Les Poupées [Dolls] (1987)
Une bonne surprise ! Il me semble que ce film est assez peu connu. Moi-même d'ailleurs ignorait son existence encore la veille. Pourtant je n'ai pas boudé mon plaisir même s'il ne s'agit certes pas d'un grand film. Le pitch est simple : une voiture tombe en rade une nuit d'orage devant un manoir inquiétant occupé par un couple de petits vieux, et plus encore par une armada de poupées, marionnettes et autres figurines fabriquées amoureusement par le doyen. Très rapidement, des choses pas nettes commencent à se produire avec des poupées qui prennent vie. Voilà un canevas fantastique et horrifique qui, sur le papier, ne semble pas très neuf, même si Chucky et le Puppet Master n'ont pas encore débarqué sur les écrans. L'étincelle, c'est que
Dolls se trouve entre les mains de l'habile Stuart Gordon, qui va vite apposer sa griffe et singulariser le résultat. Le réalisateur se livre à nouveau à un atypique mariage de comédie d'épouvante, sans cynisme, s'inscrivant assez dans l'esprit turbulent voire potache de
Re-Animator. Ainsi, les scènes sanguinolentes frappent autant par leur cruauté que par leur côté ouvertement comique. Je ne veux pas trop spoiler les meilleurs moments, mais il y a dans les méfaits de ces adorables et rigolardes poupées joufflues un sadisme cartoonesque qui fait penser à la roublardise des Gremlins (et d'ailleurs c'est difficile de penser que Joe Dante n'ait pas vu ce film, tant
Dolls est une espèce de
Small Soldiers déviant). Ça et là, Gordon déploie une forme d'humour noir et absurde bien à lui. Par exemple dès les premières minutes du film, la méchante marâtre balance au loin l'ours en peluche de la petite héroïne, et ce dernier ressurgit en taille décuplée, tel un Bibendum, avant de crever son pelage comme une mue et laisser apparaître un visage démoniaque et affamé, et bouffer tout cru le bras de la marâtre dans des gerbes de sang. "Oooh, Teddy", murmure la fillette en hochant la tête d'un air peiné, tandis que l'énorme machin a l'air tout penaud, la gueule ruisselante. Scène rêvée, d'un grand-guignolesque assumé, qui caractérisera la tonalité du film à mi-chemin entre l'horreur et le conte célébrant la pureté et l'imaginaire de l'enfance, qui se construit dans l'écoute parentale et la fidélité des jouets (mine de rien le film développe des idées proches de
Toy Story). C'est d'ailleurs sans doute la limite du film -très court - que de privilégier une forme de poésie enfantine (infantile dirons les détracteurs face aux facéties du personnage de Ralph, grand enfant). On sent que Gordon pourrait être encore plus méchant dans le délire gore et qu'il pâtit d'un scénario moins immédiatement génial que celui de
Re-Animator malgré ses bonnes trouvailles. Il manque à
Dolls la folie débridée d'un Jeffrey Combs et une "surenchère" jouissive dans l'écriture. Ces
Poupées n'en restent pas moins plaisantes, d'autant que les trucages, à base d'animatronics et d'animations image par image, résistent bien à l'épreuve de temps.
Un bon p'tit film fantastique qui gagnerait à être redécouvert.
