Re: George Roy Hill (1921-2002)
Publié : 12 janv. 17, 22:08
J'aurais tendance à être un peu d'accord avec Jeremy.
Et là, je redoute le "phénomène John Landis" et suppose qu'on va me sauter dessus en m'accusant de provoc' eu égard au talent du bonhomme (cinéaste majeur ou mineur ?).
Butch Cassidy et le kid
Le western est alors en plein crépuscule mais Hill prend le parti de la dérision et de la désinvolture solaires pour narrer les aventures du célèbre duo de hors-la-loi, bandits jouant aux cow-boys et aux gangsters alors que leurs enfants préparent activement l’intrusion du monde moderne et du progrès industriel dans leur chasse gardée, avec la loi à leurs côtés. À la fois joyeux et décalé, le film, qui accumule les aventures picaresques avec une bonne humeur n’excluant pas une certaine nostalgie, doit évidemment beaucoup à Paul Newman et Robert Redford en fausses canailles romantiques. Il a la qualité de ces œuvres attachantes dont le nouveau roman américain est prodigue : c’est un poème sur le paysage de l’Ouest, un pamphlet de dissidence et un remède à la mélancolie, même s’il y baigne. 4/6
Abattoir 5
Dans un contexte de production consensuel pour ne pas dire uniforme, difficile de nier l’originalité et la déroutante étrangeté de cette mosaïque spatio-temporelle qui, si elle doit beaucoup de sa perfection technique au montage, ne repose hélas sur aucune véritable ossature. Prenant comme centre traumatique du récit le bombardement de Dresde en février 1945, le cinéaste procède d’une structure éclatée, agence des flashbacks par assemblages et similitudes qui obligent à une gymnastique intellectuelle peu payante et prennent souvent à l’écran des proportions de mammouth. Non dénué d’intérêt et de qualités, ne serait-ce que par sa témérité à assumer le ridicule (le repli sur une planète-bulle frise la vision d’un Raël), le film pourrait se résumer par son dernier plan : un feu glacial d’artifices à facettes. 3/6
L’arnaque
Années 30, le Chicago aux harmonies bistres de la Dépression. D’une grande habileté à tous les niveaux de confection, le film met en valeur des décors aux couleurs vives qui se donnent clairement pour ce qu’ils sont. Il est gagé sur la crédibilité d’un récit ludique détournant les lois de thriller et rattrapant de chute en chute un suspense savoureux. Son classicisme de ton fonde son charme non sur le spectaculaire mais bien sur un agencement à tiroirs digne du Grand Sommeil ou du Faucon Maltais. Aucune erreur dans cette somme fausse de coups fourrés (le nombre de morts n’y étant pas non plus égal à celui des cadavres), mais une violence dont l’économie frappe le récit par ponctuation, une crispation inquiète qui fait passer du sursaut brutal à l’éclat de rire. Un petit modèle de divertissement intelligent. 4/6
La kermesse des aigles
C’est aux glorieux pilotes des premiers âges de l’aviation que s’intéresse ici le réalisateur, à ces pionniers accrochés aux mythes encore vivaces de la guerre mondiale de 14-18 et cherchant à devenir les meilleurs du monde. Il compose un hommage élégiaque à une certaine survivance de l’esprit chevaleresque, au goût de l’extrême et à la noblesse du risque dans une Amérique où ces valeurs se voient remplacées par un cynisme grimpant. À l’opposé des constructions tortueuses de L’Arnaque, il opte ainsi pour une histoire simple qui ne veut ni piéger ni surprendre mais donner le plaisir de quelques brillantes acrobaties aériennes (piqués, vrilles, rase-mottes, tonneaux, loopings inversés). Si le spectacle est efficace, il n’offre cependant guère plus que l’impression d’un film mineur, soigné et agréable. 4/6
Le monde selon Garp
Du jour où il naquit, Garp fut un être à part, un innocent en proie à toutes les absurdités du monde. L’étrange animalier que composent les êtres partageant son existence laisse émerger plusieurs dragons : une mère indépendante et féministe, un premier amour (bientôt une épouse), une amie d’enfance (les mille facettes du destin en un seul visage), un transsexuel (ancienne armoire à glace et femme par choix)… Du best-seller consacré de John Irving, le cinéaste parvient à extraire le sentiment d’inquiétude et de précarité qui est celle de toute vie humaine. Il fait fructifier un vrai sens du romanesque et témoigne avec bonheur d’une inspiration mélancolique, chaleureuse et picaresque, où se devine à chaque trait satirique le vitriol du verbe, et à chaque image réussie la force du mot. 4/6
Mon top :
1. L’arnaque (1973)
2. Butch Cassidy et le kid (1969)
3. Le monde selon Garp (1982)
4. La kermesse des aigles (1975)
5. Abattoir 5 (1972)
Un artisan humble et efficace, sans identité particulière ni véritable envergure artistique, mais qui a concocté quelques beaux divertissements à son époque.
