A L'OMBRE DES POTENCES (Run for Cover)
Nicholas Ray-1955
92' (Tecnicolor)
Production : Paramount
Scénario : Winston Miller d'après une histoire de de Harriet Frank Jr et Irving Ravetch
Photographie : Daniel Fapp
Musique : Howard Jackson
Interprétation : James Cagney (Matt Dow), Viveca Lindfors (Helga Swenson), John Derek (Davey Bishop), Jean Hersholt (Swenson), Grant Withers (Gentry), Ernest Borgnine (Morgan), Ray Teal (le Shérif)
Matt Dow, un ex détenu (James Cagney) fait la rencontre d'un jeune homme (John Derek) au parcours chaotique, encore incertain quand au cours qu'il compte donner à sa vie.
Le hasard fait qu'ils se retrouvent accusés hâtivement d'être les complices d'une bande de hors la loi pillant les trains.
Capturés lors d'une embuscade menée trop promptement par le Shérif local, Bishop est blessé à vie à la jambe.
Matt Dow, qui a perdu prématurément son fils, se prend d'affection pour le jeune homme et l'incite, tout au long de sa convalescence qu'il va mener ches les Swenson, à surmonter son handicap.
Mais Bishop n'est pas satisfait et témoigne d'une ambition démesurément grande, le conduisant jusqu'à la malhonnêteté.
Ce western, en apparence calme et serein, contient néanmoins, à travers le personnage torturé de Davey Bishop, des moments de tension rappelant certains personnages entrevus dans l'oeuvre de Ray (cf. Emma Small dans
Johnny Guitar, Nick Romano dans
Knock on any door ou bien encore la bande de Buzz dans
Rebel without a cause).
Ici James Cagney incarne un personnage proche de ceux interprétés par James Stewart dans la série des westerns réalisés par Anthony Mann.
Un homme expérimenté, sur le chemin de la rédemption, ayant acquis ou désirant acquérir une certaine sérénité.
Se sentant responsable de la blessure de Bishop, Matt se rend chez la famille qui l'a recueilli (Davey Bishop est orphelin et est hébergé par les familles de la petite ville), et fait la connaissance d'Helga (Viveca Lindfors) qui vit avec son père.
Le temps de la convalescence de Bishop, Matt et Helga vont apprendre à se connaître, s'estimer et s'aimer.
Cette histoire d'amour, comme une accalmie au milieu de scènes à la violence contenue ou explicite, insuffle une relative douceur au film, lui conférant un rythme tranquille, rappelant la fin de Johnny Guitar, voyant Johnny et Vienna soulagés d'être débarrassés de la violence qui les accablait.
"Run for cover" pourrait signifier quelque chose comme "ne pas assumer ses responsabilités".
C'est parce qu'il n'assume pas ses responsabilités que Bishop s'oppose aux conseils faits de sagesse de Matt.
Sa jambe blessée n'est qu'un prétexte pour justifier son amertume.
Matt tente à plusieurs reprises de lui faire entendre raison, lui expliquant que rien n'est dû pour personne de façon définitive.
Pour
Run for cover, Ray n'a pas souhaité utiliser le Cinémascope, comme s'il souhaitait rester au plus près de ses personnages, plus important que les paysages qui les entourent.
A la différence de Mann, la nature sauvage n'est pas là pour traduire les tourments ou l'errance du personnage, elle est plutôt ici comme un havre de paix pour Matt qui deviendra cow boy, reprenant l'exploitation du père d'Helga, s'accomplissant ainsi définitivement dans sa quête de pardon.
Néanmoins, utilisant avec parcimonie des plans en contre plongée çà et là, Ray entend accentuer le caractère dramatique de certaines scènes (Ray, par là, se rappelle à notre bon souvenir, on n'oublie pas qu'il fut, jeune homme, étudiant dans la prestigieuse école d'architecture de Frank Lloyd Wright).
Cf.La poursuite finale où Matt retrouve Bishop dans les ruines d'une cité indienne, cette séquence, contenant un caractère tragique d'une rare intensité.
Du coté de l'interprétation, James Cagney est sobre, apportant ce qu'il faut de sérénité et d'expérience par son age déjà avancé, 56 ans, au moment de la réalisation du film.
John Derek, déjà aperçu chez Ray dans
Knock on any door, au coté d'Humphrey Bogart, fait le métier et traduit assez bien les tourments de son personnage.
Viveca Lindfors, en revanche, pourtant charmante en reine Margaret, au coté d'Errol Flynn dans
Les aventures de Don Juan, est ici, un peu empruntée, à la limite du maniérisme. Elle sera plus convaincante dans
Moonfleet cette même année 1955.
Un film qui, même s'il n'atteint pas les sommets de lyrisme de
Johnny Guitar, est fortement recommandable.