Lloyd Bacon (1889-1955)

Rubrique consacrée au cinéma et aux films tournés avant 1980.

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Profondo Rosso
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Re: Lloyd Bacon (1889-1955)

Message par Profondo Rosso »

Alexandre Angel a écrit : 17 déc. 22, 18:07
Profondo Rosso a écrit : 16 nov. 15, 02:44
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Wonder Bar (1934)

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Vers 1930, Al Wonder dirige le Wonder bar, un cabaret parisien. Le danseur Harry flirte avec une cliente, Liane Renaud, épouse d'un banquier, ce qui provoque la jalousie de la danseuse Inez, amoureuse d’Harry. Lorsque ce dernier reçoit un bijou de Liane, en cadeau, il essaie de le vendre à son patron. Or, M. Renaud cherche à récupérer son bien...

La collaboration désormais bien rôdée entre Lloyd Bacon et Busby Berkeley parvient a habilement se renouveler avec ce Wonder Bar. Alors que tous les films précédents déroulait une trame quasi identique (la confection d'un spectacle à Broadway) avec comme seule variante la tonalité dramatique ou comique (42e Rue pour le mélo, Prologue pour l'atmosphère festive). On quitte donc les scènes de Broadway pour les cabarets parisiens des Années Folles. Tous les chemins semblent donc les personnages vers l'un d'entre eux, le Wonder Bar et pour diverses raisons. Le danseur Harry (Ricardo Cortez) y mène un double jeu amoureux entre sa partenaire de scène Inez (Dolores del Río) et l'épouse (Kay Francis) d'un prestigieux client. Un homme ruiné pense à s'y suicider dans l'excès, le compositeur (Dick Powell) et le patron (Al Jolson) sont aussi éperdument amoureux d'Inez et pour la caution comique deux couples américains cherchent à s'encanailler avec les gigolos/prostituées locales. Tous ces enjeux se résoudront dans une unité de temps et de lieux durant une soirée festive parmi tant d'autres du Wonder Bar.

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Lloyd Bacon mène tous ses registres avec brio grâce à son sens du rythme et un riche casting. Dolores del Rio affole autant qu'elle émeut en amoureuse éperdue (et une première apparition mémorable en négligé blanc) tandis que Ricardo Cortez allie séduction et vilénie avec brio. Kay Francis n'est pas en reste niveau séduction et amène un jeu plus subtil que del Rio dans le dépit amoureux et on savourera le grand numéro de maître de cérémonie sautillant d'Al Jolson (géniale scène sur ses origines russes). Les séquences musicales ne constituent pas ici le clou du récit puisqu'elles n'en sont pas l'enjeu et constituent plutôt une spectaculaire ponctuation des états d'âmes des personnages. La valse d'ouverture est typique de l'emphase de Berkeley et illustre l'euphorie et le romantisme de la vie parisienne, démultipliant les danseurs derrière des colonnes, confondant les couples dans une série de fondus au noir sur la piste et les unissant dans d'impressionnantes formes géométriques. Plus tard un tango furieux illustrera la liaison destructrice de Harry et Inez, sans le moindre artifice grandiloquent si ce n'est un fouet claquant sur une Inez soumise et folle d'amour.

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Le film fait preuve également d'une certaine audace pour le meilleur et pour le pire. Le plus osé sera cette scène dont on se demande comment elle a pu passer entre les filets du Code Hays où un homme vient demander une danse à un couple sur la piste et ignore la jolie jeune femme pour choisir son partenaire. L'allusion gay est même surlignée par une envolée maniérée d'Al Johnson Boys will be boys! Woo ! (une scène ouvrant d'ailleurs le documentaire The Celluloid Closet (1996) sur l'imagerie gay à Hollywood). Cette ouverture est contrebalancé par le controversé Goin’ to Heaven on a Mule numéro musical concluant le film. Al Jolson grossièrement peinturluré en noir y accède ainsi à un paradis truffés de clichés raciste où le ciel est un havre composé de cuisse de poulet frit, arbres aux côtes de porc et pastèques. Consternant d'autant que contrairement aux autres scènes musicales on cherche encore le lien avec la trame du film, ce racisme n'étant même pas atténué par la scénographie et la chorégraphie pauvres de la séquence. Un moment gênant qui gâche un peu la conclusion plutôt réussie quant au sacrifice d'Al Johnson. 4/6
Ben mon vieux, tu t'es fait "voler" avec en plus une conclusion qui trahit la tienne :shock:

