L'ange blanc (Night nurse, 1931)
Devant les commentaires dithyrambiques, j'ai enfin pu découvrir ce drame social pre-Code mâtiné de Noir... et je suis désolé mais faut quand même pas trop s'emballer.
Stanwyck est (quasiment comme toujours) épatante en jeune femme volontaire et courageuse qui désire plus que tout devenir infirmière. De l'intelligence, du charme, de la répartie. Elle fait de son mieux et rend une copie parfaite. Le problème, c'est qu'en face, à l'exception d'une Joan Blondell égale à elle-même mais hélas dramatiquement sous-employée, le reste de la distribution n'est pas à la hauteur.
Dommage car le début s'annonçait vraiment intéressant avec cet aperçu documentaire du quotidien d'un hôpital qui n'a pas tant vieilli que ça, notamment dans les relations entre les infirmières et leur hiérarchie. Infirmière en chef au comportement d'adjudant, internes dragueurs et faisant des blagues de... carabins (le classique gag moyenâgeux du squelette), "grand patron" autoritaire et n'admettant pas la contradiction... Plus daté (fort heureusement), son régime de pensionnat privé pour jeunes filles (on y travaille et dort avec interdiction de sortir tard et les jeunes diplômées prêtent serment comme des nonnes).
Et je fais don de mon corps infirmier à la science...
Ça commence à se gâter dès que Stanwyck se voit confier la garde de nuit des deux fillettes malades (et surtout maltraitées) d'une jeune femme fétarde, bourrée du soir au matin et qui est sous la coupe de son chauffeur. On a droit au jeu médiocre de la mère (la pauvre Stanwyck ne peut rien faire d'autre que rester les poings sur les hanches à la regarder flageoler avec son crétin d'ami), de la gouvernante (qui répète dix fois la même ligne censée être drôle sur le bain de lait de sa soeur), du médecin-chef corrompu affligé d'un tic ridicule...
Et puis Clark Gable, certes encore débutant et alors abonné aux rôles de mauvais garçon brutal, visiblement très mal à l'aise dans un emploi tout aussi mal dégrossi. On le voit heureusement assez peu. A noter toutefois que son entrée est plutôt réussie, la caméra ne cadrant que ses jambes.
A propos de guiboles, Wellman ne se prive pas de nous montrer le galbe élancé de celles de Stanwyck...
That's a fine line, "sister"...
Parmi les bonnes idées : le patient qui engueule en chinois sa petite famille venue à son chevet (avec le gamin effronté qui lui répond d'un "
Nuts !" de seconde génération d'immigrants), Stanwyck débarquant en urgence dans la party très alcoolisée du salon de la mère indigne et que les invités lourdement chargés prennent pour une attraction (clin d'oeil un peu lourd au vieux fantasme de la tenue d'infirmière) ; le pauvre jouet en plastique abandonné dans le bain de lait puis vidé avec dans l'évier ; le cambriolage inédit d'un magasin de Delikatessen pour dérober son stock de lait...
Après avoir visionné plusieurs films pre-Code, je leur trouve à tous un point commun : des premières parties très prometteuses (voire pour certains fulgurantes) et puis comme si les scénaristes tombaient en panne d'inspiration (ou de "liquidités" inspiratrices, en ces temps de Prohibition), la suite part de plus en plus en eau de boudin. J'en serais presque à me demander si trop de libertés n'aurait pas paradoxalement étouffé l'imagination...
Comme noté par certains classikiens, le film est un catalogue des interdits à venir : alcoolisme, corruption, violence sur femmes et enfants, adultère et - toute relative - nudité (Wellman prend au début un grand plaisir à faire mettre en "undies" Stanwyck et Blondell, le "fan service" type de l'époque.)
Skeltonploitation...
...ou Playtexploitation movie ?
Sans parler du final où la gentille, brave et honnête infirmière accueille avec un grand sourire la nouvelle que lui apprend son sympathique voyou de copain (joué par un ersatz de Dick Powell), à savoir qu'il vient de charger ses potes de descendre Gable.
Côté répliques, la plus osée se trouve au début lorsque l'interne coquin vient mater Stanwyck en train de se changer : "
Oh, don't be embarrassed. You can't show me a thing. I just came from the delivery room." ("
Ne vous gênez surtout pas pour moi. J'en ai vu d'autres. Je sors juste de la salle d'accouchement.") A ranger dans la catégorie "super fin"... et évidemment pas prête d'être entendue à nouveau avant quelques décennies.
Conclusion : une curiosité pre-Code qui vaut essentiellement pour son interprète principale, la pimpante Barbara Stanwyck, déjà droite dans ses escarpins, le regard franc, direct et pas la langue dans sa poche.