Page 27 sur 28

Publié : 9 févr. 07, 15:26
par Gounou
(en réponse à l'ami ed)

Non, alors voilà... tu fais bien de mettre le doigt dessus car c'est un débat qui a déjà eu lieu à de nombreuses reprises, et auquel j'ai précédemment pris part, notamment à l'occasion de Miami Vice du père Mann. Donc remettons les choses dans l'ordre.
Evidemment que j'apprécie encore plus le cinéma de Scorsese aujourd'hui que je suis familier de son univers et que son langage me parle comme aucun autre. Son coup de pinceau (de caméra et de "ciseaux" pour être plus précis) fait partie intégrante des éléments que j'attends de retrouver dans chacun de ses nouveaux films... mais à ce stade, il s'agit bien d'auto-fidélité artistique. Alors ce n'est pas le nom qui détermine l'intérêt... c'est le nom qui évoque un style, une personalité qui elle-même même suscite mon intérêt.
Il y a eu, comme pour tout, une "première fois", je ne sais même plus laquelle, mais j'attends de chaque nouvelle expérience ce sentiment de première fois au-delà des éléments que j'espère retrouver.
Le jour où Scorsese se contentera de me servir sa sauce à vide, sans se remettre (lui et son art) en question, sans dialoguer avec cet art, le questionner, l'éprouver, alors non... je ne serai plus client.
En l'occurence, et concernant The Aviator, tu soulèves le fait que le film, s'inscrivant dans un classicisme (classicisme et non pas académisme... mais c'est un autre débat), finit par ressembler, du moins dans sa forme, à un film plus... anonyme. Et dans ce cas précis, pour répondre à ta question initiale, je te dirais que oui, en un sens, il est souhaitable d'avoir une idée du parcours du cinéaste et de l'histoire du Cinéma Américain.
Sans cela, le film est classieux mais transmet bien moins qu'il ne devrait, c'est évident.

Publié : 9 févr. 07, 15:30
par George Kaplan
AtCloseRange a écrit :En quoi ça diffère tellement d'un Bugsy de Barry Levinson, d'un Hoffa de De Vito, voire du téléfilm américain de prestige (Ava Gardner et Errol Flynn sont des fautes de goût énormes quand même) etc...?
Parce que Aviator est construit autour de deux éléments fondateurs du cinéma de Scorsese : son personnage principal dont la caractérisation est 100% scorsesienne (passion, névrose...) et le rapport du film au cinéma.

Et puis parce que DiCaprio y est exceptionnel !

Publié : 9 févr. 07, 15:36
par AtCloseRange
George Kaplan a écrit :
AtCloseRange a écrit :En quoi ça diffère tellement d'un Bugsy de Barry Levinson, d'un Hoffa de De Vito, voire du téléfilm américain de prestige (Ava Gardner et Errol Flynn sont des fautes de goût énormes quand même) etc...?
Parce que Aviator est construit autour de deux éléments fondateurs du cinéma de Scorsese : son personnage principal dont la caractérisation est 100% scorsesienne (passion, névrose...) et le rapport du film au cinéma.

Et puis parce que DiCaprio y est exceptionnel !
Mais malheureusement une fois que tu as énoncé ces 2 éléments fondateurs, j'ai l'impression qu'on a tout dit.

Je te rejoins juste sur la performance de Di Caprio (bien meilleur que dans GONY).

Publié : 9 févr. 07, 15:37
par Tuck pendleton
AtCloseRange a écrit :J'ai dit que je ne voyais pas qu'elle s'étalait tant que ça. Je suis désolé mais, pour le commun des mortels cinéphiles, ce n'est pas criant.
Quand je vois Taxi Driver, Les Affranchis, Raging Bull, After Hours, Casino et je pourrais en citer plein d'autres, ce ne sont vraiment pas les références cinéphiliques qui me sautent au visage.
Disons que Scorsese puise dans une grammaire cinématographique assez large et diverse, sans faire forcément de référence à un auteur en particulier...Son style tend plutôt vers une synthèse "anonyme", un fourre tout pour cinéphile nourri à la naphtaline, qui est devenu maintenant quelque chose de courant dans cette vague de post-modernisme.
A quelques occasions, on peut retrouver du Visconti sur Age of Innocence ou du Powell pressburger dans le choix de certaines lumières etc...Le style de Scorsese, en tant que tel, n'est pas vraiment novateur. Un détail caractéristique de cette démarche globalisante d'une histoire du cinéma est l'emploi des ouvertures/ fermetures à l'iris, un petit ornement aujourd'hui totalement désuet.

