir, que j'aime pourtant beaucoup et Capitaine de Castille ou David et Bethsabée, dont je ne raffole pas.
Dont tu ne raffoles pas en raison des orientations d'ordre plastique ?

C'est tout de même étonnant pour Le Cygne noir dont la palette privilégié les couleurs primaires : rouge des capes et des bonnets, ambre des torses dénudés et tannés, flamboiement des couchers de soleil sur la mer des Caraïbes, jusqu'à la rousseur éclatante de l'impayable postiche et de la barbe de Sanders. Comme quoi...
Alexandre Angel a écrit : 26 sept. 23, 22:51et je ne crois pas que Tavernier/ Coursodon négligent les raffinements d'un Shamroy ni ne manquent de s'enthousiasmer sur les Fleischer que tu cites.
Non bien sûr. C'était surtout l'occasion de souligner à quel point cette théorisation de l'esthétique pouvait conduire au manque de discernement au cas par cas.
Alexandre Angel a écrit : 26 sept. 23, 22:51Et bien même dans ces films-là que j'adore, si, quelque chose est froid à l'image à mon goût et aussi dans les Marilyn Monroe, et dans Elle et Lui . C'est pas dramatique, c'est juste un truc que j'ai toujours ressenti : comme un défaut de sanguin, une teneur acrylique.
S'il s'agit de films tels que Sept ans de réflexion, je crois que je perçois mieux ce dont il est question, mais est-ce vraiment une spécificité Fox ? Autrement dit, n'est-ce pas plutôt la couleur qui, grosso modo vers le milieu des années 50, perd quelque chose de sa valeur ajoutée, de son apparat soigneusement cultivé et choyé pour, schématiquement, n'être plus qu'un attribut fonctionnel, un prérequis parmi d'autres à partir du moment où le faste ou le chatoiement sont jugés accessoires à la mise en scène dans l'effet recherché ?
Parce que ce déficit de peps ou de recherche plastique, honnêtement je le ressens à cette époque dans des productions concurrentes de la Fox, chez Preminger à la Warner pour Condamné au silence (beaucoup plus que pour Carmen Jones à la Fox dont le budget est aussi forcément limité), chez Mankiewicz invité par Goldwyn pour Guys and Dolls (comédie musicale pourtant), chez Mann à la Universal pour The Glenn Miller Story ou Strategic Air Command ou chez Hitchcock à la Paramount pour L'Homme qui en savait trop, etc. J'aurais presque envie de dire qu'il n'y a plus que la MGM à faire de la résistance.

Paradoxalement d'ailleurs, il me semble que bientôt, les comédies et les drames les plus ambitieux stylistiquement privilégieront plutôt l'option du noir et blanc. D'ailleurs...
Alexandre Angel a écrit : 26 sept. 23, 22:51Mais je continue de penser que ça ne frémit pas beaucoup dans certains films, pas tous (je ne pense pas tellement cela des Tourneur) mais un certain nombre, y compris les Fleischer dont on peut considérer que ce "défaut", dans leur cas, sert le sujet et le style d'un cinéaste assez analytique, chirurgical.
... ce stoïcisme chirurgical, je le ressens davantage pour ma part dans l'esthétique n&b de Compulsion.
Alexandre Angel a écrit : 26 sept. 23, 22:51 D'accord sur Forever Amber qui est somptueux mais, parce qu'il y a un petit "mais", dont les couleurs ont un je-ne-sais-quoi de bizarre.
Bizarre ?!
Espèce d'ostrogoth :mrgreen:
Alexandre Angel a écrit : 26 sept. 23, 22:51 Ce dont je parle, pour finir, ne me semble pas concerner John Ford, ni Otto Preminger (sauf dans Carmen Jones), ni Mankiewicz, mais plutôt Leo McCarey ou l'Elia Kazan du Fleuve sauvage, auquel j'adhère moins qu'à La Fièvre dans le sang, film Warner.
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Alexandre Angel
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par Alexandre Angel »

Beule a écrit : 27 sept. 23, 01:56
Alexandre Angel a écrit : 26 sept. 23, 22:51 Mais oui, bon nombre de films couleurs me font cet effet, y compris Le Cygne noir, que j'aime pourtant beaucoup et Capitaine de Castille ou David et Bethsabée, dont je ne raffole pas.
Dont tu ne raffoles pas en raison des orientations d'ordre plastique ?

Plastique non, ce n'est pas la question en l'occurence.
C'est de l'ordre du figé, et là , pour le coup, du statique, voire, de l'académisme. Je changerais peut-être d'avis un jour mais pour l'instant, je vois ça comme le point de bascule d'Henry King, cinéaste pourtant marotte pour moi.
Je ne dis pas que je déteste (pas plus que les adaptations littéraires de la dernière ligne droite) mais ça m'excite peu. Capitaine de Castille me paraissait très beau dans sa partie espagnole au début puis empesé et guindé dès qu'on passait au vif du sujet.
Quant à David et Bethsabée, je reconnais que ça remonte mais j'ai le souvenir d'un film terriblement statique.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

m. Envoyé Spécial à Cannes pour l'Echo Républicain
O'Malley
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Re: Henry Hathaway (1898-1985)

Message par O'Malley »

Passionnante passe d'armes entre Beule et Alexandre Angel! C'est un régal à lire.
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