Il n'a pas le choix parce qu'il joue un jeu différent de celui qu'on veut lui imposer.homerwell a écrit :Cependant ce deuxième visionnage me souligne un aspect que je subodorais la première fois. Je trouve qu'il y a un petit problème de rythme. L'entêtement de Monsieur Klein finit par nous engourdir aussi.
Au début, tu as un personnage qui vis impunément. Il n'est pas entêté, il est protégé, il est libre de faire ce qu'il veut. Un régime totalitaire ne produit pas seulement des victimes, il produit aussi des personnes qui ont tous les droits. Voir à ce sujet le récent et excellent El secreto de sus ojos de Juan José Campanella, qui traite justement du passage d'un fragile état de droit à ce qui n'est pas encore une dictature mais le devient de façon inexorable.
La scène première du film est très explicite. On fait passer un examen médical infect, certes, mais aussi idiot, qui souligne l'arbitraire du régime. Le personnage de Klein, au départ, même s'il était réellement juif, pourrait très bien ne rien risquer. Il a assez de relations et de pouvoir pour cela (les exemples réels ne manquent pas). Comme Klein n'est pas vraie crapule, mais un simple profiteur, il s'inquiète quand surgit cette curieuse affaire et surtout, se pose des problèmes d'identité. Qui est-il et quelle est son identité? Ce sont des questions qu'il ne s'était jamais posé et que le régime l'oblige à se poser. Ne pas oublier là-dessus, que Losey est un apatride, un communiste internationaliste qui avait travaillé en Russie, et un ancien américain devenu européen par force.
Plus que juif, il se découvre sans identité. Il est incapable de préciser sa lignée. Il ne rentre pas dans le jeu du régime puisqu'il lui suffirait de s'en inventer une - après tout, il est du côté de l'arbitraire, il a un certain pouvoir. Mais on n'est pas dans un polar, à se demander si Klein va s'en sortir ou pas. On est dans un système où rentrer dans le jeu est automatiquement jouer avec le pouvoir. Voir l'histoire de Marius Klein, racontée dans l'article mis en lien, Senses of cinema (venant du Chagrin et la Pitié): une famille est l'objet de rumeurs et Marius Klein cherche à prouver son identité en publiant ses "états de service" dans la presse locale. Il est sauvé, il a accepté le jeu.
Ici, Klein ne comprend pas qu'il doit jouer le jeu du régime et il finit broyé: il n'y a pas d'innocence sous un régime totalitaire.