Le western est alors en plein crépuscule mais Hill prend le parti de la dérision et de la désinvolture solaires pour narrer les aventures du célèbre duo de hors-la-loi, bandits jouant aux cow-boys et aux gangsters alors que leurs enfants préparent activement l’intrusion du monde moderne et du progrès industriel dans leur chasse gardée, avec la loi à leurs côtés. À la fois joyeux et décalé, le film, qui accumule les aventures picaresques avec une bonne humeur n’excluant pas une certaine nostalgie, doit évidemment beaucoup à Paul Newman et Robert Redford en fausses canailles romantiques. Il a la qualité de ces œuvres attachantes dont le nouveau roman américain est prodigue : c’est un poème sur le paysage de l’Ouest, un pamphlet de dissidence et un remède à la mélancolie, même s’il y baigne. 4/6
Abattoir 5
Dans un contexte de production consensuel pour ne pas dire uniforme, difficile de nier l’originalité et la déroutante étrangeté de cette mosaïque spatio-temporelle qui, si elle doit beaucoup de sa perfection technique au montage, ne repose hélas sur aucune véritable ossature. Prenant comme centre traumatique du récit le bombardement de Dresde en février 1945, le cinéaste procède d’une structure éclatée, agence des flashbacks par assemblages et similitudes qui obligent à une gymnastique intellectuelle peu payante et prennent souvent à l’écran des proportions de mammouth. Non dénué d’intérêt et de qualités, ne serait-ce que par sa témérité à assumer le ridicule (le repli sur une planète-bulle frise la vision d’un Raël), le film pourrait se résumer par son dernier plan : un feu glacial d’artifices à facettes. 3/6
L’arnaque
Années 30, le Chicago aux harmonies bistres de la Dépression. D’une grande habileté à tous les niveaux de confection, le film met en valeur des décors aux couleurs vives qui se donnent clairement pour ce qu’ils sont. Il est gagé sur la crédibilité d’un récit ludique détournant les lois de thriller et rattrapant de chute en chute un suspense savoureux. Son classicisme de ton fonde son charme non sur le spectaculaire mais bien sur un agencement à tiroirs digne du Grand Sommeil ou du Faucon Maltais. Aucune erreur dans cette somme fausse de coups fourrés (le nombre de morts n’y étant pas non plus égal à celui des cadavres), mais une violence dont l’économie frappe le récit par ponctuation, une crispation inquiète qui fait passer du sursaut brutal à l’éclat de rire. Un petit modèle de divertissement intelligent. 4/6
La kermesse des aigles
C’est aux glorieux pilotes des premiers âges de l’aviation que s’intéresse ici le réalisateur, à ces pionniers accrochés aux mythes encore vivaces de la guerre mondiale de 14-18 et cherchant à devenir les meilleurs du monde. Il compose un hommage élégiaque à une certaine survivance de l’esprit chevaleresque, au goût de l’extrême et à la noblesse du risque dans une Amérique où ces valeurs se voient remplacées par un cynisme grimpant. À l’opposé des constructions tortueuses de L’Arnaque, il opte ainsi pour une histoire simple qui ne veut ni piéger ni surprendre mais donner le plaisir de quelques brillantes acrobaties aériennes (piqués, vrilles, rase-mottes, tonneaux, loopings inversés). Si le spectacle est efficace, il n’offre cependant guère plus que l’impression d’un film mineur, soigné et agréable. 4/6
Le monde selon Garp
Du jour où il naquit, Garp fut un être à part, un innocent en proie à toutes les absurdités du monde. L’étrange animalier que composent les êtres partageant son existence laisse émerger plusieurs dragons : une mère indépendante et féministe, un premier amour (bientôt une épouse), une amie d’enfance (les mille facettes du destin en un seul visage), un transsexuel (ancienne armoire à glace et femme par choix)… Du best-seller consacré de John Irving, le cinéaste parvient à extraire le sentiment d’inquiétude et de précarité qui est celle de toute vie humaine. Il fait fructifier un vrai sens du romanesque et témoigne avec bonheur d’une inspiration mélancolique, chaleureuse et picaresque, où se devine à chaque trait satirique le vitriol du verbe, et à chaque image réussie la force du mot. 4/6
Mon top :
1. L’arnaque (1973)
2. Butch Cassidy et le kid (1969)
3. Le monde selon Garp (1982)
4. La kermesse des aigles (1975)
5. Abattoir 5 (1972)
Un artisan humble et efficace, sans identité particulière ni véritable envergure artistique, mais qui a concocté quelques beaux divertissements à son époque.
Et là, je redoute le "phénomène John Landis" et suppose qu'on va me sauter dessus en m'accusant de provoc' eu égard au talent du bonhomme (cinéaste majeur ou mineur ?).