https://www.amazon.fr/Wonder-Bar-Collec ... C82&sr=1-2
Ah oui plagiaire et un peu raciste par dessus le marché :shock: :lol: Je ne vois pas trop l'intérêt de faire ça en plus, Amazon rémunère les commentaires ou quoi ?
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Alexandre Angel
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Re: Lloyd Bacon (1889-1955)

Message par Alexandre Angel »

Je suis en plein trip "pré-code" : c'est pour ça que j'ai les yeux partout sur ce sujet, en ce moment :mrgreen:
Je vais regarder Wonder Bar
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Profondo Rosso
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Re: Lloyd Bacon (1889-1955)

Message par Profondo Rosso »

Alexandre Angel a écrit : 17 déc. 22, 19:45 Je suis en plein trip "pré-code" : c'est pour ça que j'ai les yeux partout sur ce sujet, en ce moment :mrgreen:
J'étais en plein dans ce trip à la période où j'ai écrit ce texte tu vas me croiser dans plein de vieux posts de topics :lol: régales toi plein de pépites à découvrir !
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Alexandre Angel
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Re: Lloyd Bacon (1889-1955)

Message par Alexandre Angel »

Par contre, j'ai regardé seulement le numéro incriminé (mais je verrais bien sûr le film en entier) et je te trouve un peu injuste. Le côté "blackface" n'est pas premier degré comme dans bien des films antérieurs qui étaient réellement racistes. Là, c'est certes conventionnel mais il s'agit avant tout d'une évocation de ce qui a rendu Al Jolson célèbre et la séquence est pensée comme un spectacle de minstrels. Jolson est en mode clin d'œil et ce n'est pas pour rien que, tout blackface qu'il est, on le voit lire un journal rédigé en hébreu, allusion malicieuse à sa judéité.
Je trouve nettement plus embarrassantes les saillies racistes, voire antisémites, d'une merveille telle que Fiancées en folie.
Comme "le Temps de l'innonce" et "A tombeau ouvert", "Killers of the Flower Moon" , très identifiable martinien, est un film divisiblement indélébile et insoluble, une roulade avant au niveau du sol, une romance dramatique éternuante et hilarante.

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Re: Lloyd Bacon (1889-1955)

Message par Profondo Rosso »

Alexandre Angel a écrit : 17 déc. 22, 23:38 Par contre, j'ai regardé seulement le numéro incriminé (mais je verrais bien sûr le film en entier) et je te trouve un peu injuste. Le côté "blackface" n'est pas premier degré comme dans bien des films antérieurs qui étaient réellement racistes. Là, c'est certes conventionnel mais il s'agit avant tout d'une évocation de ce qui a rendu Al Jolson célèbre et la séquence est pensée comme un spectacle de minstrels. Jolson est en mode clin d'œil et ce n'est pas pour rien que, tout blackface qu'il est, on le voit lire un journal rédigé en hébreu, allusion malicieuse à sa judéité.
Possible aussi je n'avais pas relevé ces détails je reverrais le film à l'occasion et réviserai mon jugement :wink:
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Re: Lloyd Bacon (1889-1955)

Message par Alexandre Angel »

Profondo Rosso a écrit : 8 oct. 15, 01:48 Picture Snatcher (1933)

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Tromperie, vol, malhonnêteté... Ils peuvent vous mener tout droit en prison comme être la clé de votre réussite professionnelle ! Danny Kean, escroc tout juste sorti de Sing Sing, use de son talent criminel pour se faire embaucher par le virulent et racoleur tabloïd Picture Snatcher. Appliquant ses méthodes louches à son nouvel emploi, il devient un photographe sournois et insaisissable. Obtenant le cliché secret et interdit de l'exécution d'une meurtrière, il parvient à la faire publier dans la presse...

