Max Schreck a écrit : Ses portraits d'enfants sont véritablement exquis et fascinants.
Toutafé. Ils sont magnifiques. J'ai été très émue aussi par les portraits de sa femme, Madeleine.
Portrait de Madame de Senonnes
Ça me semblerait vraiment déplacé pourtant j'ai l'impression que c'est sur un lit défait qu'elle est assise. Ajoutez à ça le miroir à l'arrière et des cartes insérées dans le coin (dont une portant le nom du peintre), et vous obtenez une image plus que troublante.
Madame de Senonnes est aussi celui qui me fascine le plus, depuis toujours. Il est incroyable. En revanche, je ne crois pas qu'il faille y voir un lit défait ; je crois plutôt à une banquette soigneusement désordonnée, dans un boudoir (cf la tapisserie de la même couleur). En revanche, ça lui permet de jouer, comme dans de nombreux autres portraits, sur un déséquilibre, une instabilité. Comme Madame Rivière, on ne sait pas trop comment est assise Madame de Senonnes, comment elle "tient". L'espace est toujours très particulier dans ses portraits. Comme pour la sublime Vicomtesse de Haussonville, il joue sur un reflet inexact, décalé, comme pour révéler une part secrète, cachée, tenue cachée justement par ses modèles. D'ailleurs, je ne me rappelle plus de son histoire, mais Madame de Senonnes a une biographie un peu floue. Une parvenue, je crois, un peu courtisane, qui a réussi à se faire épouser par un vicomte, ou un comte, Monsieur de Senonnes. Elle a donc des secrets, un monde derrière elle.
Après, je raconte peut-être bien des bêtises, je n'ai quasiment pas étudié Ingres, mais tout ce que je dis m'a frappée lors de mes visites de l'expo, et je suis restée des heures durant devant ses portraits, totalement fascinants et mystérieux. Je ne sais pas combien de fois j'avais vu - et admiré - Monsieur Bertin auparavant, mais là, vraiment, il m'a pff, subjuguée, et le mot est faible.
Quant aux déformations, c'est tout à fait vrai, et c'est très marquant. Quand on regarde le bras de Madame de Senonnes, c'est frappant.
Et j'aime la façon dont il arrondit, il n'y a que des courbes, que des lignes rondes chez ses femmes, pas d'angles, pas de lignes brisées.
C'est aussi quelque chose qui fait penser à la Renaissance, ça me fait penser aux Madones de Raphaël, comme la Madone du Belvédère, par exemple. Ou à Léonard : c'est bête, mais la transparence du voile sur le décolleté de Madame de Senonnes me fait penser au portrait de Ginevra da Benci, comme son visage impénétrable. D'ailleurs, le portrait de Mademoiselle Rivière est clairement "renaissant", mais avec un paysage plutôt francilien derrière. Il y a toujours des décalages comme ça chez Ingres, c'est fascinant.
Moins touchant mais bien impressionnant techniquement :
Portrait de la Princesse de Broglie
La robe attire évidemment tous les regards, et puis on se rend compte de la finesse à l'oeuvre dans les dentelles, et les bijoux.
J'adore les Madame Moitessier, et surtout celui de la Vicomtesse d'Haussonville, petite-fille de Germaine de Staël. L'harmonie chromatique, juste interrompue par la fleur dans les cheveux, le décor très restreint et révélateur, le miroir, la pose, le regard... Elle est si belle...
Je suis sûre que ce portrait a pu inspirer Nadar, pour Sarah Bernhardt. De toute façon, Ingres portraitiste ou peintre de nus a été une très grande source d'inspiration pour les premiers photographes.
Et à côté de ça, il y a le portrait de Napoléon, totalement étrange, boursouflé, décalé. Son bras est interminable, sa tête inscrite dans toute une série de motifs circulaires, toute petite par rapport à son corps noyé et à peine perceptible sous son énorme costume. Très bizarre, surtout quand on le compare au portrait par Gérard, par exemple, qui me semble totalement pompé sur le Louis XIV de Rigaud...
Et puis Ingres a été l'un des premiers, si ce n'est le premier, à peindre des nus sans alibi historique, mythologique, allégorique. Il a fait du nu un genre à part entière...
Sincèrement, quand on voit ce nu réalisé par Durieu pour Delacroix, on reste pensif... La baigneuse Valpinçon n'est pas loin...
Bon, allez, j'arrête de dire des bêtises... Tout ça pour dire que cette expo était vraiment admirable, remarquable.