Publié : 9 févr. 07, 15:38
par ed
Gounou a écrit :Non, alors voilà... tu fais bien de mettre le doigt dessus car c'est un débat qui a déjà eu lieu à nombreuses reprises, et auquel j'ai précédemment pris part, notamment à l'occasion de Miami Vice du père Mann. Donc remettons les choses dans l'ordre.
pardon alors d'avoir remis le couvert, mais je lis pas (ou alors je survole) les topics des films que je n'ai pas vus, et de toute façon, le débat est intéressant
Gounou a écrit :Evidemment que j'apprécie encore plus le cinéma de Scorsese aujourd'hui que je suis familier de son univers et que son langage me parle comme aucun autre. Son coup de pinceau (de caméra et de "ciseaux" pour être plus précis) fait partie intégrante des éléments que j'attends de retrouver dans chacun de ses nouveaux films... mais à ce stade, il s'agit bien d'auto-fidélité artistique. Alors ce n'est pas le nom qui détermine l'intérêt... c'est le nom qui évoque un style qui lui même évoque mon intérêt.
OK
Gounou a écrit :Il y a eu, comme pour tout, une "première fois", je ne sais même plus laquelle, mais j'attends de chaque nouvelle expérience ce sentiment de première fois au-delà des éléments que j'espère retrouver.
C'est un débat que j'ai eu récemment avec edette (me voilà lancé à raconter ma vie :roll: ), qui me reproche parfois de "trop" faire référence à la filmo précédant une oeuvre, quand je dois expliquer pourquoi je l'ai appréciée. Et d'un autre côté, personnellement, je me trouve très exigent pour la même raison. D'où cette espèce de tiraillement permanent entre "faut-il apprécier l'oeuvre pour ce qu'elle est, avec un regard neuf ?" ou "faut-il (comme le dit George) l'englober dans son contexte créatif (pour résumer) pour mieux en saisir les tenants et les aboutissants ?"
Gounou a écrit :En l'occurence, et concernant The Aviator, tu soulèves le fait que le film, s'inscrivant dans un classicisme (classicisme et non pas académisme... mais c'est un autre débat), finit par ressembler, du moins dans sa forme, à un film plus... anonyme. Et dans ce cas précis, pour répondre à ta question initiale, je te dirais que oui, en un sens, il est souhaitable d'avoir une idée du parcours du cinéaste et de l'histoire du Cinéma Américain.
Sans cela, le film est classieux mais transmet bien moins qu'il ne devrait, c'est évident.
et pourtant, ce parcours, cette histoire du Cinéma, je la connais (grâce à lui, entre autres, d'ailleurs) pas plus mal que le commun des spectateurs (et d'ailleurs, encore un autre débat, dans une conception d'un art "populaire" comme le cinéma, n'est-ce pas dommage de limiter ou de brider l'appréciation de certains spectateurs "neufs"...) mais le film m'a semblé un peu (mot mal choisi à défaut d'un pire) anecdotique.

Publié : 9 févr. 07, 15:42
par Gounou
Son style n'est pas novateur, mais il est singulier... donc novateur :)
Ce que je veux dire, c'est que Scorsese est selon moi, entre autres choses, l'un des exemple les plus probants de ce qu'un artiste peut puiser chez ses maîtres pour le transformer en une nouvelle forme, singulière elle, et la faire fusionner avec ses propres obsessions.

Publié : 9 févr. 07, 15:46
par George Kaplan
AtCloseRange a écrit :
Mais malheureusement une fois que tu as énoncé ces 2 éléments fondateurs, j'ai l'impression qu'on a tout dit.

Je te rejoins juste sur la performance de Di Caprio (bien meilleur que dans GONY).
Oui mais à mon avis le film repose sur ces deux éléments et ça suffit amplement. Ensuite tu peux trouver la direction artistique un peu marquée HBO. Mais Scorsese fait ici des essais avec les effets numériques et tente de retranscrire un Hollywood grande période avec tout le clinquant qui va autour. Je comprends que ça ne séduise pas tout le monde, reste que à mes yeux certaines séquences sont simplement fulgurantes.

Publié : 9 févr. 07, 15:50
par Gounou
J'ai envie de voir en The Aviator une sorte de film d'école fait par un élève de 60 ballets, un exercice appliqué de synthèse sur 30 ans de cinéma. Et c'est précisément cela qui le rend stimulant à mes yeux.
Le biopic ne suffit pas en soi, c'est évident.

Publié : 9 févr. 07, 15:51
par joe-ernst
George Kaplan a écrit :
Et puis parce que DiCaprio y est exceptionnel !
Je ne l'ai pas trouvé convaincant du tout... J'essaie depuis plusieurs années de changer mon jugement sur lui, mais il reste le même, à savoir que c'est un acteur au jeu limité à mes yeux. Tant pis pour moi probablement. :?