James Cagney en ce début des années 30 se spécialise dans les rôles de canailles, dangereuses et brutales dans les films de gangsters (L'Ennemi public (1931) plus tard Les Anges aux figures sales (1938) et Les Fantastiques années 20 (1939) et attachantes en dépit de leur mauvais penchant dans les films Pré-Code plus sociaux (Hard to Handle (1933) ou Le Bataillon des sans-amour (1933)). Picture Snatcher se situe dans la seconde catégorie, Lloyd Bacon nous dépeignant avec entrain et efficacité la rédemption de Danny Kean (James Cagney). Le début du film déploie tout une imagerie associée au film de gangster avec de prendre un virage surprenant. Danny Kean fraîchement sorti d'une peine de trois ans de prison est chaleureusement accueilli par ses anciens acolytes avec forte dose de luxe, filles et bénéfices accumulés en son absence. Kean va pourtant les cueillir à froid en annonçant son retrait du monde du crime pour celui du journalisme où on lui a proposé une place. Malheureusement ses mauvais penchants de gangsters lui serviront bien plus dans son ascension que ses talents de rédacteurs.

En vrai dur à cuir essuyer les coups de feu en zone dangereuses ne lui fait pas peur et l'ancien escroc n'a aucun scrupule à duper les témoins pour une photo à scandale lucrative et va ainsi devenir le parfait "picture snatcher". Kean n'a pas changé de mentalité mais seulement de milieu même s'il ne s'en rend pas encore compte. Le bagout de James Cagney rend le personnage attachant en dépit de ses actes répréhensibles toujours tournés vers la dérision (le pompier trompé) jusqu'au moment où il ira trop loin et se mettra son entourage à dos. C'est dans son rapport aux autres que Kean va prendre conscience de son attitude, par la romance assez conventionnelle avec la jeune Pat Nolan (Patricia Ellis) et surtout à travers l'amitié attachante avec son rédacteur en chef alcoolique McLean (Ralph Bellamy) et l'étonnante relation amour-haine avec le policier qui l'arrêta jadis. Lloyd Bacon alterne ainsi les joyeux moments de comédie néanmoins teintés d'une certaine noirceur avant de boucler la boucle lors d'un final rédempteur qui retrouve la férocité du film de gangster avec un gunfight dantesque confrontant Kean à ce qu'il ne souhaite plus être. Le scénario lui fait cependant user de méthodes discutables pour parvenir à ses fins même si l'investigation et le but final plus noble en font un vrai acte de journaliste. Un bon point finalement puisque même avec un meilleur fond le personnage n'est pas aseptisé et reste une teigne comme le montre un épilogue romantique mais néanmoins brutal. 4,5/6
Pour l'instant, le meilleur Lloyd Bacon que j'ai vu.
Super vif, tonique, cinglant, même, comme satire sur la presse à sensations. Cagney est comme une pile électrique, très inventif dans son jeu. Il y a un ou deux trucs vraiment poilants.
Ça annoncerait presque le ton de certains Billy Wilder.
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Re: Lloyd Bacon (1889-1955)

Message par Rick Blaine »

Alexandre Angel a écrit : 13 févr. 23, 09:54
Pour l'instant, le meilleur Lloyd Bacon que j'ai vu.
Super vif, tonique, cinglant, même, comme satire sur la presse à sensations. Cagney est comme une pile électrique, très inventif dans son jeu. Il y a un ou deux trucs vraiment poilants.
Ça annoncerait presque le ton de certains Billy Wilder.
Excellent ce film, mais je garde tout de même au dessus 42nd Street et Frisco Kid. Dans les années 30, Bacon est un cinéaste que je trouve très solide dans l'ensemble, et dans tous les genres.
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