Publié : 9 févr. 07, 15:53
par George Kaplan
joe-ernst a écrit :
Je ne l'ai pas trouvé convaincant du tout... J'essaie depuis plusieurs années de changer mon jugement sur lui, mais il reste le même, à savoir que c'est un acteur au jeu limité à mes yeux. Tant pis pour moi probablement. :?
Dommage en effet. Pour moi, il est de loin le comédien le plus doué de sa génération. Un phénomène comme on en voit trop peu. Pas étonnant d'ailleurs qu'il soit devenu l'alter ego de Scorsese succédant à De Niro.

Bref, je suis un immense fan du beau Léo !

Publié : 9 févr. 07, 15:54
par Gounou
Tout pareil que George concernant Léo. :wink:

Publié : 9 févr. 07, 16:06
par ed
Gounou a écrit :Tout pareil que George concernant Léo. :wink:
ah, là, on est d'accord ! :D
ce type est fabuleux !

Publié : 9 févr. 07, 16:24
par joe-ernst
George Kaplan a écrit :Pas étonnant d'ailleurs qu'il soit devenu l'alter ego de Scorsese succédant à De Niro.
Pour moi, il y a une sacrée différence de talent entre De Niro dans Mean Streets et DiCaprio dans The Departed, et ce n'est en faveur de ce dernier... Bon, il a visiblement ses fans, tant mieux, et je n'en suis pas, tant pis ! :D

Publié : 9 févr. 07, 16:30
par Roy Neary
Tuck pendleton a écrit :Disons que Scorsese puise dans une grammaire cinématographique assez large et diverse, sans faire forcément de référence à un auteur en particulier...Son style tend plutôt vers une synthèse "anonyme", un fourre tout pour cinéphile nourri à la naphtaline, qui est devenu maintenant quelque chose de courant dans cette vague de post-modernisme.
A quelques occasions, on peut retrouver du Visconti sur Age of Innocence ou du Powell pressburger dans le choix de certaines lumières etc...Le style de Scorsese, en tant que tel, n'est pas vraiment novateur. Un détail caractéristique de cette démarche globalisante d'une histoire du cinéma est l'emploi des ouvertures/ fermetures à l'iris, un petit ornement aujourd'hui totalement désuet.
Je trouve que tu as une conception très réductrice, je dirais aussi assez biaisée du cinéma de Martin Scorsese. "Pas novateur" ? C'est la première fois que je lis ce reproche. Si son style ne fut pas novateur dans les années 70/80, alors personne ne l'a été. Réduire son style à un fourre-tout pour cinéphile est également assez singulier. :lol:
A te lire, s'inscrire dans une démarche cinéphile c'est régurgiter un "bloubiboulga" globalisant qui puise à toutes les sources. Ce n'est vraiment pourtant pas le cas de Scorsese. Il est nourri de cinéma jusqu'à la moelle, certes, mais ne se contente pas d'appliquer de recettes ou de sortir en vrac ses influences sans cohérence et surtout sans unité stylistique. De plus, ce mélange Cassavetes/âge d'or de Hollywood, qui paraît complètement incongru sur le papîer, a donné une oeuvre d'une belle profondeur et originalité. On n'avait rien vu d'équivalent à des films comme Taxi Driver ou Raging Bull, même si les influences existent.

Les cinéastes "n'inventent" plus rien depuis les années 60 (sauf exceptions, genre David Lynch, qui est en train de se faire bouffer par son cinéma, mais c'est un autre débat). En revanche, certains innovent en reconstruisant, en malaxant, en digérant. Si ça peut en effet donner des tentatives post-modernes sans fondement ni aspérités (surtout depuis les années 90), il ne faut pas en faire une généralité, surtout pour ceux qui s'y sont essayé avec bonheur dès les années 70.

L'utilisation de la musique, le montage, les mouvements de caméra, les effets optiques, il y a une vraie originalité dans le style de Martin Scorsese (sans aller jusqu'à parler des thèmes et obsessions véhiculées par ses choix formel, on les connait tous), ce n'est pas pour rien qu'il a été copié dans le monde entier. Je connais de gens qui sont heurtés par son style, parfois frénétique, et qui n'accrochent pas du tout, mais je n'ai jamais connu personne qui ne le trouvait pas novateur. Alors parler en plus de "synthèse anonyme"... :shock:

Publié : 9 févr. 07, 16:33
par George Kaplan
D'accord avec Roy. Sauf concernant le Bloubiboulga. Il s'agit en réalité de Gloubiboulga :idea: